Tahiti Infos

​Le Pays prépare le terrain social à l'OPT


Tahiti, le 6 juillet 2023 - Un courrier envoyé par Vannina Crolas, ministre de la Fonction publique, à la direction générale de l'OPT début juin a posé les bases de ce que le gouvernement va demander dans les mois qui viennent à Jean-François Martin, président-directeur général de l'OPT, mais aussi aux salariés. Le motif de ce courrier que Tahiti Infos s'est procuré est simple, et sans détour : “Situation préoccupante du Groupe OPT”.
 
“Si vis pacem, para bellum”. “Si tu veux la paix, prépare la guerre”. C'est un peu ce que prépare la nouvelle ministre de la Fonction publique, Vannina Crolas, qui, face aux pertes des différentes sociétés de la holding OPT, demande des comptes à la direction générale du groupe pour mieux fourbir ses armes et préparer les réponses à un mouvement social qui ne saurait tarder.
 
Dire que le groupe OPT est en difficulté est presque un euphémisme. Les pertes de la téléphonie ont été mises en évidence lors du départ très médiatique de l'ancien directeur général de Onati. Marara paiement peine toujours à décoller, sans parler de Fare Rata, plombé par un service postal ignoré de plus en plus et un nouveau système de comptabilité qui fait des trous dans les comptes au lieu de contribuer à les combler.
 
Le président du groupe OPT, Jean-François Martin, a rencontré la nouvelle ministre de la Fonction publique, Vannina Crolas, peu de temps après la nomination de cette dernière, afin d’évoquer avec elle ces problèmes, malgré les subventions du Pays depuis 2019. Un entretien qui a donné naissance à un courrier de la ministre à son attention.
De missive à missile, il n'y a qu'une lettre, et cette dernière n'est pas passée par la Poste.
 
Les solutions présentées à la ministre par le P-dg consistent en une cession d'une partie des biens immobiliers de l'OPT, la mise en place d'un plan de rigueur au sein de toutes les entités du groupe, accompagné d'une demande exceptionnelle de subvention du Pays. Selon nos informations, cette demande serait de 500 millions de francs. Quant au plan de rigueur, il pourrait être présenté la semaine prochaine aux élus de l'assemblée de la Polynésie française lors de la commission des finances qui va étudier les comptes de la holding.

Sortir du placard

En réponse, Vannina Crolas revient sur le logiciel NOA qui plombe les comptes de l'OPT, que ce soit en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie. Le système informatique de gestion commerciale porté par Ericsson France serait une catastrophe et aurait coûté 8 milliards de francs de pertes en Nouvelle-Calédonie. Le constat au fenua serait, lui, très mitigé par ses utilisateurs eux-mêmes.
 
Du côté des effectifs, Vannina Crolas reprend des propos qui lui ont été rapportés et demande des comptes à la direction. “Des agents et représentants du personnel de votre établissement m'ont fait part de nombreux employés au placard ou écartés du fonctionnement de votre établissement tout en étant rémunérés, ainsi que de nombreux salariés en situation de risque psychosocial, en raison des dysfonctionnements générés par la mise en place du système NOA qui aurait coûté des milliards, tandis que de nouveaux cadres seraient en recrutement à Fare Rata.”
 
Façon main de fer dans un gant de boxe, la nouvelle ministre redresse les bretelles et pose les bases de ce qu'elle veut voir mis en place dans l'immédiat avant même de songer à verser une quelconque subvention. “Dans l'immédiat, je vous invite à suspendre tous recrutements de cadres et actions visant à augmenter la masse salariale et à remobiliser et optimiser les ressources humaines déjà en poste”, attaque la ministre dans sa missive. Elle demande de plus à ce que la direction précise “les mesures que vous comptez mettre en œuvre pour réduire vos charges d'exploitation mais aussi pour augmenter vos recettes”.

“Accepter les sacrifices, renoncer aux avantages”


Pour ce faire, la ministre souffle de rouvrir le dossier des interconnexions et d'en réviser la tarification comme “source de revenus non négligeable”. Une demande qui va totalement à l'encontre des récentes recommandations de la Chambre territoriale des comptes et qui va à contre-sens des récentes condamnations au tribunal administratif.
 
Dans sa conclusion, la ministre conclut que “si les missions de service public du groupe OPT doivent être financées par les deniers publics, cela ne peut se faire à n'importe quel prix. Les difficultés sociales actuelles de nombreuses de nos familles nous appellent à la solidarité, à accepter les sacrifices que le bien commun impose, à renoncer, non pas à nos droits, mais à nos avantages pour rétablir les droits fondamentaux de ceux qui en sont réduits à faire l'aumône de ce qui leur revient de droit et de ce qu'il ne devrait pas avoir à quémander : un toit, un repas, un travail”.
 
Si ces lignes s'adressent à l'intégralité des agents de l'OPT, il y a fort à parier que de prochaines négociations sociales sont à venir dans le groupe pour s'attaquer aux avantages des fonctionnaires des différents services. Vous l'entendez l'appel à la grève ?

Les demandes de la ministre
 
Afin de pouvoir prendre sa décision sur la demande de subvention du Pays à l'OPT, la ministre Crolas a listé sept points sur lesquels elle souhaite des éclaircissements :
  • Le nombre de salariés “au placard” par entité et catégorie d'emploi ainsi que la masse salariale annuelle afférente.
  • Le nombre d'agents concernés par les risques psychosociaux par entité et catégorie d'emploi ainsi que la masse salariale annuelle afférente.
  • Le coût d'acquisition et le bilan fonctionnel du système d'information NOA.
  • Le nombre total d'agents par entité et catégorie d'emploi ainsi que la masse salariale annuelle afférente.
  • Le montant des 10 plus hautes et des 10 plus basses rémunérations nettes du groupe.
  • La liste de tous les postes en cours de recrutement par entité et catégorie ainsi que le coût correspondant.
  • La liste de tous les avantages accordés aux agents du groupe par entité, ainsi que le coût correspondant.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Jeudi 6 Juillet 2023 à 19:43 | Lu 9448 fois