Tahiti, le 4 juillet 2022 – Le gouvernement organise cette semaine son “forum de lancement” pour l'élaboration du nouveau Plan Climat 2022-2030 de la Polynésie française, qui entend dépasser le seul cadre de “l'énergie” pour ne pas réitérer l'échec de la précédente planification 2015-2020 et aborder les problématiques des transports, de l'alimentation ou des déchets… Deux experts du Giec, invités au fenua pour animer conférences et ateliers, alertent sur la “climato-sensibilité” particulière de la Polynésie.
Annoncé il y a quelques mois, le second Plan Climat de la Polynésie française va débuter cette semaine son élaboration par un “forum de lancement”. Organisé sur trois jours à la présidence et à la Chambre de commerce, il prévoit une présentation du dernier rapport du Giec par deux de ses contributeurs, Virginie Duvat et Alexandre Magnan, des tables rondes autour des enjeux de la résilience au changement climatique ou encore une conférence publique mercredi soir à 18 heures dans l'amphithéâtre de la CCISM.
11 tonnes d'équivalent CO2/an par Polynésien
Lundi, les ministres en charge de l'Énergie et de l'Environnement, Yvonnick Raffin et Heremoana Maamaatuaiahutapu, épaulés des deux experts du Giec, ont présenté aux médias les “ambitions” nouvelles de cette seconde planification. Il faut dire que le précédent Plan Climat Énergie 2015-2020 s'est soldé par un échec en termes de résultats. “On s'était fixé comme objectif -7% sur les émissions de gaz à effet de serre et on est plutôt à +7%”, a froidement constaté Yvonnick Raffin. Une feuille de route qui avait eu le mérite “d'initier des actions” et de “mobiliser des acteurs”, a défendu le conseiller du ministre, Olivier Delestre. Mais pour pointer ensuite les lacunes de cette première tentative : une focalisation trop importante sur le secteur de l'énergie, un manque de cohérence dans les schémas directeurs sectoriels de la Polynésie ou encore un manque “d'appropriation par les parties prenantes”.
Cette fois-ci, promis, il n'est question que de “transversalité” dans les thématiques traitées et dans leurs mises en œuvre : transports, habitat, déchets, consommation… Ce point de départ d'une stratégie qui devrait être finalisée mi-2023 entend affronter plus frontalement des problématiques “inhérentes” à la réduction des effets du changement climatique. Un premier constat “peut-être difficile à entendre”, dixit Heremoana Maamaatuaiahutapu, a d'ailleurs été détaillé par le gouvernement : L'empreinte carbone d'un Polynésien s'établit à 11 tonnes d'équivalent CO2 par an. Un chiffre qui équivaut à la moyenne nationale et “bien supérieur à la moyenne mondiale”. Sur ce point, le ministre de l'Environnement entend d'ailleurs porter un “discours un peu nouveau”. Celui d'une Polynésie qui n'est pas uniquement victime, mais aussi contributrice du changement climatique (voir encadré).
50% de réduction de gaz à effet de serre
Or, en Polynésie bien plus qu'ailleurs, ont confirmé lundi les deux experts du Giec, les effets de ce changement climatique vont affecter nos modes de vie : une hausse de 1,5°C de la température d'ici 2040, alors qu'au-delà de 2°C la vitesse de l'élévation de la mer pourrait atteindre 1 cm/an et condamner “entre 80 et 99% des coraux” polynésiens… Le dernier rapport du Groupe international d'experts sur le climat consacre un chapitre aux “petites îles”. Il évoque les risques “d'impacts majeurs” : “érosion côtière, submersion marine, salinisation des sols, impacts maximums des vents cycloniques”. Ceci avec des effets immédiats sur les écosystèmes locaux et indirectement sur des pans entiers de l'économie locale tels que l'agriculture, la pêche, la perliculture ou encore le tourisme…
L'objectif du Plan Climat se résume donc en un chiffre : atteindre 50% de réduction des gaz à effet de serre en 2030. Pour y arriver, il entend décliner des actions opérationnelles “par secteurs d'activité avec des objectifs, des moyens et des indicateurs de résultat et de suivi”. Mais on l'a dit, ce plan ambitionne surtout de chapeauter absolument "toutes les politiques sectorielles" du Pays. Un projet ambitieux qui demandera l'adhésion de l'ensemble des “forces vives” du territoire comme les entreprises, les communes ou encore la population… Mais un projet absolument nécessaire. Il n'y a aujourd'hui plus aucune raison d'en douter.
Annoncé il y a quelques mois, le second Plan Climat de la Polynésie française va débuter cette semaine son élaboration par un “forum de lancement”. Organisé sur trois jours à la présidence et à la Chambre de commerce, il prévoit une présentation du dernier rapport du Giec par deux de ses contributeurs, Virginie Duvat et Alexandre Magnan, des tables rondes autour des enjeux de la résilience au changement climatique ou encore une conférence publique mercredi soir à 18 heures dans l'amphithéâtre de la CCISM.
11 tonnes d'équivalent CO2/an par Polynésien
Lundi, les ministres en charge de l'Énergie et de l'Environnement, Yvonnick Raffin et Heremoana Maamaatuaiahutapu, épaulés des deux experts du Giec, ont présenté aux médias les “ambitions” nouvelles de cette seconde planification. Il faut dire que le précédent Plan Climat Énergie 2015-2020 s'est soldé par un échec en termes de résultats. “On s'était fixé comme objectif -7% sur les émissions de gaz à effet de serre et on est plutôt à +7%”, a froidement constaté Yvonnick Raffin. Une feuille de route qui avait eu le mérite “d'initier des actions” et de “mobiliser des acteurs”, a défendu le conseiller du ministre, Olivier Delestre. Mais pour pointer ensuite les lacunes de cette première tentative : une focalisation trop importante sur le secteur de l'énergie, un manque de cohérence dans les schémas directeurs sectoriels de la Polynésie ou encore un manque “d'appropriation par les parties prenantes”.
Cette fois-ci, promis, il n'est question que de “transversalité” dans les thématiques traitées et dans leurs mises en œuvre : transports, habitat, déchets, consommation… Ce point de départ d'une stratégie qui devrait être finalisée mi-2023 entend affronter plus frontalement des problématiques “inhérentes” à la réduction des effets du changement climatique. Un premier constat “peut-être difficile à entendre”, dixit Heremoana Maamaatuaiahutapu, a d'ailleurs été détaillé par le gouvernement : L'empreinte carbone d'un Polynésien s'établit à 11 tonnes d'équivalent CO2 par an. Un chiffre qui équivaut à la moyenne nationale et “bien supérieur à la moyenne mondiale”. Sur ce point, le ministre de l'Environnement entend d'ailleurs porter un “discours un peu nouveau”. Celui d'une Polynésie qui n'est pas uniquement victime, mais aussi contributrice du changement climatique (voir encadré).
50% de réduction de gaz à effet de serre
Or, en Polynésie bien plus qu'ailleurs, ont confirmé lundi les deux experts du Giec, les effets de ce changement climatique vont affecter nos modes de vie : une hausse de 1,5°C de la température d'ici 2040, alors qu'au-delà de 2°C la vitesse de l'élévation de la mer pourrait atteindre 1 cm/an et condamner “entre 80 et 99% des coraux” polynésiens… Le dernier rapport du Groupe international d'experts sur le climat consacre un chapitre aux “petites îles”. Il évoque les risques “d'impacts majeurs” : “érosion côtière, submersion marine, salinisation des sols, impacts maximums des vents cycloniques”. Ceci avec des effets immédiats sur les écosystèmes locaux et indirectement sur des pans entiers de l'économie locale tels que l'agriculture, la pêche, la perliculture ou encore le tourisme…
L'objectif du Plan Climat se résume donc en un chiffre : atteindre 50% de réduction des gaz à effet de serre en 2030. Pour y arriver, il entend décliner des actions opérationnelles “par secteurs d'activité avec des objectifs, des moyens et des indicateurs de résultat et de suivi”. Mais on l'a dit, ce plan ambitionne surtout de chapeauter absolument "toutes les politiques sectorielles" du Pays. Un projet ambitieux qui demandera l'adhésion de l'ensemble des “forces vives” du territoire comme les entreprises, les communes ou encore la population… Mais un projet absolument nécessaire. Il n'y a aujourd'hui plus aucune raison d'en douter.
Deux experts du Giec en Polynésie
Virginie Duvat et Alexandre Magnan, deux experts ayant participé aux rapports du Giec sur le climat, sont actuellement au fenua pour animer conférences et ateliers lors du forum de lancement sur les travaux du Plan climat 2022-2030 de la Polynésie française. Ils expliquent notamment que la Polynésie est un territoire “climato-sensible”, plus exposé et plus sensible aux risques climatiques que d'autres territoires. “L'exposition y est plus forte”, explique Virginie Duvat, spécialisée dans l'étude des territoires insulaires. “Dans le sens où, quand un cyclone se produit, il peut affecter le territoire sur la quasi-totalité de sa surface.” Autre illustration d'une sensibilité plus forte, l'écosystème corallien y joue par exemple un rôle prépondérant. “On ne trouve pas, dans d'autres territoires, cette forte dépendance à des écosystèmes eux-mêmes très menacés par les changements climatiques.”
L'experte insiste également sur le rôle fondamental que joue l'océan. “En Polynésie française, on a un territoire à la fois très exposé aux impacts des modifications qui affectent le climat mais aussi très exposé aux impacts des modifications qui touchent les océans. Donc climat plus océans, ça donne une convergence d'impacts qui est beaucoup plus forte que, par exemple, en Suisse qui se trouve en milieu continental et qui n'est pas exposée à ces changements-là.” Enfin, la population est globalement concentrée sur les côtes qui font partie des espaces les plus menacées par le changement climatique : “Érosion côtière, submersion marine, salinisation des sols, impacts maximums des vents cycloniques", cite Virginie Duvat.
Mais pour la scientifique, ces territoires sont également plus enclins à figurer à la pointe des innovations et solutions pour lutter contre les effets du changement climatique. “Ceci parce qu'on enregistre plus tôt ou de manière plus intense les impacts liés au changement climatique. Parce que ces impacts deviennent tangibles, visibles et perceptibles. Ces territoires sont obligés d'agir.” Replantation de mangroves ou re-végétalisations de hauts de plages, par exemple. “Dans les îles tropicales, on a pas mal d'expérimentations de solutions basées sur la nature”, constate Virginie Duvat. Dans une publication spécialisée de juin 2022, cosignée avec Alexandre Magnan et plusieurs autres experts du climat, les chercheurs ont d'ailleurs identifiés et détaillés cinq “leviers pour l'adaptation” de la Polynésie française : Renforcer les politiques publiques de gestion du risque, favoriser une science localisée des risques climatiques, intégrer le principe de solidarité écologique dans le droit, renouveler l'approche de planification territoriale et sensibiliser au risque climatique.
L'experte insiste également sur le rôle fondamental que joue l'océan. “En Polynésie française, on a un territoire à la fois très exposé aux impacts des modifications qui affectent le climat mais aussi très exposé aux impacts des modifications qui touchent les océans. Donc climat plus océans, ça donne une convergence d'impacts qui est beaucoup plus forte que, par exemple, en Suisse qui se trouve en milieu continental et qui n'est pas exposée à ces changements-là.” Enfin, la population est globalement concentrée sur les côtes qui font partie des espaces les plus menacées par le changement climatique : “Érosion côtière, submersion marine, salinisation des sols, impacts maximums des vents cycloniques", cite Virginie Duvat.
Mais pour la scientifique, ces territoires sont également plus enclins à figurer à la pointe des innovations et solutions pour lutter contre les effets du changement climatique. “Ceci parce qu'on enregistre plus tôt ou de manière plus intense les impacts liés au changement climatique. Parce que ces impacts deviennent tangibles, visibles et perceptibles. Ces territoires sont obligés d'agir.” Replantation de mangroves ou re-végétalisations de hauts de plages, par exemple. “Dans les îles tropicales, on a pas mal d'expérimentations de solutions basées sur la nature”, constate Virginie Duvat. Dans une publication spécialisée de juin 2022, cosignée avec Alexandre Magnan et plusieurs autres experts du climat, les chercheurs ont d'ailleurs identifiés et détaillés cinq “leviers pour l'adaptation” de la Polynésie française : Renforcer les politiques publiques de gestion du risque, favoriser une science localisée des risques climatiques, intégrer le principe de solidarité écologique dans le droit, renouveler l'approche de planification territoriale et sensibiliser au risque climatique.