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Lodbrog : dans les entrailles d’un câblier


TAHITI, le 17 avril 2023 - Le câblier Lodbrog est en Polynésie pour mener les opérations de Natitua Sud. Elles consistent en la pose d’un câble numérique au fond de l’océan entre Tahiti, Tubuai et Rurutu afin d’offrir le haut-débit à ces deux îles des Australes. En attendant le début des travaux, embarquez sur ce navire hors-normes.

Le câble Natitua relie Tahiti à 20 îles des Marquises et des Tuamotu depuis fin 2018. Natitua Sud va relier Tahiti à Rurutu et Tubuai d’ici quelques semaines. Les travaux auront lieu entre le 19 avril et le 20 mai. C’est le Lodbrog qui va permettre de mener à bien les opérations. À bord, tout l’équipage (ils sont une soixantaine) sera mobilisé.

Le Lodbrog a été construit en 1985. Il a d’abord été un roulier (navire spécialisé dans le transport de matériel roulant) avant de devenir câblier il y a 20 ans. Il navigue sous pavillon malaisien. Sa longueur hors tout (distance entre les points extrêmes avant et arrière de la structure permanente d’un bateau) est de 142,94 mètres et sa largeur est de 23,3 mètres. Pour y accéder, il faut emprunter un escalier d’une petite cinquantaine de marches.

800 km à 6 000 mètres de fond

Concrètement, le navire et ses hommes vont devoir déposer le câble au fond de l’eau. Il y a quatre tronçons qui vont être assemblés à bord et qui seront dans un premier temps mis à l’eau (à une vitesse moyenne d’environ 1,5 mètre par seconde). Le câble sera fixé à ses extrémités à des bouées pour rester visible et facilement récupérable de la surface. Ensuite, une fois qu’il sera immergé sur toute sa longueur, les connexions seront faites avec la partie terrestre. “La fibre formera entre les îles une sorte de Y”, précise Dominique Guiraud, second des opérations. Cela permettra, en cas de panne, de mieux isoler le tronçon dysfonctionnant et de continuer à fournir le haut-débit à une partie des habitants. Tout au long de la mise à l’eau, des tests sont effectués pour s’assurer du bon fonctionnement du système.

Au total, le câble mesure 800 km. Il va reposer en moyenne par 5 à 6 000 mètres de fond. À ces profondeurs, il n’est pas utile de l’enterrer, il ne risque rien (chaluts, ancres…). Ce qui n’est pas le cas pour des profondeurs en-deçà de 1 000 mètres. Dans ce cas, alors, les câbles sont enterrés dans un sillon creusé par une sorte de charrue sous-marine. “En Polynésie, les seuls points critiques sont les platiers, lagons, tombants”, indique Stéphane Desbarats, le team leader survey. Des mesures de précaution ont été prises.

Natitua Sud est composé, pour résister aux pressions et aléas sous-marins, de différents types de câbles : light way, simple armure ou double armure. Selon Dominique Guiraud, les fonds sous-marins sont accidentés dans cette région du monde. C’est là que réside toute la difficulté du projet dont la pose est considérée comme une “petite opération” (certains câbles posés dans le monde peuvent mesurer jusqu’à 8 000 kilomètres). “Il faudra s’assurer que le câble repose bien sur le sol en tout point du tronçon. Il ne devra être nulle part être en suspension.” Des études topographiques ont été réalisées en amont pour connaître l’aspect des fonds sous-marins.

Le haut-débit mi-juillet

Le Lodbrog va prendre la direction de Toahotu cette semaine, puis de Rurutu le 20 avril, puis de Tubuai après le 28 avril. Un planning théorique qui reste soumis aux caprices de la nature.

Les habitants de Rurutu et Tubuai peuvent espérer une mise en service du haut-débit à partir de mi-juillet. Des études ont été menées pour raccorder les autres îles des Australes. “Mais le coût était beaucoup trop élevé”, explique Vairani Davio, directrice des infrastructures et de la formation, chef du projet Natitua Sud. Elles continueront, pour l’instant, à fonctionner avec le réseau hertzien.

Le coût de l’opération pour Rurutu et Tubuai est estimé à 3 milliards de Fcfp dont 80% pris en charge par la Polynésie et l’État. Les 20% restant sont financés par l'OPT. Deux appels d’offres internationaux ont été passés pour ce projet. Alcatel Submarine Networks (ASN) a remporté le 1er lot de fourniture, fabrication des équipements et installation en station, Optic Marine Services (OMS) a obtenu le 2e lot, à savoir la pose des équipements sous-marins et terrestres jusqu’en station. Les marchés ont été signés en septembre 2021.

Les stations sont garanties deux ans, la partie sous-marine est garantie quant à elle pendant cinq ans. “Nous définirons à l’issue un contrat de maintenance”, annonce Vairani Davio. La durée de vie du câble est donnée pour 25 ans.


Rédigé par Delphine Barrais le Lundi 17 Avril 2023 à 20:16 | Lu 1507 fois