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Un huis clos pour un moment d'évasion


TAHITI, le 13 mars 2022 - La pièce de théâtre After the end a été jouée au centre de détention Tatutu jeudi. Des détenus, volontaires, ont pu découvrir cette pièce de Dennis Kelly proposée au grand public au Petit théâtre jusqu’au 18 mars.

Merci infiniment d’être venus”, a lancé Guillaume Gay de la compagnie du Caméléon aux détenus qui ont assisté à la pièce After the end. Elle a été présentée au centre de détention Tatutu jeudi après-midi. “La pièce est jouée en métropole depuis quatre ou cinq ans. Elle est proposée sur le territoire depuis le 4 mars au Petit théâtre.”

Mélanie Place, coordinatrice socioculturelle dans les établissements pénitentiaires de Polynésie, explique la démarche. Le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) a pour mission, entre autres, la diffusion de spectacles vivants. Cette mission est financée par une subvention de la mission culturelle du haut-commissariat. Dans ce cadre, des pièces de théâtre choisies sont présentées dans une salle dédiée du centre de détention. Les détenus y participent sur la base du volontariat. Ils sont prévenus directement par les agents du Spip ou par un canal de vidéo interne. Un partenariat a été mis en place avec la compagnie du Caméléon en 2018.

Il y a “un aspect divertissement”, “c’est un bon moyen de relâcher la pression.” Il y a également une volonté de “démocratisation”. Tous les détenus n’ont pas l’habitude du théâtre. À ce propos, Guillaume Gay, dans son introduction a rappelé “qu’il ne s’agit ni de cinéma, ni de télévision mais d’une prise directe en contact avec les acteurs. Sentez-vous libre de ressentir, de rire, d’être ému, mais pas de commenter, de se déplacer ou de faire du bruit qui pourraient déconcentrer les acteurs sur scène”. Le chef d’établissement, Vincent Vernet, a rappelé que “tout est parti du théâtre : le cinéma, la télévision… C’est juste magique de pouvoir organiser un tel événement.” Précisant au passage toutes les difficultés associées à une telle initiative. Il aimerait aller plus loin et a annoncé la possibilité de mettre en place une résidence d’artistes d’ici quelques mois au sein même du centre pénitentiaire. “Vous n’aurez pas accès aux répétitions, mais serez associés à des choses logistiques comme la création de décors.”

Ces représentations sont par ailleurs l’occasion “d’une prise de conscience, cela permet de porter un autre regard sur certaines situations”. Elles sont suivies d’un débat, “pour les détenus, c’est un moyen de dire ce qu’ils ont ressenti, ce qu’ils ont aimé ou non, de donner un avis en public”.

Jeudi, une vingtaine de détenus a assisté à la représentation. Certains ont pris la parole, interrogeant les comédiens et le metteur en scène sur le spectacle en lui-même, le thème choisi, la date à laquelle il avait été monté. Ils ont voulu savoir s’il avait été déjà joué en centre pénitentiaire. “C’était une première et les détenus en ont retiré une certaine fierté”, rapporte Mélanie Place. Les détenus ont parfaitement compris la subtilité de la pièce et ont posé des questions sur le fond, la manipulation par exemple, les rapports de force qui s’établissent et oscillent tout au long de la pièce.

Les comédiens, quant à eux, ont insisté sur la proximité avec le public, la force de cette expérience mais aussi sur la qualité d’écoute et le peu de dispersion.


Xavier Guelfi, comédien : “Une expérience incroyable”

C’est la première fois que je jouais dans une prison et même la première fois que j’entrais dans une prison. J’avais une certaine appréhension et ne savais pas à quoi m’en tenir. Nous avons joué à un mètre des détenus, le sujet est fort et les a concernés directement parfois. Mais c’est pour ce la que l’on fait du théâtre, pour trouver un écho, et faire réfléchir. L’engagement sur scène n’était pas exactement le même que dans un théâtre, les réactions parfois inattendues. C’est comme si j’avais réentendu le spectacle. Le débat ensuite a été extrêmement enrichissant. Un détenu est venu nous voir en nous disant : ‘cela fait du bien’. C’était incroyable.”

Marie Petiot, comédienne : “Je me suis sentie vraiment utile”

Avant de démarrer, j’étais très contente de jouer dans le centre pénitentiaire, sans appréhension, sans doute parce que je n’avais pas pris la mesure de tout cela. Quand nous avons commencé, je me suis alors dit : ‘ce n’est quand même pas rien !’ C’est comme si, parfois, on tendait un miroir au public. Tout est allé très très vite, enfin il m’a semblé. J’ai été surprise par certaines réactions, par exemple lorsque les détenus se sont mis à rire alors que sur scène, l’échange était violent. Après le débat, un détenu nous a posé la question à ce propos, nous demandant : ‘avez-vous trouvé nous n’avons pas ri quand il fallait ?’ J’ai répondu honnêtement que j’étais été étonnée, en effet. Il nous a répondu : ‘mais tu sais, c’était un rire tendre’. Je me suis sentie vraiment utile.”


Le danger est-il réellement dehors ?

After the end est un thriller adapté de l’œuvre du dramaturge anglais Dennis Kelly (également auteur de “Girls and Boys”). Il raconte l’histoire de Louise qui se réveille dans un abri souterrain antiatomique. Elle ne se souvient de rien. Mark dit qu’ils viennent de survivre à une terrible explosion nucléaire. Dans cet espace où tout est rationné, ils se retrouvent face à face. Se joue alors un pas de deux entre Mark et Louise alliant humour grinçant et suspense haletant. Leurs instincts primaires frappent à la porte de ce bunker coupé du monde. Le danger est-il réellement dehors ?

Pratique

Le 18 mars à 19h30 au Petit théâtre de la Maison de la culture.
À partir de 2 500 Fcfp. Billets en vente dans les magasins Carrefour, à Radio 1 et en ligne.

Contacts

Site internet de la compagnie du Caméléon ou au 87 31 40 40

Rédigé par Delphine Barrais le Dimanche 13 Mars 2022 à 19:57 | Lu 1664 fois