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Le ras-le-bol des pêcheurs professionnels


Tahiti, le 12 avril 2021 – Plusieurs pêcheurs professionnels se sont réunis lundi matin à Fare Ute pour dénoncer l'attribution de licences de pêche “de complaisance” par le Pays à des retraités ou à des personnes déjà en activité qui génèrent une concurrence déloyale et “cassent le prix du poisson”. Les pêcheurs ont demandé à rencontrer le ministre de l'Économie bleue, Tearii Alpha.
 
Une soixantaine de pêcheurs professionnels -parmi lesquels des pêcheurs originaires de Moorea ou Bora Bora ont répondu à l'appel de leur collègue, Ralph Van Cam, lundi matin sur le quai Langlois à Fare Ute. La réunion avait pour objectif de dénoncer l'octroi de licences de pêche professionnelles “de complaisance” par le Service de la pêche du Pays à des retraités ou à des personnes exerçant déjà une autre activité. Selon les pêcheurs présents, des fonctionnaires ou encore des retraités ont déjà obtenu de telles licences. Ceci alors que la réglementation impose aux pêcheurs professionnels de justifier d'un minimum de 240 jours de sortie en mer par an ou encore de tirer leurs revenus essentiellement de la pêche… “C'est parce qu'il y a un ras-le bol de toute part, concernant l'attribution des licences à certains salariés que j'ai décidé lundi dernier d'organiser cette réunion”, explique Ralph Van Cam.
 
C'est surtout la situation d'un des leurs qui a mis le feu aux poudres. Il y a quelques jours, la CPS a demandé à un pêcheur professionnel de renoncer à sa licence s'il voulait percevoir sa pension de retraite de 20 000 Fcfp… “Les vrais pêcheurs qui veulent toucher leur retraite de 20 000 Fcfp, on leur coupe leur licence”, s'insurge Pascal, un pêcheur présent à la réunion, “et ceux qui sont déjà retraités et qui touchent plus de 200 000 Fcfp et même jusqu'à 700 000 Fcfp, on leur donne une licence de pêche. Ce n'est pas normal !”
 

Les “vrais pêcheurs” et les “faux pêcheurs”

Pêcheur de la Presqu'île, Vetearii demande que cesse l'octroi de ces licences de complaisance. Il y a selon lui une concurrence déloyale : “C'est mon gagne-pain la pêche. Je vis de ça et tous les jours je suis au large pour nourrir ma famille et pour payer mes frais. Les fonctionnaires n'ont pas à se casser la tête ils ont leur salaire à la fin du mois”. Même discours pour Tua, un pêcheur de Moorea qui a tenu à être présent à cette réunion. Il ajoute que ces salariés ou retraités viennent grossir les rangs des vendeurs de poisson. “Du coup, ça fait du monde sur le marché local et on a du mal à vendre nos poissons, ce n'est pas juste”. Des “faux pêcheurs” qui n'ont pas les mêmes contraintes que les professionnels. “Ils cassent les prix, c'est cela notre problème à nous pêcheurs professionnels”, déplore Vetearii.
 
Un autre pêcheur ajoute qu'en plus de toucher une pension “pharaonique”, ces retraités peuvent bénéficier des aides du Pays comme le gasoil à 30 Fcfp/litre, la défiscalisation du moteur du bateau et de la voiture… “Et nous les vrais pêcheurs, quand on a des problèmes et qu'on va demander de l'aide au Service de la pêche, ils nous disent qu'ils n'ont plus de budget dans la caisse. Tout ce budget là est parti pour les faux pêcheurs.”
 
Pour les pêcheurs professionnels présents à cette réunion, les retraités et personnes en activité peuvent bien sûr aller pêcher. Mais pas en bénéficiant de licences de pêcheurs professionnels s'il ne s'agit pas de leur gagne-pain. Principal fautif, selon les pêcheurs professionnels, les services du Pays qui n'exercent pas un contrôle suffisant et dont les textes ne sont pas adaptés. “Ce n'est pas la faute des retraités, car selon les textes ils y ont droit. C'est le territoire qui leur a donné ce droit”. Les pêcheurs proposaient néanmoins lundi matin d'introduire un plafond dans la retraite touchée par le demandeur d'une licence de pêche, pour éviter cette concurrence déloyale.
 

Les syndicats pointés du doigt

Les pêcheurs professionnels n'ont pas été tendres avec leurs syndicats. “On les a tous soudoyés. Ils n'ouvrent pas leur bouche. Ils n'ont qu'à se battre pour nous”, a lancé un pêcheur. Organisateur de la réunion, Ralph Van Cam s'est dit dépité lorsque les syndicats sont arrivés avec des “soi-disant” solutions alors que le problème dure depuis des années. Le pêcheur estime que ses représentants syndicaux ne se servent de leur mandat que pour “siéger au Cesec” ou “dans les conseils d'administration” et “les commissions” parmi lesquelles celle du Service de la pêche.
 
Présent sur place, le président du syndicat de pêche S2R, Marc Atiu, assure que le problème des licences vient d'un manque de contrôle du Service de la pêche. “C'est le service qui doit faire son travail de contrôle si effectivement ce gars là pêche. Et s'il ne le fait pas, il faut couper sa licence. Ce n'est pas notre rôle”, s'est-il défendu assurant qu'il “élevait (sa) voix” en commission pour “dire au ministre que je ne suis pas d'accord”. De son côté, le président du syndicat des pêcheurs professionnels, Jaros Otcenasek, lui-même retraité de la fonction publique, a indiqué avant de quitter la réunion qu'il allait rendre sa licence de pêche. Ma place est disponible, s'il y en a qui veulent la prendre”, a emboité Marc Atiu.
 
En fin de réunion, les pêcheurs professionnels ont co-signé un courrier adressé au vice-président en charge de l'Économie bleue, Tearii Alpha, pour dénoncer ces attributions de licences de pêche “de complaisance” et demander une entrevue pour régler ce problème


Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mardi 13 Avril 2021 à 04:45 | Lu 3586 fois