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Taote Laudon, “très content” de prendre sa retraite


Taote Laudon, “très content” de prendre sa retraite
Tahiti le 6 mai 2024 – Après avoir œuvré dans le domaine de la santé et même servi en tant que tāvana hau des Australes et des Tuamotu, Taote Laudon a décidé de tirer sa révérence.

Après 35 ans au service du nunaa dans le milieu de la santé, et quatre ans en tant que tāvana hau aux Australes et aux Tuamotu, Taote Laudon a décidé de prendre sa retraite. Une vie professionnelle bien remplie, au détriment, admet-il, de sa famille. “J’étais disponible 24 heures sur 24. Je ne voyais pas vraiment ma famille et je n’ai pas vu mes enfants grandir.”
 
À 17 ans, son Bac en poche, François Laudon décide de partir en France et s’inscrit finalement en fac de médecine à Bordeaux. Sept ans après, il en sort son doctorat en poche et se spécialise en Santé publique. Un titre qui sera reconnu par l’ordre national des médecins dix ans plus tard. “Un médecin de Santé publique soigne très peu. C’est un ‘taote papier’ car on est dans le papier, dans la planification, dans la préparation de la politique de santé.”

“Je voulais revenir pour servir la Polynésie”

Le parcours de taote Laudon aurait se dérouler tout autrement. En effet, il s’inscrit d’abord à l'école militaire de formation des médecins de l'armée, juste après l'obtention de son bac. “J’avais des amis qui étaient des fils de médecin militaire. Et ils allaient faire des études de médecine à la Santé navale, l’école militaire des médecins. Et je leur ai dit ‘Je vous suis les amis’.
 
Le jeune homme retire un dossier à Arue et s’imagine déjà porter le “bel uniforme”. Mais en déposant son dossier, il demande : “Le jour où je serai diplômé, est-ce que je pourrais être affecté immédiatement à Tahiti ?” La réponse est nette et précise : “L’armée c’est l’armée et ce n’est pas vous qui décidez. Ce ne sera surtout pas en Polynésie d’où vous êtes originaire.” Pas question donc pour lui de continuer. Il s’inscrit donc à l’Université de Bordeaux qui formait déjà des médecins outre-mer.

Orofara, “une période qui m’a beaucoup marqué”

À la fin de ses études, Taote Laudon revient pour son service militaire en tant que Volontaire de l’aide technique (VAT) dans l’armée pendant 16 mois. Il est affecté au dispensaire de Mahina, Papenoo et s’occupe aussi de Orofara, l’ancienne léproserie. “Cela m’a beaucoup apporté en tant que jeune médecin.”
 
Taote Laudon devait s’y rendre une demi-journée par semaine. Finalement il s’y rendra tous les jours entre midi et 14 heures, même le week-end. “Je n’y allais pas vraiment pour les soins car ce sont des malades chroniques. Mais c’était pour l’aspect humain, social et je découvrais aussi leur détresse.”
 
Une expérience qui l’a marqué “professionnellement” et qui selon lui l’a aidé à occuper “des postes importants à la Direction de la santé”.

“On n’a pas de poste pour toi”

Après son service militaire, François Laudon postule dans l’administration, mais il n’y a aucun poste pour lui. “À cause de ma spécialité. On m’a dit, ‘Si tu es soignant on te prend tout de suite, mais taote spécialiste papier, cela ne nous intéresse pas’”.

Taote Laudon décide alors d’aller voir quelques élus d’influence. “J’ai vite découvert qu’en Polynésie, si l’administration est bloquante, il suffit d’aller voir le politique. J’ai frappé à la porte du ministre de la Santé, Jacqui Drollet, et lui ai dit que le grand spécialiste du registre du cancer vous l’avez en face de vous. Et là, tout de suite, un poste a été trouvé car pour définir une politique de santé il faut tout quantifier. Et j’ai monté l’observatoire de santé où je me suis mis à fond, et tout cela a boosté ma carrière professionnelle.”
 
De 1988 à 1993, taote Laudon va tenir le registre du cancer, il est nommé Responsable du bureau d’épidémiologie et de statistiques, il va également mettre en place la surveillance des maladies infectieuses et le Bulletin d’informations sanitaires et épidémiologiques (B.I.S.ES).

“Ma carrière a explosé, et cela m’a valu beaucoup d’animosité”

En 1994  taote Laudon est nommé à tête de la Direction de la santé après avoir été adjoint pendant six mois. Il mettra en place “le plan quinquennal pour la santé, politique de santé 1995 à 1999” ainsi que les contrats d’objectifs-santé État-Territoire et le plan de formation des cadres polynésiens en santé publique.
 
“Ma carrière a explosé, et cela m’a valu beaucoup d’animosité. Un petit jeune à peine revenu qui n’est même pas soignant, qui est “taote papier” et devient tout de suite directeur de la santé […]. Je suis monté avec l’ascenseur et cela sans appui politique”. “Pendant toute ma carrière j’ai foncé. Je n’écoutais pas les critiques.”
 
En 2003 il prend les rênes de l’Institut Louis Malardé (ILM), où il aura en charge “la transformation du statut administratif en Épic” ou encore la création du laboratoire des plantes médicinales indigènes. En 2009, il devient chef du service de protection maternelle. Et depuis 2019, il est responsable de la Subdivision Santé de l’archipel des Tuamotu-Gambier, où on verra la création du pôle de santé communale, ou encore l’installation de salle de radiologie numérique avec échographe dans les centres médicaux.

“Le monde a changé”

Après une telle carrière dans l’administration, Taote Laudon a décidé de tirer sa révérence. “Aujourd’hui pour un oui ou un non, tu es au tribunal. Les médias ou Facebook t’interpellent. Je suis très content de prendre ma retraite. Ce n’est plus mon époque aujourd’hui […]. Le monde a changé.”
 
Il regrette de ne pas avoir pu changer le système de l’intérieur et pointe du doigt “la lenteur administrative. En Calédonie, en deux semaines ton contrat est fait. Chez nous, c’est trois mois voire six mois […]. On a transposé le système métropolitain mais, problème, on a mal copié...”
 
Il déplore également que les ministres ou chefs de service veuillent laisser leurs empreintes. “On a un empilement de service et on s’y perd car ils n’ont pas le courage de nettoyer et on arrive à des paradoxes. Il y a des textes qui datent des années 90 alors qu’ils devraient être supprimés.” 
 
Sur le non-retour au Fenua des jeunes médecins diplômés polynésien, taote Laudon, égal à lui-même, ne mâche pas ses mots. “En France on est mieux payé car la France a vite compris qu’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre […]. On est le Pays d’outre-mer le moins attractif au niveau salarial.”
 
Pour couronner sa carrière au Fenua pendant toutes ces années, taote Laudon a reçu de l’État, vendredi dernier la médaille d’honneur de l’engagement ultra marin - échelon bronze.

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Lundi 6 Mai 2024 à 19:23 | Lu 2917 fois