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Le Heiva i Tahiti, la référence du 'ori tahiti à l’international


Hei Tahiti 7 juillet 2016
Hei Tahiti 7 juillet 2016
PAPEETE, le 29 mai 2017 - Depuis six mois, l’ensemble de la Polynésie se prépare au concours du Heiva i Tahiti. Des districts aux archipels, en passant par Papeete, douze troupes de danseurs amateurs et professionnels se présenteront à partir du 6 juillet sur la place To'atā dans l’espoir de remporter le premier prix et de marquer les esprits. Mais qu’est-ce que le Heiva ? Comment se prépare ce concours ? Comment s’organise-t-il ? La rédaction de Tahiti Infos répond à vos questions.

Le Heiva i Tahiti est l’un des plus grands événements culturels de Polynésie, c'est d'ailleurs une référence internationale dans le milieu du 'ori tahiti. Cette célébration populaire est un des temps forts de l’année depuis plus de 125 ans. Au programme, des mois de préparation pour présenter, en une heure, un spectacle qui marquera les esprits.

Comment se prépare-t-on au Heiva i Tahiti ?
"Il faut des mois de préparation pour se présenter à un heiva. Il faut compter pratiquement neuf mois. Il y a un gros travail pour trouver le thème, puis la recherche des sources et des références historiques pour donner une crédibilité à ce thème. Il faut rencontrer les gens, échanger avec eux. Demander les autorisations aux référents culturels et aux anciens. Une fois que l'on a tout cela, il faut compter entre deux et trois mois d'écriture du thème. Là encore, c'est un travail que l'auteur fait en concertation avec le chef de groupe. Ce texte doit être écrit en tahitien et respecter des codes précis. Puis viennent les inscriptions des danseurs et le début des répétitions en janvier ou février pour une répétition générale fin juin et une représentation début juillet."

Toakura - hura tau 17 juillet
Toakura - hura tau 17 juillet
Pourquoi se présenter au Heiva ?
Le Heiva est un événement purement polynésien. Les jeunes sont attirés par ce côté culturel et ludique, on apprend à fabriquer son costume, c'est une immersion dans la culture polynésienne. Aujourd'hui, le Heiva s'est inscrit dans le quotidien des jeunes, il faut avoir participé au moins une fois au Heiva, c'est presque devenus une obligation chez les jeunes Polynésiens, il y a un ancrage qui s'est produit, cela fait plusieurs années. Aujourd'hui, les jeunes ont intégré que participer au Heiva c'était faire un sacrifice. Pendant six mois, on va sacrifier sa vie de famille pour participer à cet événement culturel qui va bien au-delà du simple concours de danse."

Quelles sont les qualités requises pour un danseur ou une danseuse ?
"La première qualité que je recherche chez mes danseurs quand je prépare le Heiva, c'est la disponibilité. Après, il y a l'investissement financier, cela coûte cher de faire un Heiva, nous sommes obligé de demander aux danseurs de participer financièrement pour leurs costumes ; et puis la technicité. On ne peut pas venir apprendre à danser pour le Heiva. C'est un concours, il faut avoir des bases solides. Enfin, il faut du respect, c'est très important. Les chefs de groupe, nous sommes amenés à diriger entre 150 et 200 personnes, s'il n'y a pas de respect de l'équipe encadrante, on ne peut pas avancer."


Tahina no uturoa - hura tau 16 juillet
Tahina no uturoa - hura tau 16 juillet
Comment choisit-on un thème ?
"Le thème est choisi par le chef de groupe. Il soumet le thème qu'il souhaite développer, il est généralement choisi dans l'air du temps. L'objectif est de faire passer un message. Nous parlons de sujets pour toucher les gens, le public, les politiques, pour les marquer. Le Heiva est très engagé et la portée est importante. C'est pourquoi nous ne pouvons pas faire n'importe quoi et que nous devons faire attention d'avoir obtenu la permission, l'aval des référents culturels sur les thématiques que nous souhaitons traiter. L'an dernier, pour Hei Tahiti, j'avais contacté l'association des cueilleurs d'orange pour leur demander l'autorisation et les intégrer au thème."

Le Heiva était une fête populaire. Qu'en est-il aujourd'hui ?
"Le Heiva reste une fête populaire, tout le monde peut y participer en catégorie amateur ou en catégorie professionnel. Cependant, les représentations sont réservées à une élite. À mon avis, ce serait bien qu'on mette en place des tribunes populaires à To'atā qui permettraient aux associations des districts et des îles de faire venir les gens de leurs communes pour venir voir les spectacles. Il faut rendre le Heiva équitable et que tout le monde puisse profiter de ces prestations."

Le Heiva a-t-il beaucoup changé ces 20 dernières années ?
"Le Heiva a beaucoup changé. Avant l'an 2000, il se déroulait place Vaiete. Quand je dansais là-bas, nous étions tout au plus une quarantaine de danseurs, aujourd'hui ce sont des formations de 150 danseurs. En 20 ans, il y a eu des évolutions techniques incroyables. Je me souviens encore que nous avions des micros à fil quand nous dansions place Vaiete. Techniquement aussi la danse a évolué, le niveau s'est élevé."

La composition d’un groupe

Le Orero de Tamarii Tipaerui  - hura tau 16 juillet
Le Orero de Tamarii Tipaerui - hura tau 16 juillet
Chaque groupe comprend 72 artistes au minimum et 200 au maximum. Il est composé des mêmes personnages, autorisés par le règlement :
le ra'atira, le chef de groupe : il mène les lignes, donne l’impulsion du spectacle, gère les alignements et les entrées et sorties des danseurs
le directeur du groupe (président de l’association) ;
le chef d’orchestre, qui dirige les musiciens ;
l’auteur : il écrit le thème en collaboration avec le chef de groupe, le spectacle s’articule autour de son texte. Il concourt pour le prix du meilleur thème ;
la responsable filles : elle fait redescendre les informations et ordres du ra'atira auprès des danseuses ;
le responsable garçons : il fait redescendre les informations et ordres du ra'atira auprès des danseurs ;
le meilleur danseur : il doit être majeur (c’est une catégorie facultative) ;
la meilleure danseuse : elle doit être majeure (c’est une catégorie facultative) ;
les danseurs : ils sont le corps de la troupe, et du spectacle. Les danseurs doivent être au minimum âgés de 16 ans. Il doit y avoir au minimum 60 danseurs/danseuses dans la formation ;
les musiciens et la chorale : les musiciens sont le cœur du spectacle. Ils doivent être au minimum douze musiciens/chanteurs et 40 au maximum. Le groupe qui ne présente pas l’effectif minimal requis devra régler une pénalité financière à hauteur de 1/72e par personne manquante sur le montant du cachet de la prestation et à une pénalité de dix points déduits du total général. La sanction existe aussi pour les troupes dépassant l’effectif maximal, une pénalité de dix points sur la note finale du concours Hura Ava Tau ou Hura Tau obtenue par le groupe sera appliquée par le jury ;
le 'ōrero : il déclame l’histoire et donne le ton de la danse ;
l’équipe de coulisses : ce sont les petites mains qui vont aider les danseurs à se changer avant d’entrer sur scène. Ils gèrent aussi les décors ;
l’équipe technique est mise à disposition du groupe par la Maison de la culture ;
les figurants : le nombre de figurants n’entre pas en compte dans l’effectif des artistes. Il ne peut néanmoins pas excéder 20 personnes.

Les autres festivités

Si le 'ori tahiti est au cœur du Heiva i Tahiti, d'autres festivités en marge du concours de chants et de danses se déroulent tous les ans : le Heiva Rima'ī, le Heiva Tū'aro Mā'ohi et le Heiva Va'a, sans oublier la marche sur le feu qui ouvre le mois de juillet (Tiurai). Le mois de juillet est le mois où les festivités, la culture et la tradition polynésiennes reviennent au cœur de la vie des Polynésiens. Pendant un mois, les activités culturelles sont mises à l'honneur.
Le Heiva Va'a met le va'a à l'honneur avec des courses accessibles à tous, allant du v1 au v16.
Le Heiva Tū'aro Mā'ohi met quant à lui les sports traditionnels à l'honneur : grimper de cocotier, lever de pierre, lancer de javelot, décorticage de coco, coprah et course de porteurs de fruits…les concurrents rivalisent d'adresse, de force et d'endurance.
Enfin, le Heiva Rima'ī valorise l'artisanat. Plus d'une centaine d'artisans se réunissent pour mettre en avant l'artisanat polynésien. Le savoir-faire des cinq archipels est mis à l'honneur, de la vannerie à la joaillerie, la sculpture ou encore l'art du tatouage, pendant une semaine les artisans exposent leurs créations 100 % locales.

Matani Kainuku Président du jury du Heiva i Tahiti 2017 "On a toujours des surprises"

Tuiana Brodien Meilleure danseuse -Pupu'ori Tamarii Vairao - Hura ava tau
Tuiana Brodien Meilleure danseuse -Pupu'ori Tamarii Vairao - Hura ava tau
Cette année il n'y a que quatre troupes professionnelles ?
"C'était déjà arrivé en 2007-2008. Deux ans après, les gens sont revenus, ils ont mis du temps à se décider et pour récolter les ressources humaines, les finances. On attend tout le monde. Même s'il n'y a que quatre troupes professionnelles, il y a neuf groupes amateurs. C'est énorme."

D'ailleurs, il y en a beaucoup qui participent au Heiva pour la première fois…
"C'est encourageant. C'est génial. Ce qui est intéressant avec l'art et les nouveaux arrivants, c'est qu'on a toujours des surprises Je n'attends rien. Nous savons bien, avec les membres du jury, qu'ils vont nous étonner."

Aujourd'hui le jury est très à cheval sur la tradition, mais qu'est-ce que cela veut dire au juste ?
"L'intitulé du concours, c'est "concours de chants et danses traditionnels". Les danses traditionnelles sont évoquées à l'intérieur du règlement.
La tradition ne se ferme pas. Nous encourageons de danser la montagne, de danser la légende, de danser nos héros polynésiens. La culture évolue avec le temps, mais on ne peut pas accepter tout et n'importe quoi. C'est un concours, il faut respecter le cadre du règlement."

Les thèmes sont souvent engagés au Heiva, comment faites-vous pour les juger ?
"Je pense que les thèmes qui gagnent sont ceux qui portent des messages universels. Nous regardons d'abord l'authenticité du thème, de quel endroit de la Polynésie il provient. Nous veillons à ce qu'il y ait une transmission émotionnelle. Au Heiva, le thème doit être au service de la danse !"

Pensez-vous ouvrir le concours de meilleurs danseur et danseuse aux étrangers ?
"Il y a un article dans le règlement qui autorise dix danseurs et danseuses étrangers dans une troupe. Nous avons augmenté le nombre autorisé, avant il n'y en avait que cinq. Le Heiva est au service de la population pas au service des étrangers. Il y avait cette volonté de préserver la culture pour les Polynésiens."

Un peu d’histoire

Tamarii Anau - Hura ava Tau 16 juilley
Tamarii Anau - Hura ava Tau 16 juilley
L’histoire de ce concours plus que centenaire débute en 1819, lorsque le roi Pomare II interdit toutes les danses et autres heiva (divertissement) soupçonnés d’être des activités à la morale douteuse.
Les danses traditionnelles ne reverront véritablement le jour qu’avec les premières célébrations du 14 juillet en Polynésie en 1881 : le Tiurai permet alors d’associer les Polynésiens aux réjouissances.
À l’époque, les Tiurai sont souvent les seules occasions pour les populations des archipels de sortir de leurs îles et de se retrouver.
En 1956, Madeleine Moua et sa troupe "Heiva" révolutionnent l’image du Tiurai en posant les bases du 'ori tahiti. À partir de 1961, la création de l’aéroport de Faa'a, la mondialisation grandissante et le développement du tourisme vont permettre aux troupes de danser plus régulièrement, et de se produire sur des scènes internationales.
C’est en 1985 que le Tiurai perd son nom d’origine pour marquer l’accession du territoire à l’autonomie : Gaston Flosse, alors président du gouvernement polynésien, le baptise "Heiva i Tahiti".

Le lexique du Heiva

Toakura -hura tau 18 juillet 2016
Toakura -hura tau 18 juillet 2016
Hura ava tau : les groupes de danse inscrits dans cette catégorie sont les groupes qui n’ont jamais remporté de premier prix en catégorie de danse traditionnelle et les groupes récemment créés, qui se présentent pour la première fois au Heiva . Le groupe vainqueur du premier prix de cette catégorie remporte le prix Gilles-Hollande.

Hura tau : les groupes inscrits dans cette catégorie sont les groupes ayant remporté au moins une fois le premier prix d’une catégorie de danse et sous la même entité juridique au Heiva i Tahiti. Le groupe vainqueur du premier prix de cette catégorie remporte le prix Madeleine-Moua.

'Ōte'a : danse d’ensemble exécutée par des danseurs et/ou danseuses sur fond de percussions traditionnelles (tō'ere, fa'atete, tari parau, 'ïhara, pahu…). Les rythmes qui composent les 'ōte'a peuvent être repris dans les séquences du patrimoine musical traditionnel des percussions telles que toma, pāhae, hītōtō… agencés selon les besoins du thème et de la chorégraphie.

Hura Tahiti Nui - Hura Ava Tau 7 juillet
Hura Tahiti Nui - Hura Ava Tau 7 juillet
'Ōte'a 'āmui : danse d’ensemble exécutée par les hommes et les femmes. Les mouvements et pas exécutés par les hommes peuvent différer de ceux exécutés par les femmes. C’est également à l’occasion de cette danse que l’ensemble de l’effectif du groupe se doit d’être présent sur scène.

'Ōte'a vahine : danse d’ensemble exécutée par les femmes.

'Ōte'a tāne : danse d’ensemble exécutée par les hommes.

'Aparima : danse d’ensemble chantée et mimée, exécutée par des danseurs et/ou danseuses sur voix et orchestre à cordes traditionnel (guitare, 'ukulele…). Le 'aparima s’accompagne d’un chant et/ou d’instruments à cordes donnant lieu à une interprétation chorégraphique. Les textes et mélodies doivent être des œuvres et créations originales.

'Aparima 'āmui : danse d’ensemble, exécutée par les hommes et les femmes. Les mouvements et pas exécutés par les hommes peuvent différer de ceux exécutés par les femmes. C’est également à l’occasion de cette danse que l’ensemble de l’effectif du groupe se doit d’être présent sur scène.

'Aparima vahine : danse d’ensemble exécutée par les femmes.

Aparima tāne : danse d’ensemble exécutée par les hommes.

Hitireva 1er prix au heiva i tahiti 2016 hura tau
Hitireva 1er prix au heiva i tahiti 2016 hura tau
Pā'ō'ā : danse exécutée par des danseurs et des danseuses accroupis, assis ou à genoux, en cercle ou demi-cercle, qui marquent la cadence en se frappant les cuisses. Au centre, soutenu principalement par des percussions ou des instruments à cordes, le meneur lance un pāta'uta'u et lance un dialogue avec la troupe ; chaque fin de dialogue étant ponctuée par les termes "hi … ha". À tour de rôle, des danseuses se lèvent et animent seules ou invitent des danseurs pour un duo sur la scène.

Hivināu : les danseurs et danseuses tournent en deux cercles concentriques ou plus, au rythme d’un pāta'uta'u soutenu principalement par des percussions. Un dialogue se développe entre le meneur et la troupe ; chaque fin de dialogue étant ponctuée par les termes "ahiri'a hiri'a aha aha… ". Les mouvements et les pas des hommes peuvent différer de ceux des femmes. Le pā'ō'ā et hivināu doivent être interprétées l’une à la suite de l’autre indépendamment de l’ordre. Là encore, les textes doivent être des œuvres et créations originales.

'Aparima vāvā : danse sur des percussions, sans paroles psalmodiées ou chantées, la gestuelle mimant de manière symbolique des activités de la vie quotidienne. Cette danse est exécutée en position assise ou à genoux.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Lundi 29 Mai 2017 à 17:22 | Lu 33732 fois