Calais, France | AFP | mercredi 23/08/2017 - "J'ai peur, je ne sais pas quand ça va revenir", glisse Filmon, un Éthiopien de 16 ans. Au lendemain de rixes entre migrants africains et afghans, la tension était toujours palpable mercredi à Calais, conséquence des conditions de vie déplorables selon des associations.
Les regards sont inquiets et fatigués mercredi midi rue des Verrotières à deux pas des micro-"jungles", ces campements en perpétuelle reconfiguration sous la pression policière.
Plusieurs petits groupes de migrants africains attendent la distribution de nourriture organisée par l'Auberge des migrants, la tête pleine des événements des derniers jours.
Dans la nuit de lundi à mardi puis mardi midi, des rixes successives impliquant jusqu'à 150 migrants, selon la préfecture du Pas-de-Calais, ont opposé certains d'entre eux à des Afghans. Couteaux, bâtons, projectiles: ces violences, que les autorités ont tenté tant bien que mal de juguler, ont fait 21 blessés légers.
"Lundi soir, les Afghans sont venus et ont commencé à s'énerver parce qu'ils n'étaient pas contents qu'on se mette dans la file de distribution de nourriture", raconte Filmon dans un bon anglais.
"Mais nous on comprend pas leur langue, et comme ils sont méchants...", poursuit-il d'un air entendu. Avant de répéter comme une obsession: "Ils sont vraiment mauvais, ils ont des couteaux, beaucoup de lames, ils ont blessé beaucoup des nôtres. Moi je ne suis pas fort donc j'ai couru, je me suis caché". Cela ne l'a pas préservé d'un coup au genou droit.
Le lendemain, lors d'un nouvel affrontement qui s'est étendu aux abords de l'A16, "il y avait la police partout mais ils n'arrivaient pas à maîtriser la situation", se remémore Filmon. "Les Éthiopiens devaient bien riposter pour se protéger".
"Vous voyez ma main? Un Afghan m'a tapé dessus avec une barre de fer", s'exclame Sahfi, un Éthiopien de 23 ans, en montrant son bandage. "Je venais pourtant calmer mes amis!"
Les Afghans ont bien sûr une toute autre version. Aftab, 16 ans, Asadullah, 25 ans et Farid, 17 ans sont devant le centre d'accueil du Secours catholique, à plusieurs kilomètres de là, signe désormais d'un partage de territoire forcé. "Des Éthiopiens nous ont volé des bières il y a plusieurs jours, du coup on leur a dit et l'un d'eux a répondu +Ici, c'est nous les rois!+ C'est parti en bagarre"
Pour des associations, les rixes des dernières 48 heures sont le fruit de tensions nées il y a plusieurs semaines, avec la hausse du nombre de migrants, plus que jamais livrés à eux-mêmes, qui atteint aujourd'hui entre 450 et 750 personnes selon les sources.
"C'est beaucoup plus compliqué qu'avant pour nous, l’État nous empêche souvent d'organiser la distribution par communautés", explique Sylvain, cofondateur il y a deux ans du hangar de stockage de l'Auberge des migrants.
Pour lui, les migrants sont à cran en l'absence d'abris, de tentes et de douches. Des douches que l’État compte réserver aux personnes "vulnérables". "La misère est tellement grande que ça exacerbe les différences culturelles et donc les tensions communautaires", estime Sylvain.
"Dans un contexte très sécurisé, le passage en Angleterre est plus compliqué", souligne de son côté Vincent de Coninck, chargé de mission pour le Secours catholique. "Quand vous êtes déboutés ailleurs et qu'on ne vous laisse pas passer, vous devenez fous et ça part en bagarre pour des bêtises".
Mercredi midi, l'absence des Afghans pèse comme une menace. "Hier et aujourd'hui, les discussions ont été difficiles avec les Éthiopiens parce qu'il n'y a pas de leader direct", témoigne un agent de l'Ofii (Office de l'immigration et de l'intégration) sous couvert d'anonymat. "Maintenant il faut parler avec les Afghans aussi pour espérer apaiser les tensions. (...) Aujourd’hui il y a une peur de les voir revenir" pour en découdre.
Mass, Éthiopien de 26 ans dont le petit frère est blessé à la tête et aux pieds, s'emporte: "Alors qu'on est tous dans une dure situation et qu'on a en commun de vouloir partir en Angleterre, comment peut-on s'entretuer?"
Les regards sont inquiets et fatigués mercredi midi rue des Verrotières à deux pas des micro-"jungles", ces campements en perpétuelle reconfiguration sous la pression policière.
Plusieurs petits groupes de migrants africains attendent la distribution de nourriture organisée par l'Auberge des migrants, la tête pleine des événements des derniers jours.
Dans la nuit de lundi à mardi puis mardi midi, des rixes successives impliquant jusqu'à 150 migrants, selon la préfecture du Pas-de-Calais, ont opposé certains d'entre eux à des Afghans. Couteaux, bâtons, projectiles: ces violences, que les autorités ont tenté tant bien que mal de juguler, ont fait 21 blessés légers.
"Lundi soir, les Afghans sont venus et ont commencé à s'énerver parce qu'ils n'étaient pas contents qu'on se mette dans la file de distribution de nourriture", raconte Filmon dans un bon anglais.
"Mais nous on comprend pas leur langue, et comme ils sont méchants...", poursuit-il d'un air entendu. Avant de répéter comme une obsession: "Ils sont vraiment mauvais, ils ont des couteaux, beaucoup de lames, ils ont blessé beaucoup des nôtres. Moi je ne suis pas fort donc j'ai couru, je me suis caché". Cela ne l'a pas préservé d'un coup au genou droit.
Le lendemain, lors d'un nouvel affrontement qui s'est étendu aux abords de l'A16, "il y avait la police partout mais ils n'arrivaient pas à maîtriser la situation", se remémore Filmon. "Les Éthiopiens devaient bien riposter pour se protéger".
"Vous voyez ma main? Un Afghan m'a tapé dessus avec une barre de fer", s'exclame Sahfi, un Éthiopien de 23 ans, en montrant son bandage. "Je venais pourtant calmer mes amis!"
- Pourparlers difficiles -
Les Afghans ont bien sûr une toute autre version. Aftab, 16 ans, Asadullah, 25 ans et Farid, 17 ans sont devant le centre d'accueil du Secours catholique, à plusieurs kilomètres de là, signe désormais d'un partage de territoire forcé. "Des Éthiopiens nous ont volé des bières il y a plusieurs jours, du coup on leur a dit et l'un d'eux a répondu +Ici, c'est nous les rois!+ C'est parti en bagarre"
Pour des associations, les rixes des dernières 48 heures sont le fruit de tensions nées il y a plusieurs semaines, avec la hausse du nombre de migrants, plus que jamais livrés à eux-mêmes, qui atteint aujourd'hui entre 450 et 750 personnes selon les sources.
"C'est beaucoup plus compliqué qu'avant pour nous, l’État nous empêche souvent d'organiser la distribution par communautés", explique Sylvain, cofondateur il y a deux ans du hangar de stockage de l'Auberge des migrants.
Pour lui, les migrants sont à cran en l'absence d'abris, de tentes et de douches. Des douches que l’État compte réserver aux personnes "vulnérables". "La misère est tellement grande que ça exacerbe les différences culturelles et donc les tensions communautaires", estime Sylvain.
"Dans un contexte très sécurisé, le passage en Angleterre est plus compliqué", souligne de son côté Vincent de Coninck, chargé de mission pour le Secours catholique. "Quand vous êtes déboutés ailleurs et qu'on ne vous laisse pas passer, vous devenez fous et ça part en bagarre pour des bêtises".
Mercredi midi, l'absence des Afghans pèse comme une menace. "Hier et aujourd'hui, les discussions ont été difficiles avec les Éthiopiens parce qu'il n'y a pas de leader direct", témoigne un agent de l'Ofii (Office de l'immigration et de l'intégration) sous couvert d'anonymat. "Maintenant il faut parler avec les Afghans aussi pour espérer apaiser les tensions. (...) Aujourd’hui il y a une peur de les voir revenir" pour en découdre.
Mass, Éthiopien de 26 ans dont le petit frère est blessé à la tête et aux pieds, s'emporte: "Alors qu'on est tous dans une dure situation et qu'on a en commun de vouloir partir en Angleterre, comment peut-on s'entretuer?"