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Unesco : Une visite pour les derniers sceptiques


Hakahau, le 8 mai 2024 - Une délégation de six personnes conduite par la vice-présidente du Pays, Éliane Tevahitua, se donne pour objectif de parcourir les six îles habitées en six jours afin de rassurer sur les bienfaits d’un classement des Marquises au patrimoine mondial de l’Unesco.
 

Suite au report, fin avril, de l’examen par l’assemblée de la résolution pour le soutien de la candidature de “Te Henua Enata - Les îles Marquises” en vue de son classement sur la liste du patrimoine mondiale de l’Unesco, une délégation de six personnes menée par la vice-présidente, Éliane Tevahitua et notamment composée des représentantes Tavini Teremuura Kohumoetini-Rurua et Marielle Kohumoetini ainsi que de deux agents de la Direction de la culture (DCP), fait un déplacement d’une semaine dans l’archipel afin de répondre aux questions des propriétaires de sites ou zones proposés au classement.
 
L’archéologue Anatauarii Tamarii de la DCP rappelle à cette occasion que c’est Lucien Kimitete, en 1996, qui a été le premier à porter le dossier de classement des Marquises au patrimoine mondial de l’Unesco. La Convention du Patrimoine mondial de l’Unesco a pour origine le constat que l’Homme est seul à l’origine de la destruction de son environnement et de son patrimoine. Ce label a donc vu le jour afin d’œuvrer à la préservation et à la valorisation des biens pour les transmettre aux générations futures.
 
Une île chaque jour
 

La mission conduite par Éliane Tevahitua aux Marquises s’articule sur une tournée de six jours, avec au programme la visite d’une île par jour. Avant Ua Pou, la délégation revenait de Taiohae où une quarantaine de personnes sont venues à leur rencontre. Ce mercredi, la mission quittait Ua Pou où près de cinquante personnes ont assisté à la réunion, pour se rendre à Ua Huka.
 
La principale crainte exprimée par les habitants reste celle de l’expropriation des biens proposés au classement et une méconnaissance des conditions de participation au programme, malgré les précédents déplacements de groupe d’experts et des sessions de travail participatives.
 
La vice-présidente a cité une requête d’un habitant de Nuku-Hiva d’assurer offciellement, par écrit, qu’aucun propriétaire ne sera exproprié. Requête à laquelle elle a répondu en envoyant un courrier officiel aux six maires de l’archipel – un courrier consultable librement dans les mairies –, tout comme l’atlas des périmètres proposés, également disponible en version numérique auprès de la Communauté des communes des îles Marquises (Codim).
 
“Les questions et les craintes ont été les mêmes pour les habitants de Opoa”
 
Éliane Tevahitua a également cité l’exemple de Taputapuātea : “Les questions et les craintes ont été les mêmes pour les habitants de Opoa. Mais aujourd’hui, les anciens opposants ont ouvert des pensions, des sociétés de transport ou d’activités et c’est tout un paysage culturel intégrant les deux vallées d’un périmètre naturel de 2 000 hectares pour un total 5 000 ha de terre et mer qui ont été classés.”
 
“En général, un classement sur la liste du Patrimoine mondial entraine une multiplication par quatre des visites, ce qui mène à s’interrioger sur le type de tourisme que l’on souhaite développer dans nos îles”,
explique-t-elle.
 
À ce jour, 1152 sites sont sur la liste dont 700 en Asie et seulement 49 en Océanie, ce qui est proportionnellement peu. Aucun site n’appartient à l’Unesco mais les populations locales constituent un Comité de gestion qui, aux îles Marquises, sera directement associé à la Codim.
 
L’obtention du label sera accompagnée d’un plan de gestion évolutif et non figé découlant d’un bilan d’actions résultant des ateliers de travail effectués en 2022 avec le concours de la population locale.
 
“Ça attire le tourisme et nous vivons principalement du tourisme, donc c’est une chance inespérée pour les Marquises”, explique Éliane Tevahitua. “C’est un projet magnifique qui va profiter avant tout aux Marquisiens et non aux Tahitiens. Et c’est aussi une opportunité unique qui ne se reproduira plus. Les communautés locales doivent être motrices de cette inscription ou le dossier sera affaibli”, insiste-t-elle.
 
De nombreuses questions ont été formulées, concernant notamment les restrictions de construction dans des zones classées. L’équipe a confirmé que les restrictions urbanistiques sont établies par le PGA de chaque île, ainsi que les codes de l’environnement et du patrimoine qui existent déjà.
 
Cependant, dans le cas de structures classées, toute construction nécessitera l’avis du ministre en charge des monuments historiques.
 
Certains membres des familles actuellement en indivision sur le site du Tohua Mauia – proposé au classement dans la vallée de Hohoi – ont exprimé leur opposition au classement du site en demandant s’il était encore possible de faire marche arrière. Demande à laquelle Anatauarii Tamarii a répondu par la négative : “Le Tohua Mauia est unique et le dossier a été déposé donc il est non modifiable pour le moment. Mais il est possible que dans 5 ans, en fonction de la dégradation et de l’évolution du site, le périmètre évolue.”
 
Et à la question de savoir si la sécurité est de la responsabilité des propriétaires concernant les visiteurs qui viendraient à fouler le sol de leur terrain, la réponse a été clairement énoncée également : bien sûr qu’ils sont responsables, tout comme ils le sont déjà aujourd’hui, qu’ils fassent payer l’entrée ou non.
 
Enfin, l’équipe a terminé sa rencontre à Ua Pou en rappelant que participer au programme Unesco est à l’initiative des populations locales. Y participer est un travail de longue haleine commençant par l’identification des sites qui engagent le dévoir de préservation de l’État et du Pays. Ce qui déclenche une coopération internationale : les hôtes peuvent bénéficier de ressources ou de technologie pour aider à préserver ces biens.
 
Un suivi et une évaluation régulière a lieu tous les cinq ans, l’inscription et son label peuvent être perdu.
 
Il est déjà arrivé que des labels soient perdus, à l’exemple des quais de Liverpool ou d’une vallée en Allemagne où les habitants ont décidé de construire un pont, sachant ce que cela impliquerait.
 
Enfin, figurer sur la liste du patrimoine de l’Unseco bénéficie à la préservation et à la protection de son patrimoine local. Mais la procédure de classement n’est pas encore arrivée à son terme puisque la candidature de l’archipel doit faire l’objet d’une décision finale lors de la 46e session du Comité du patrimoine mondial qui se déroulera en juillet 2024 à New Delhi.
 

Rédigé par Eve Delahaut le Mercredi 8 Mai 2024 à 16:30 | Lu 2097 fois