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Trafic d'ice : de 8 à 10 ans ferme pour les têtes du réseau Mai-Marlier


PAPEETE, 24 août 2018 - Le tribunal correctionnel a sévèrement condamné les principaux prévenus de l'affaire dite Mai-Marlier, après trois journées d'instruction à l'audience vendredi. Plusieurs mandats de dépôt ont été ordonnés avec des peines allant de 5 à 10 ans de prison ferme. Yannick Mai, Moerani Marlier, Steven Raynal, Geoffroy Tuteirihia et Patrick Rey sont solidairement condamnés au paiement de 720 millions de francs d'amende douanière.

Son rôle de premier plan aura hanté les trois journées d’instruction à l’audience qui ont occupé le tribunal, cette semaine au procès du réseau de trafic d'ice Mai-Marlier. Le "Parrain", Yannick Mai, n’a pourtant jamais été entendu durant l’instruction. Encore à l'audience. Il est maintenu en détention aux Etats-Unis depuis son arrestation à l’aéroport international de Los Angeles, le 11 juin dernier, en possession de 3,7 kilogrammes de méthamphétamine. C’est certainement là-bas qu’il sera jugé, en raison de sa double nationalité franco-américaine.

Dans cette affaire de trafic d’ice entre les Etats-Unis et la Polynésie française, c’est pourtant lui qui a assuré l’approvisionnement pour une masse de 6 kilogrammes de Meth entre février et juin 2017. Et c’est vers lui que sont remontés l’essentiel des profits générés à Tahiti par le trafic de stupéfiants. Une commission rogatoire internationale aurait certainement pu être ordonnée par le juge d’instruction pour que ce prévenu de premier plan soit entendu. Il n’en a rien été. Qu’aurait-elle pu établir dans le cadre de l’entreprise de manifestation de la vérité qui a occupé le magistrat instructeur, pendant un peu moins d’un an ? Cette audition aurait-elle pu préciser le rôle exact joué dans ce trafic par Temarii Mai, son fils ? En quoi est-ce que l’interrogatoire de cette tête de réseau aurait-il pu dire la fonction de chacun dans ce qu’on appelle aujourd’hui le réseau Mai-Marlier ? Tout cela reste dans le domaine des mystères.

Yannick Mai, n'en reste pas moins jugé par défaut en France et condamné à une peine de 10 ans de prison ferme. Le tribunal a prononcé vendredi un mandat d'arrêt à son encontre. Tous ses comptes en banque sont saisis. Les biens lui appartenant sur lesquels la justice a mis la main lors de l'instruction sont confisqués.

Maintiens et détention et mandats de dépôt

Heimanu Hiro et Moerani Marlier, vendredi peu avant le rendu de la décision de justice.
Heimanu Hiro et Moerani Marlier, vendredi peu avant le rendu de la décision de justice.
Les onze personnes qu’a pu entendre la justice dans le cadre de ce procès, de mercredi à vendredi, étaient prévenus des délits d'association de malfaiteurs en vue de l'importation illicite, la détention, le transport, la cession illicite d'ice, ou poursuivis pour complicité de ces délits ou blanchiment d'argent. Tous sont soupçonnés d’avoir pris part entre février et septembre 2017, à divers titres, à l’un des plus importants réseaux de trafic d’ice mis à jour entre Los Angeles et Tahiti. Au total, l’instruction s’est intéressée à l’importation et à l’écoulement à Tahiti de 6 kg d'ice entre février et juin 2017, de même qu’à l’importation de 1,2 kg, saisi à Tahiti-Faa’a le 4 septembre.

Il est assez clair, dans le jugement rendu vendredi en fin d’après-midi, que le tribunal considère après deux jours d’audience et une matinée de plaidoirie par la défense, que Yannick Mai importait la drogue depuis les Etats-Unis, puis qu'à Tahiti un réseau organisé autour de dénommé "El Chapo", Moerani Marlier, se chargeait de la vente localement.

Il n’a pas été suivi par le tribunal ; mais c’est d’abord ce schéma qu’a tenté de déconstruire Me Bennouar, vendredi matin lors de sa plaidoirie, avant d’inviter le tribunal à une juste mesure du quantum de la peine, comparaison faite avec les précédentes affaires de trafic d’ice qui ont occupé la justice cette année. Notamment celle des époux Dubaquier. Il reprochait à l’instruction d’avoir ficelé le dossier pour faire de Moerani Marlier le "Boss idéal". Lui qui n’a "aucune mention à son casier judiciaire". Lui qui n’a cessé de répéter qu'au contraire d'’un réseau structuré, il animait une "bande de copains" sans réelle hiérarchie. Ce groupe, il l'a décrit à plusieurs reprises comme déboussolé par l’ivresse de l’argent et de la drogue, dans une ambiance de fête. "J'ai fait l'erreur de mettre cette pipette dans la bouche et d'aspirer. C'est ce qui m'a conduit devant vous", a-t-il résumé dans un euphémisme en s'adressant au tribunal, vendredi. Mais le rôle de premier plan que Moerani Marlier est reconnu avoir joué dans ce réseau lui vaut aujourd'hui d'être sévèrement condamné.

Considéré comme l'associé principal de Yannick Mai, et l'auteur d'une "activité hautement nuisible sur le plan social" Moerani Marlier écope 8 ans de prison ferme. Le tribunal ordonne son maintien à Nuutania où il est retenu depuis près d'un an en détention provisoire. Sa propriété de Tiahura à Moorea est saisie. Tous ses biens saisis lors de l'instruction sont confisqués.

Moerani Marlier est par ailleurs déjà inquiété dans une précédente affaire d’ice, pour des faits commis entre 2013 et 2014. Celle-ci est toujours en instance de jugement. Pour sûr, on entendra prochainement reparler de lui dans les prétoires du palais de justice de Papeete.

Concernant les neuf autres prévenus de ce dossier de trafic d'ice :

Franckie Tumahai, jugé en situation de récidive légale, est condamné pour avoir joué un "rôle actif dans l'organisation". Il écope de 6 ans ferme avec mandat de dépôt.

Heimanu Hiro, le principal revendeur de drogue pour le compte du réseau Marlier était jugé en état de récidive légale. Il écope de 6 ans ferme. Le tribunal ordonne son maintien en détention.

Ouira Hamblin, l'homme de confiance de Moerani Marlier, est condamné à 5 ans de prison ferme. Le tribunal a prononcé un mandat de dépôt à son encontre. Il a terminé la journée de vendredi à Nuutania.

Steven Raynal comparaissait détenu. Il est reconnu coupable d'avoir acquis à Los Angeles puis participé au conditionnement de "plusieurs kllos" d'ice, dans le cadre de l'ultime tentative d'approvisionnement mise sur pied après l'arrestation de Yannick Mai, début septembre 2017. Il lui est également reproché d'avoir impliqué sa concubine, Ravahere Gamblin, dans cette opération. Il était jugé en état de récidive légale. Le tribunal le condamne à 5 ans de prison ferme, avec maintien en détention.

L'ancien huissier Patrick Rey est reconnu coupable d'avoir prêté un concours actif à la tentative d'importation de 1,2 kg d'ice, début septembre 2017 et d'avoir, à cette occasion impliqué Geoffroy Tuteirihia, pour servir de mule. Le tribunal le condamne avec mandat de dépôt à une peine de 3 ans de prison ferme dont 2 ans avec sursis et mise à l'épreuve durant 2 ans. Il a fini la journée de vendredi à Nuutania.

Diana Vernaudon, l'épouse de Ouira Hamblin, est condamnée à 3 ans de prison ferme dont un an avec sursis et 2 ans de sursis mise à l'épreuve avec obligation de soins pour traiter son addiction à l'ice.

Temarii Mai, le fils de Yannick Mai, est reconnu coupable d'avoir "pris part au fonctionnement de l'organisation en connaissance de cause" pour "aider son père". Il est condamné à 3 ans de prison dont un avec sursis. Cette peine est assortie de 2 ans de sursis mise à l'épreuve. Tous les biens saisis en sa possession lors de l'enquête sont confisqués.

Geoffroy Tuteirihia, qui avait servi de mule lors de la tentative d'importation de 1,2 kg d'ice, le 4 septembre 2017, est condamné à une peine de 3 ans de prison dont 12 mois assortis d'un sursis et 2 ans de sursis mise à l'épreuve.

Ravahere Gamblin, impliquée dans la tentative d'importation du 4 septembre 2017 est jugée coupable d'avoir participé à l'opération en connaissance de cause mais sous l'influence de son compagnon, Steven Raynal. Elle écope de 18 mois de prison dont 9 avec sursis et 2 ans de sursis mise à l'épreuve avec obligation de soins pour traiter son addiction à l'ice.

Hina Adams, épouse de Patrick Rey, est jugée coupable d'avoir contribué à l'organisation de la tentative d'importation du 4 septembre 2017. Mais le tribunal prend en compte "le caractère minime" de son intention. Elle écope de 12 mois de prison avec sursis. Cette peine est assortie d'une peine complémentaire de 2 ans de sursis mise à l'épreuve.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 24 Août 2018 à 16:47 | Lu 10729 fois