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Rangers contre AK-47, la lutte inégale face aux trafiquants d'espèces sauvages


Rangers contre AK-47, la lutte inégale face aux trafiquants d'espèces sauvages
BANGKOK, 09 mars 2013 (AFP) - Ils sont armés jusqu'aux dents et liés à des milices ou trafics de drogue. Les trafiquants d'espèces sauvages, prêts à abattre ceux qui les défient, ne sont rien moins que des "syndicats du crime", face auxquels les autorités du monde entier luttent à armes inégales.

La Convention sur le commerce international des espèces menacées (Cites) se penche depuis une semaine à Bangkok sur le sort des animaux et plantes dont la survie est fragilisée par le commerce planétaire.

Mais interdire celui-ci, quand c'est nécessaire, suppose de s'attaquer aussi aux trafics illégaux. Et il ne s'agit pas là de contrebande à la petite semaine, mais bien de crime organisé, puissant, dangereux.

"Le commerce illégal de vie sauvage a désormais atteint une ampleur qui pose un risque immédiat pour les animaux et les hommes, y compris ceux en première ligne pour protéger" les espèces, a déclaré John Scanlon, le secrétaire général de la Cites.

L'abattage illégal des éléphants et de rhinocéros a ainsi atteint des records ces dernières années. Et si les images de carcasses sans défenses ou cornes ont marqué l'opinion internationale, les animaux ne sont pas les seules victimes.

"Nous avons enregistré plus de 1.000 garde-forestiers tués ces dix dernières années" dans 35 pays, a indiqué à l'AFP Sean Willmore, président de la Fédération internationale des rangers, qui estime leur nombre total à entre 3.000 et 5.000.

Certains ont été victimes d'accidents ou d'attaque de lions ou d'éléphants, qui rendent leur travail "déjà suffisamment dangereux". Mais 75% ont été tués par les trafiquants, a-t-il assuré, dénonçant le manque d'équipement et de formation, leur maigre salaire et leur nombre insuffisant.

En République démocratique du Congo, "50 rangers se sont retrouvés face à 5.000 miliciens braconnant dans un parc national, des hommes armés d'AK-47 (...). Il y a une guerre non déclarée, en première ligne de la conservation".

Une guerre contre laquelle les moyens sont inadéquats. Les criminels profitent d'un secteur "historiquement connu comme à faible risque et grand profit", a souligné Ben Janse Van Rensburg, responsable du service d'application des règles à la Cites.

Un paradoxe, lorsque l'on constate que "très souvent, ces réseaux ne sont pas seulement impliqués dans les crimes contre la vie sauvage, mais (...) dans le trafic de drogue ou d'êtres humains", a-t-il noté, évoquant même des cas de lien avec des conflits armés.

Face à ce constat, la volonté d'intensifier la lutte est réelle, mais les moyens financiers et légaux manquent. De nombreux pays n'ont ainsi pas adopté de législation lourdement répressive, rendant les condamnations difficiles.

Et la coopération internationale est bien faible face aux réseaux transfrontaliers.

"Nous ne pouvons pas seulement nous concentrer sur les braconniers", a ainsi réclamé Dan Ashe, chef de la délégation américaine à la Cites. "Nous devons aussi nous attaquer aux intermédiaires dans les pays de transit, aux distributeurs et aux vendeurs" dans les pays de destination, et à ceux "qui financent ces opérations".

Sans oublier de punir d'éventuels responsables corrompus par des criminels qui disposent de ressources financières immenses.

"Ils paient pour avoir le droit de faire tout ce qu'ils veulent", a relevé Steve Galster, directeur de Freeland.

L'ONG vient de rendre public une enquête de plusieurs années sur un réseau dirigé selon elle par Vixay Keosavang, un influent Laotien. Tigres, tortues, pangolins, serpents ou singes en provenance d'Afrique atterrissent sur les bords du Mékong dans de prétendues fermes d'élevage "utilisées comme une blanchisserie".

Rédigé par Par Amélie BOTTOLLIER-DEPOIS le Samedi 9 Mars 2013 à 06:16 | Lu 520 fois