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Pédophilie: la mort du cardinal américain Bernard Law rouvre les plaies


New York, Etats-Unis | AFP | mercredi 20/12/2017 - L'ex-archevêque de Boston Bernard Law, devenu symbole du silence de l'Eglise face aux prêtres pédophiles, est décédé mercredi à 86 ans, suscitant des réactions amères de victimes et que son successeur présentait ses excuses.  

Le prélat en disgrâce est mort des suites d'une "longue maladie", a annoncé sobrement mercredi le Vatican, qui l'avait accueilli après sa démission de l'archevêché de Boston fin 2002.
Quelques mois plus tôt, Bernard Law avait notamment reconnu avoir protégé un prêtre, Paul Shaney, en dépit de nombreuses preuves d'attouchements sexuels sur des enfants. Il a aussi été accusé d'avoir couvert un autre prêtre, John Geoghan, finalement condamné à 10 ans de prison pour s'être livré à des attouchements sur un garçon de dix ans. 
Une enquête de journalistes du Boston Globe, couronnée du prix Pulitzer puis rendue célèbre par le film "Spotlight" (2015), avait révélé comment la hiérarchie catholique de Boston, Bernard Law en tête, avait systématiquement couvert des abus sexuels commis par quelque 90 prêtres de Boston et ses environs, des décennies durant.
Une grande association de victimes d'abus commis par des prêtres, "The Survivors Network of Those Abused by Priests", a réagi avec amertume, soulignant la double "trahison" du Vatican qui l'avait accueilli à Rome.
"Il n'y a pas de mots qui traduisent la douleur que les survivants et leurs proches ont endurée", a déclaré Joelle Casteix, responsable régionale de l'association. "Nous ne pouvons qu'espérer que le Vatican aura ces survivants à l'esprit lorsque viendra l'heure de ses funérailles".
"J'espère que les portes de l'enfer vont s'ouvrir grand pour l'accueillir", a aussi indiqué Alexa MacPherson, une victime citée par le Boston Globe. "Il voulait simplement tout cacher et protéger l'image de l'Eglise".
 

- Excuses de son successeur -

 
Jack Connors, un homme d'affaires et philanthrope qui était un confident de Law, a cependant assuré sur la radio publique NPR que "beaucoup d'entre nous ont franchi le pas et pardonné les décisions du cardinal", même si "beaucoup d'entre nous ne les oublierons jamais".
Mais le successeur du cardinal Law à la tête du diocèse de Boston, Sean Patrick O'Malley, a reconnu que sa mort remuait "un large éventail d'émotions" et offert aux victimes "mes excuses sincères pour le mal causé, mes prières ininterrompues et ma promesse que l'archevêché les soutiendra dans leurs efforts pour parvenir à la guérison", dans un communiqué.
"Depuis mon arrivée à l'archevêché de Boston, mon objectif premier a été de travailler pour la guérison et la réconciliation des rescapés, de leur famille et de la communauté plus large de catholiques pour qui ces abus ont été une expérience dévastatrice et une immense épreuve pour leur foi", a-t-il ajouté.
Le cardinal O'Malley avait rencontré des victimes de prêtres pédophiles dès sa nomination, le 1er juillet 2003, et vendu la résidence de l'archevêque pour financer leur indemnisation.
Il dirige aussi depuis 2014 la "Commission pontificale pour la protection des mineurs", censée faire des propositions sur la prévention, même si cette instance consultative du pape a été vivement critiquée. 
Le diocèse de Boston, l'un des plus importants des Etats-Unis, compte plus de deux millions de catholiques. Les abus sexuels ont fait en 60 ans plus de 1.000 victimes parmi des enfants de la part de 237 prêtres, selon un rapport du ministère de la Justice de l'Etat du Massachusetts.

- Scandales pas terminés -

 
Né au Mexique le 4 novembre 1931, Bernard Law était le fils d'un colonel de l'armée de l'air américaine. Après des études d'histoire médiévale à Harvard, il débute comme prêtre dans le Mississippi en 1961 où il s'engagera pour les oeuvres sociales et les droits civiques. 
Il est nommé archevêque de Boston en 1984, et créé cardinal un an plus tard par le pape Jean Paul II.
La polémique l'a poursuivi à Rome, où il avait obtenu la nationalité vaticane et avait été nommé archiprêtre de la basilique Sainte-Marie Majeure de Rome, avant de renoncer à 80 ans à cette fonction.
Deux représentantes de victimes d'abus sexuels par des prêtres américains avaient notamment protesté place Saint-Pierre contre la célébration d'une messe par le cardinal Law à la mémoire de Jean Paul II. 
Le pape François, qui prône "une tolérance zéro", a recommandé aux évêques ayant protégé des pédophiles de démissionner. 
Mais l'obligation de dénonciation à la justice civile par les hiérarchies ecclésiastiques n'est pas inscrite dans le droit canon, malgré la multiplication de scandales impliquant l'Eglise à travers le monde.
Le dernier en date vise le numéro trois du Vatican, le cardinal australien George Pell. Chargé de réformer les finances du Vatican, il a été inculpé fin juin pour "agressions sexuelles anciennes" et mis "en congé" pour se défendre en Australie.

le Mercredi 20 Décembre 2017 à 06:22 | Lu 361 fois