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Pays associé : "Ah, vous savez, c’est dur d’être français !" (Flosse)


PAPEETE, 10 mars 2016 - Le projet de statut de Pays associé qu'a exposé Gaston Flosse, jeudi matin, sera présenté comme la panacée du développement économique de la Polynésie française, lors de la campagne pour les élections législatives de juin 2017. Le Vieux Lion estime pouvoir compter sur une victoire écrasante des trois candidats orange lors de ce scrutin. Ces hypothétiques futurs députés Tahoera'a seraient alors chargés, à Paris, de faire le travail préparatoire à la nécessaire modification constitutionnelle préalable à l'autonomie renforcée qu'envisage le leader autonomiste. Tout un programme.

Sous quels délais souhaiteriez-vous que ces aménagements statutaires soient présentés à l’Etat ?

Gaston Flosse : Nous allons rendre public grâce à vous ce projet de loi constitutionnelle. Maintenant il nous faudra prendre notre bâton de pèlerin, parcourir le pays et expliquer à tout le monde ce que c’est que cette nouvelle loi de Pays associé. Elle ne rentrera véritablement au programme du Tahoera’a Huiraatira qu’au moment des élections législatives (juin 2017, ndlr). Mais, encore une fois, ce ne sera pas le programme prioritaire du Tahoera’a. Notre programme sera toujours le développement, (…) la solidarité… Le statut ne viendra qu’en soutien, en tant qu’outil que l’on met au service du développement de notre pays.
Je sais que ce n’est pas une priorité ; mais c’est quand même un outil indispensable.

Ne pensez-vous pas que cette ambition est compromise compte tenu des équilibres politiques qui vous sont défavorables aujourd’hui ?

Gaston Flosse : Entre temps, le président de la République aura été élu et l’assemblée nationale renouvelée, en juin 2017. C’est à ce moment-là que nous irons à Paris pour négocier notre statut.

Que prétendrez-vous alors représenter au plan politique, à Paris ?

Gaston Flosse : Nous avons besoin de l’accord de l’Etat. Nous irons donc négocier avec le ministre chargé de l’outre-mer d’abord et puis… Ce ne sera pas facile, c’est sûr. Dites-vous bien qu’ils vont se défendre : s’ils peuvent jeter ça de suite à la poubelle, ils le jetteront ; mais nous nous battrons. Aujourd’hui, c’est le statut qu’il nous faut. Il faut que nous puissions prendre nos décisions à nous, choisir notre avenir et ne plus être soumis à la décision de Paris… Ca suffit, ce temps est terminé ! Nous voulons être responsables de nos choix et de notre avenir.

De quelle légitimité populaire vous revendiquerez-vous, dans cette négociation à Paris ?

Gaston Flosse : Nous irons avec nos trois députés. Trois ! Et nous aurons soutenu le bon président de la République.

Oscar Temaru avait un cheval de bataille en 2013, la réinscription de la Polynésie sur la liste des pays à décoloniser ; c’est le vôtre cette évolution vers le statut de Pays associé ?

Gaston Flosse : Non. Mon cheval de bataille c’est le développement de ce pays, c’est de créer ces grandes zones touristiques. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas dépasser 200 000 touristes. Cela ne rapporte de 30 milliards de francs. Le jour où nous aurons un million de touristes (c’est ça notre objectif. Il faut y aller !) nous aurons un revenu de 200 milliards par an. (…) Il faut créer nous-même notre richesse. Il faut se prendre en charge. C’est ça la véritable autonomie.

Mais n’est-ce pas au fond la dernière station avant l’indépendance, ce statut de Pays associé ?

Gaston Flosse : Mais non ! Je ne veux pas de l’indépendance. Nous ne voulons pas de l’indépendance. Je vous rappelle, encore une fois, que les Polynésiens ne veulent pas de l’indépendance : 70 % ont voté pour la France. Et je vous dit ça alors qu’il s’agissait d’un scrutin pour élire les représentants à l’assemblée (Territoriales de 2013, ndlr). Si on faisait aujourd’hui un référendum d’autodétermination, 80% des Polynésiens voteraient pour le maintien avec la France. L’indépendance ne passera jamais dans ce pays.

Vous reprochez à Edouard Fritch de ne pas respecter le programme pour lequel il a été élu en 2013 ; mais cette évolution que vous défendez vers un statut de Pays associé n’y figurait pas.

Gaston Flosse : J’en ai parlé en 2010. J’en ai parlé en 2014, à la tribune de l’assemblée. Mais encore une fois, ce n’est pas l’élément essentiel de notre programme. Mais cela facilitera la venue de touristes, le développement de ces secteurs-là encore une fois : c’est indispensable.

On vous a reproché d’imaginer un statut qui vous permette d’échapper à la justice.

Gaston Flosse : La justice est de la compétence de l’Etat.

Ce nouveau statut laisse la capacité au Pays de révoquer des fonctionnaires d’Etat.

Gaston Flosse : Vous trouvez ça normal qu’un procureur de la République tienne des propos comme ça : « Je suis venu là pour leur rentrer dans le choux ». Ou bien qu’un avocat général dise « Je ne veux pas de lui dans la vie politique. Il faut le foutre dehors avec 4 ans d’inéligibilité ». Où est-on là ?

Demain, ces personnes seraient congédiées sur demande du Pays ?

Gaston Flosse : On verra dans le statut, dans la loi fondamentale. Mais ce n’est pas à nous de le faire. C’est à leur hiérarchie. On ne peut pas tenir de tels propos. On nous dit que la justice française juge le droit… Ce n’est plus le droit. Quand je demande à mon avocat « Que penses-tu de cette affaire-là ? » il me répond « Je ne sais pas quoi penser : si c’est le droit, on gagne ; mais si c’est Gaston Flosse on perd à tous les coups ». (…) Ah, vous savez, c’est dur d’être français.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 10 Mars 2016 à 16:19 | Lu 3911 fois