La CPS pourrait ne toucher que 3,5 milliards de francs pour le remboursement des frais engagés pour soigner les malades de cancers radio-induits. (Archives TI)
Tahiti, le 18 juin 2023 - Alors qu’Oscar Temaru, Patrick Galenon et les associations antinucléaires comptent sur un remboursement de l'État de 80 à 100 milliards de francs à la CPS pour les frais engagés pour les soins des patients atteints de maladies radio-induites, ce remboursement pourrait ne pas dépasser 4 milliards.
Un jour 80 milliards, chiffres annoncés en 2022 par le président du conseil d'administration de la Caisse de prévoyance sociale, Patrick Galenon. Un autre jour 100 milliards, chiffres opportunément annoncés par Oscar Temaru avant les territoriales de 2023. Mais à combien peuvent réellement se chiffrer les dépenses de soins des malades de cancers radio-induits en Polynésie française et surtout à combien la CPS peut-elle prétendre pour ses remboursements ?
L'État a acté, d'abord par la voix de l'ancien président de la République, François Hollande, puis par celle de l'actuel président, Emmanuel Macron, l'ouverture des discussions sur le remboursement de ces frais par l'État à la CPS. La Caisse a donc commencé un long travail pour connaître exactement les coûts qu’elle a engagés.
Un document, fourni à tous les anciens ministre des Outre-mer depuis Brigitte Girardin, que Tahiti Infos s'est procuré, prouve que non seulement le chiffrage a été fait, mais que les premières discussions ont été engagées avec l'État sur le sujet avant la bascule politique d'avril dernier. La question qui reste donc en suspens : est-ce que le nouveau gouvernement va se saisir de ces travaux pour les mener à leur terme ou va-t-il renverser la table pour tout reprendre à zéro ?
Quels montants ?
Dans un rapport rendu en 2020, deux ans avant les déclarations de Patrick Galenon, forcément au courant de ces travaux, et mis à jour en 2022, la CPS estimait “le montant assuré par les régimes contributifs polynésiens au titre des conséquences des essais nucléaires à 85,3 milliards de francs”. Une estimation qui ne retient que “les seules données relatives aux patients répondant aux critères de la loi Morin”, histoire de rappeler que la majeure partie de ces cancers ne sont pas liés au nucléaire. 68,5 milliards de francs étaient alors supportés par la communauté via le Régime général des salariés, soit 93% du montant. 5,3 milliards étaient assurés par le Régime des non-salariés (RNS) et 11,5 milliards par le RSPF.
Mais comment la CPS est-elle arrivée à ce calcul ? Elle s'est basée sur les 23 pathologies reconnues par la loi Morin modifiée de janvier 2010 afin de “déterminer le coût supporté” par la CPS avant “d'examiner les modalités de remboursement par l'État de ces charges imputables directement à la conduite des essais nucléaires”.
Entre 1985 et 2021, 11 817 patients ont été atteints d'au moins une de ces 23 pathologies. Le montant pour la prise en charge de ces patients s'élève à 97 milliards de francs. Sur ces 11 817 patients, 12% d'entre eux sont des ressortissants qui relèvent de la Sécurité sociale dans l’Hexagone. La CPS étant remboursée directement par la Sécu française, les frais engagés par elle pour les soins des cancers au fenua passent alors de 97 milliards de francs à 85,3 milliards de francs.
Le Pays, via son régime de solidarité, prendrait, sur ces 85,3 milliards, 11,5 milliards à sa charge, soit 1 392 patients. Le montant que la CPS estime donc qui a été pris en charge par la collectivité, à savoir la CPS au travers nos cotisations, tombe alors à 73,8 milliards de francs, soit 8 963 patients.
Quels remboursements ?
C'est au moment d'attaquer la question du remboursement par l'État des frais engagés par la CPS pour le traitement de ces cancers que les chiffres doivent encore s'affiner. Ces 73,8 milliards correspondent à l'ensemble des cancers traités figurant sur la liste des cancers potentiellement radio-induits, répondant aux critères de la loi Morin. Et le “potentiellement” est là d'une importance capitale.
Ces 8 963 patients n'ont pas tous contracté des cancers en lien avec les essais nucléaires puisque, rappelons-le, à l'heure actuelle, seuls environ 300 d'entre eux sont reconnus par le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen). Un chiffre que l'État et le Pays espèrent voir passer à 400 avant la fin de l'année. “Le coût moyen annuel constaté entre 2018 et 2021 s'élève à 7,6 milliards de francs”, conclut le rapport de la CPS, “dont 5,8 milliards pour le régime contributif”. Une charge qui ne cessera de croître.
Le 21 avril dernier, la CPS, par la main de son directeur par intérim, Vincent Dupont, s'adressait à l'État pour poser les bases des conditions de remboursement. “Le coût moyen par pathologie varie entre 5 millions et 22 millions de francs par patient”, écrit-il, “soit un coût moyen théorique de 8,5 millions de francs, soit, 71 000 euros”.
71 000 euros serait donc la base forfaitaire de remboursement à la CPS pour les frais de soins engagés par celle-ci pour chaque cancer radio-induit reconnu par le Civen. Des frais qu'il faudra ensuite ajuster aux coûts réels, selon que le cas reconnu est encore en vie, ou non.
S'agissant des futurs dossiers, à savoir les cancers qui seront déclarés chez les Polynésiens, la question reste ouverte aussi sur le remboursement, soit au forfait, soit au coût réel de soins en prenant en compte “l'évolution des coûts médicaux” et “la durabilité de la maladie”.
Et c'est là que les grands espoirs d'Oscar Temaru, de Patrick Galenon et des associations antinucléaires s'effondrent. Même en passant à 400 reconnaissances par le Civen de cancers radio-induits, la reconnaissance de dette de l'État ne serait que de 400 x 71 000 euros donc, 28,4 millions d'euros. À peine 3,5 milliards de francs versés en une fois, soit même pas la moitié d'une année de déficit de la CPS actuellement. Loin... très, très loin des 100 milliards promis par le Tavini.
Un jour 80 milliards, chiffres annoncés en 2022 par le président du conseil d'administration de la Caisse de prévoyance sociale, Patrick Galenon. Un autre jour 100 milliards, chiffres opportunément annoncés par Oscar Temaru avant les territoriales de 2023. Mais à combien peuvent réellement se chiffrer les dépenses de soins des malades de cancers radio-induits en Polynésie française et surtout à combien la CPS peut-elle prétendre pour ses remboursements ?
L'État a acté, d'abord par la voix de l'ancien président de la République, François Hollande, puis par celle de l'actuel président, Emmanuel Macron, l'ouverture des discussions sur le remboursement de ces frais par l'État à la CPS. La Caisse a donc commencé un long travail pour connaître exactement les coûts qu’elle a engagés.
Un document, fourni à tous les anciens ministre des Outre-mer depuis Brigitte Girardin, que Tahiti Infos s'est procuré, prouve que non seulement le chiffrage a été fait, mais que les premières discussions ont été engagées avec l'État sur le sujet avant la bascule politique d'avril dernier. La question qui reste donc en suspens : est-ce que le nouveau gouvernement va se saisir de ces travaux pour les mener à leur terme ou va-t-il renverser la table pour tout reprendre à zéro ?
Quels montants ?
Dans un rapport rendu en 2020, deux ans avant les déclarations de Patrick Galenon, forcément au courant de ces travaux, et mis à jour en 2022, la CPS estimait “le montant assuré par les régimes contributifs polynésiens au titre des conséquences des essais nucléaires à 85,3 milliards de francs”. Une estimation qui ne retient que “les seules données relatives aux patients répondant aux critères de la loi Morin”, histoire de rappeler que la majeure partie de ces cancers ne sont pas liés au nucléaire. 68,5 milliards de francs étaient alors supportés par la communauté via le Régime général des salariés, soit 93% du montant. 5,3 milliards étaient assurés par le Régime des non-salariés (RNS) et 11,5 milliards par le RSPF.
Mais comment la CPS est-elle arrivée à ce calcul ? Elle s'est basée sur les 23 pathologies reconnues par la loi Morin modifiée de janvier 2010 afin de “déterminer le coût supporté” par la CPS avant “d'examiner les modalités de remboursement par l'État de ces charges imputables directement à la conduite des essais nucléaires”.
Entre 1985 et 2021, 11 817 patients ont été atteints d'au moins une de ces 23 pathologies. Le montant pour la prise en charge de ces patients s'élève à 97 milliards de francs. Sur ces 11 817 patients, 12% d'entre eux sont des ressortissants qui relèvent de la Sécurité sociale dans l’Hexagone. La CPS étant remboursée directement par la Sécu française, les frais engagés par elle pour les soins des cancers au fenua passent alors de 97 milliards de francs à 85,3 milliards de francs.
Le Pays, via son régime de solidarité, prendrait, sur ces 85,3 milliards, 11,5 milliards à sa charge, soit 1 392 patients. Le montant que la CPS estime donc qui a été pris en charge par la collectivité, à savoir la CPS au travers nos cotisations, tombe alors à 73,8 milliards de francs, soit 8 963 patients.
Quels remboursements ?
C'est au moment d'attaquer la question du remboursement par l'État des frais engagés par la CPS pour le traitement de ces cancers que les chiffres doivent encore s'affiner. Ces 73,8 milliards correspondent à l'ensemble des cancers traités figurant sur la liste des cancers potentiellement radio-induits, répondant aux critères de la loi Morin. Et le “potentiellement” est là d'une importance capitale.
Ces 8 963 patients n'ont pas tous contracté des cancers en lien avec les essais nucléaires puisque, rappelons-le, à l'heure actuelle, seuls environ 300 d'entre eux sont reconnus par le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen). Un chiffre que l'État et le Pays espèrent voir passer à 400 avant la fin de l'année. “Le coût moyen annuel constaté entre 2018 et 2021 s'élève à 7,6 milliards de francs”, conclut le rapport de la CPS, “dont 5,8 milliards pour le régime contributif”. Une charge qui ne cessera de croître.
Le 21 avril dernier, la CPS, par la main de son directeur par intérim, Vincent Dupont, s'adressait à l'État pour poser les bases des conditions de remboursement. “Le coût moyen par pathologie varie entre 5 millions et 22 millions de francs par patient”, écrit-il, “soit un coût moyen théorique de 8,5 millions de francs, soit, 71 000 euros”.
71 000 euros serait donc la base forfaitaire de remboursement à la CPS pour les frais de soins engagés par celle-ci pour chaque cancer radio-induit reconnu par le Civen. Des frais qu'il faudra ensuite ajuster aux coûts réels, selon que le cas reconnu est encore en vie, ou non.
S'agissant des futurs dossiers, à savoir les cancers qui seront déclarés chez les Polynésiens, la question reste ouverte aussi sur le remboursement, soit au forfait, soit au coût réel de soins en prenant en compte “l'évolution des coûts médicaux” et “la durabilité de la maladie”.
Et c'est là que les grands espoirs d'Oscar Temaru, de Patrick Galenon et des associations antinucléaires s'effondrent. Même en passant à 400 reconnaissances par le Civen de cancers radio-induits, la reconnaissance de dette de l'État ne serait que de 400 x 71 000 euros donc, 28,4 millions d'euros. À peine 3,5 milliards de francs versés en une fois, soit même pas la moitié d'une année de déficit de la CPS actuellement. Loin... très, très loin des 100 milliards promis par le Tavini.