Tahiti, le 4 décembre 2024 - Professeure à l’Institut Pasteur, directrice de l’unité “Arbovirus et insectes vecteurs” du département de virologie, Anna-Bella Failloux animera une conférence ce jeudi. Organisée par Proscience, elle s’intéressera aux moustiques et aux virus qu’ils transmettent et à leurs impacts sur l’homme.
Vous allez parler de maladies infectieuses transmises par le moustique, pouvez-vous nous définir les termes ?
“Je parlerai en effet de maladies vectorielles, c’est-à-dire de maladies infectieuses en lien avec la transmission d’un agent pathogène (virus, bactéries, parasites) par un vecteur, en l’occurrence, le moustique. Dans ce contexte, le moustique transmet un virus qu’on appelle arbovirus (qui vient de la contraction en anglais, arthropod-borne virus). Mais le vecteur pourrait aussi être une mouche, une puce, une punaise ou encore une tique comme c’est le cas ailleurs dans le monde. Pour que la maladie soit transmise, il faut que vecteur et agent infectieux soient compatibles.”
Qu’est-ce que cela signifie ?
“Le moustique, enfin la femelle car le mâle ne pique pas, se nourrit de sang pour pouvoir produire des œufs. Quand elle pique une personne malade, elle s’infecte. L’agent passe dans l’estomac où il n’est pas digéré. Et grâce à une reconnaissance spécifique entre le virus et un récepteur présent à la surface de l’estomac, le virus pénètre dans la cavité générale du moustique où il se multiplie. Au final, le virus se multiplie dans les glandes salivaires et lorsque la femelle de moustique pique à nouveau, elle injecte de la salive contenant le virus. Et c’est comme cela que la transmission se produit. Le moustique est ainsi compétent vis-à-vis de ce virus.”
Comment est-ce possible ?
“Nous savons qu’une fois infecté, le moustique le demeure à vie. Son système immunitaire réagit à l’infection en limitant la quantité de virus dans le moustique mais il ne pourra pas ‘nettoyer’ l’infection. Par exemple, le virus chikungunya va se multiplier dans le moustique en très grand nombre, jusqu’à un milliard de particules virales dans un moustique et jusqu’à 10 000 particules virales dans la salive. Et le moustique est en pleine forme.”
En Polynésie, quels sont les arboviroses et les vecteurs existants ?
“Les arboviroses sont la dengue principalement, mais aussi le chikungunya et le zika. Sur les 15 espèces de moustiques vivant au Fenua, deux seulement sont compatibles, Aedes aegypti, qui vit principalement en zone urbaine et est capable de pondre dans de petites quantités d’eau stagnante, et Aedes polynesiensis, qui vit plutôt en zone rurale et qui est un moustique endémique de la région Pacifique Sud. Comprendre le cycle, le lien entre vecteur et maladie, le mode de reproduction et le lieu de vie permet de mieux appréhender les moyens de lutte, c’est là tout l’intérêt de la conférence.”
Vous posez la question de l’augmentation des arboviroses, est-ce bien le cas ?
"Pendant longtemps, les arboviroses et leurs vecteurs étaient maintenus au sein de cycles sauvages faisant intervenir des animaux comme hôtes et des moustiques zoophiles piquant très rarement l’homme. En raison de la perturbation des milieux par l’homme, de sa mobilité mais aussi du réchauffement climatique, on peut affirmer que les arboviroses progressent, ce sont les maladies de demain. Par exemple, aujourd’hui, la France et même toute l’Europe sont désormais concernés par la dengue. Le premier cas de dengue autochtone, c’est-à-dire contractée par une personne qui n’a pas voyagé, date de 2010. Le moustique tigre, capable de transmettre cette maladie, vit dans 78 départements français sur les 96 que compte le pays. Il est présent dans 20 pays européens. Il pourrait un jour arriver en Polynésie puisqu’il est déjà dans le Pacifique. Maintenant, sachant que la Polynésie est confrontée à la maladie depuis très longtemps, elle est, comme tous les territoires ultramarins, un exemple à considérer. Son expérience en lutte antivectorielle et les nouvelles stratégies mises en place pour lutter contre les arboviroses serviront à la métropole.”
En parlant de lutte, quels sont les moyens ?
“Aujourd’hui, certains moustiques sont devenus résistants aux insecticides, il faut augmenter toujours plus les doses, ce qui n’est pas une solution pérenne. L’ILM travaille sur la bactérie Wolbachia qui est capable d’influencer la transmission de l’agent infectieux, c’est une piste pour des territoires insulaires. Il y a également la sensibilisation et la prévention de la population pour qu’elle agisse à son niveau, que chacun apprenne à dégîter son environnement direct.”
N’y a-t-il pas de recherches menées pour éradiquer les moustiques ?
“Non, on ne pourra jamais éradiquer les moustiques. D’abord parce que les moustiques et les agents infectieux qu’ils transmettent sont là depuis très longtemps, les moustiques depuis 245 millions d’années. Nous sommes là, nous, depuis disons 300 000 ans. Ils étaient là avant, ils seront là après. Mais surtout, ils font partie de la chaîne alimentaire et sont très importants comme source de nourriture pour les poissons ou bien encore les libellules, les oiseaux. Et puis, ils se nourrissent du sucre des fleurs et sont donc, comme les abeilles, des pollinisateurs. Ils sont indispensables à notre survie. Mais il faut trouver un équilibre car la santé de l’homme en dépend.”
Comment les arboviroses sont-elles prises en charge justement ?
“Il n’y a pas de traitement, peu de vaccins. Le dernier candidat vaccin pour prévenir la dengue va être retiré du marché. Mais la recherche s’intensifie, les crédits augmentent ces dernières années du fait de l’augmentation de ces maladies. En attendant, il n’y a que la lutte antivectorielle et l’éducation de la population. Il faut faire comprendre qu’il y a un lien entre eau stagnante, moustique et maladie.”
Vous allez parler de maladies infectieuses transmises par le moustique, pouvez-vous nous définir les termes ?
“Je parlerai en effet de maladies vectorielles, c’est-à-dire de maladies infectieuses en lien avec la transmission d’un agent pathogène (virus, bactéries, parasites) par un vecteur, en l’occurrence, le moustique. Dans ce contexte, le moustique transmet un virus qu’on appelle arbovirus (qui vient de la contraction en anglais, arthropod-borne virus). Mais le vecteur pourrait aussi être une mouche, une puce, une punaise ou encore une tique comme c’est le cas ailleurs dans le monde. Pour que la maladie soit transmise, il faut que vecteur et agent infectieux soient compatibles.”
Qu’est-ce que cela signifie ?
“Le moustique, enfin la femelle car le mâle ne pique pas, se nourrit de sang pour pouvoir produire des œufs. Quand elle pique une personne malade, elle s’infecte. L’agent passe dans l’estomac où il n’est pas digéré. Et grâce à une reconnaissance spécifique entre le virus et un récepteur présent à la surface de l’estomac, le virus pénètre dans la cavité générale du moustique où il se multiplie. Au final, le virus se multiplie dans les glandes salivaires et lorsque la femelle de moustique pique à nouveau, elle injecte de la salive contenant le virus. Et c’est comme cela que la transmission se produit. Le moustique est ainsi compétent vis-à-vis de ce virus.”
Comment est-ce possible ?
“Nous savons qu’une fois infecté, le moustique le demeure à vie. Son système immunitaire réagit à l’infection en limitant la quantité de virus dans le moustique mais il ne pourra pas ‘nettoyer’ l’infection. Par exemple, le virus chikungunya va se multiplier dans le moustique en très grand nombre, jusqu’à un milliard de particules virales dans un moustique et jusqu’à 10 000 particules virales dans la salive. Et le moustique est en pleine forme.”
En Polynésie, quels sont les arboviroses et les vecteurs existants ?
“Les arboviroses sont la dengue principalement, mais aussi le chikungunya et le zika. Sur les 15 espèces de moustiques vivant au Fenua, deux seulement sont compatibles, Aedes aegypti, qui vit principalement en zone urbaine et est capable de pondre dans de petites quantités d’eau stagnante, et Aedes polynesiensis, qui vit plutôt en zone rurale et qui est un moustique endémique de la région Pacifique Sud. Comprendre le cycle, le lien entre vecteur et maladie, le mode de reproduction et le lieu de vie permet de mieux appréhender les moyens de lutte, c’est là tout l’intérêt de la conférence.”
Vous posez la question de l’augmentation des arboviroses, est-ce bien le cas ?
"Pendant longtemps, les arboviroses et leurs vecteurs étaient maintenus au sein de cycles sauvages faisant intervenir des animaux comme hôtes et des moustiques zoophiles piquant très rarement l’homme. En raison de la perturbation des milieux par l’homme, de sa mobilité mais aussi du réchauffement climatique, on peut affirmer que les arboviroses progressent, ce sont les maladies de demain. Par exemple, aujourd’hui, la France et même toute l’Europe sont désormais concernés par la dengue. Le premier cas de dengue autochtone, c’est-à-dire contractée par une personne qui n’a pas voyagé, date de 2010. Le moustique tigre, capable de transmettre cette maladie, vit dans 78 départements français sur les 96 que compte le pays. Il est présent dans 20 pays européens. Il pourrait un jour arriver en Polynésie puisqu’il est déjà dans le Pacifique. Maintenant, sachant que la Polynésie est confrontée à la maladie depuis très longtemps, elle est, comme tous les territoires ultramarins, un exemple à considérer. Son expérience en lutte antivectorielle et les nouvelles stratégies mises en place pour lutter contre les arboviroses serviront à la métropole.”
En parlant de lutte, quels sont les moyens ?
“Aujourd’hui, certains moustiques sont devenus résistants aux insecticides, il faut augmenter toujours plus les doses, ce qui n’est pas une solution pérenne. L’ILM travaille sur la bactérie Wolbachia qui est capable d’influencer la transmission de l’agent infectieux, c’est une piste pour des territoires insulaires. Il y a également la sensibilisation et la prévention de la population pour qu’elle agisse à son niveau, que chacun apprenne à dégîter son environnement direct.”
N’y a-t-il pas de recherches menées pour éradiquer les moustiques ?
“Non, on ne pourra jamais éradiquer les moustiques. D’abord parce que les moustiques et les agents infectieux qu’ils transmettent sont là depuis très longtemps, les moustiques depuis 245 millions d’années. Nous sommes là, nous, depuis disons 300 000 ans. Ils étaient là avant, ils seront là après. Mais surtout, ils font partie de la chaîne alimentaire et sont très importants comme source de nourriture pour les poissons ou bien encore les libellules, les oiseaux. Et puis, ils se nourrissent du sucre des fleurs et sont donc, comme les abeilles, des pollinisateurs. Ils sont indispensables à notre survie. Mais il faut trouver un équilibre car la santé de l’homme en dépend.”
Comment les arboviroses sont-elles prises en charge justement ?
“Il n’y a pas de traitement, peu de vaccins. Le dernier candidat vaccin pour prévenir la dengue va être retiré du marché. Mais la recherche s’intensifie, les crédits augmentent ces dernières années du fait de l’augmentation de ces maladies. En attendant, il n’y a que la lutte antivectorielle et l’éducation de la population. Il faut faire comprendre qu’il y a un lien entre eau stagnante, moustique et maladie.”
En résumé…
Plus de 60% des maladies infectieuses émergentes ou réemergentes sont liées à des virus, des parasites ou des bactéries d’origine animale. Parmi elles, 23 % sont des maladies dites “vectorielles” : peste, fièvre jaune, paludisme, dengue, typhus, maladie du sommeil qui ont façonné l’histoire de l’humanité.
À l'origine, les arbovirus circulaient uniquement entre des animaux sauvages et des moustiques qui ne piquent pas les humains. En 70 ans, ils ont réussi à infecter les populations humaines, provoquant des épidémies urbaines dans la ceinture tropicale et dans certaines régions tempérées. Et l’homme est le principal responsable de cette émergence : démographie et urbanisation croissante, changements dans l'occupation des terres, intensification du commerce et voyages internationaux. Des bouleversements auxquels s’ajoute le changement climatique… Chaque année, les moustiques causent plus de 700 000 décès dans le monde.
Comment mesurer leurs impacts réels ? De quelles armes disposons-nous pour y faire face ? Telles sont les questions qui seront abordées durant cette conférence.
Plus de 60% des maladies infectieuses émergentes ou réemergentes sont liées à des virus, des parasites ou des bactéries d’origine animale. Parmi elles, 23 % sont des maladies dites “vectorielles” : peste, fièvre jaune, paludisme, dengue, typhus, maladie du sommeil qui ont façonné l’histoire de l’humanité.
À l'origine, les arbovirus circulaient uniquement entre des animaux sauvages et des moustiques qui ne piquent pas les humains. En 70 ans, ils ont réussi à infecter les populations humaines, provoquant des épidémies urbaines dans la ceinture tropicale et dans certaines régions tempérées. Et l’homme est le principal responsable de cette émergence : démographie et urbanisation croissante, changements dans l'occupation des terres, intensification du commerce et voyages internationaux. Des bouleversements auxquels s’ajoute le changement climatique… Chaque année, les moustiques causent plus de 700 000 décès dans le monde.
Comment mesurer leurs impacts réels ? De quelles armes disposons-nous pour y faire face ? Telles sont les questions qui seront abordées durant cette conférence.
Pratique
Changements globaux et recrudescence des maladies infectieuses transmises par les moustiques. Mythe ou réalité ?
Jeudi 5 décembre à 17 h 30, Amphi A3 de l’UPF
Entrée libre.
Changements globaux et recrudescence des maladies infectieuses transmises par les moustiques. Mythe ou réalité ?
Jeudi 5 décembre à 17 h 30, Amphi A3 de l’UPF
Entrée libre.