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Le colloque sur les mémoires de Ariitaimai se termine, l’aventure commence


Avec les membres de la famille Salmon, descendants de Aritaimai. L’objectif de ce colloque était de rassembler.
Avec les membres de la famille Salmon, descendants de Aritaimai. L’objectif de ce colloque était de rassembler.
TAHITI, le 3 mars 2023 - Le colloque sur Henry Adams et les mémoires de Ariitaimai s’est achevé jeudi par une sortie culturelle. Public et intervenants espèrent qu’il est le point de départ vers des recherches et réflexions plus poussées sur cette période de l’histoire polynésienne.

Florent Atem, co-organisateur avec sa sœur Carole du colloque intitulé Henry Adams et les mémoires de Ariitaimai espère que “ce n’est que le début”. Le début de recherches et réflexions sur cette période de l’histoire polynésienne restée inexploitée. "Non pas pour remettre en question l'histoire mais bien pour l'enrichir." Ce point de départ ouvre un champ de prospection à différents niveaux, sociaux, historiques, politiques… “On a senti qu’il y avait un besoin.

Au cours du colloque, chercheurs et membres de la société civile ont pu se rencontrer, échanger. Ils se sont entretenus en français, en anglais ou encore en tahitien pour le plus grand plaisir des organisateurs. “C’est tout ce que l’on espérait.” Ils ont pu confirmer des pistes, lancer de nouvelles voix d’exploration. Un séminaire entre les chercheurs et la population est envisagé.

Les intervenants sont venus d’horizons divers, les prises de parole des conférenciers ou du public ont été constructives. Par exemple, à propos de la maison de la reine Marau, Flora Devatine, directrice du Fare Vāna’a a encouragé à protéger, si ce n’est “l’écorce”, tout au moins le tronc de trésor. Raanui Daunassans, arrière-petit-fils de la reine Marauta’aroa et arrière-arrière-petit-fils de Ariitaimai, a assuré, à la suite de son intervention sur les relations entre Ariitaimai et la reine Pōmare, tenir à disposition documents, vaisselle, mobilier qui se trouvaient dans la maison. Un projet de construction d’une demeure à l’identique de la maison existante non loin des jardins de l’assemblée est en cours d’étude afin de donner au grand public l’occasion de (re)découvrir cette période de l’histoire. Dans l’attente, une exposition pourrait être organisée.

Henry Adams, confronté à lui-même aux confins du Pacifique

Henry Adams, arrière-petit-fils de John Adams, le 2e président américain et petit-fils de John Quincy Adams, 6e président américain, a quitté sa terre natale meurtri par la perte de sa sœur décédée de la tuberculose, par le suicide de sa femme et éprouvé par l’écriture de l’histoire des États-Unis en 9 volumes. Il est parti vers l’ouest, a séjourné à Hawaii qu’il a quitté déçu. En quête d’exotisme, il a trouvé Honolulu “vidée de son essence”, selon Florent Atem. À Samoa, mue en anthropologue, il a pu vivre au sein d’une population plus proche de sa culture. Il a débarqué à Tahiti le 4 février 1890, muni de lettres de recommandations signés par Robert Louis Stevenson venu plus tôt en Polynésie. Ces lettres lui ont permis d’être introduit auprès des notables, mais aussi de grandes familles du territoire. Son séjour a duré quatre mois. Quatre mois au cours desquels il a rencontré, découvert et apprécié Ariitaimai, dernière de sa lignée, dernière détentrice d’un savoir ancestral. “Il était parti pour échapper à lui-même”, décrit Florent Atem, “à Tahiti il s’est retrouvé confronté à lui-même, il a rapproché ce que vivait Ariitaimai de ce que lui-même avait vécu en Amérique”. À savoir la disparition d’une époque.

Le fil directeur de ce colloque a été le périple de Henry Adams, sa personnalité, puis sa rencontre avec Ariitaimai et les liens forts qui ont uni les deux êtres. La personnalité de Ariitaimai et son implication dans la société de son époque ont compté également parmi les sujets abordés. Les descendants de Ariitaimai, avec toute la légitimité qui leur était attribuée, fouillant dans diverses archives, ont apporté un éclairage sur cette femme de caractère. Ueva Salmon, Vaite Thiébault Salmon, Tati Morgan Salmon ainsi que Terupe Salmon ont pris la parole à tour de rôle pour témoigner, textes à l’appui.

John C. Orr de l’université de Portland a cherché à répondre à la question : Pourquoi Henry Adams a-t-il révisé son ouvrage sur Tahiti publié en 1901 après l’avoir initialement publié en 1896. “Au-delà de son choix évident de rendre son texte à son véritable auteur et de sa volonté d’apporter son aide aux membres du clan des Teva qui avaient entamé des négociations avec le gouvernement français, je persiste à croire que l’édition révisée constitue la première incursion de Henry Adams dans un nouveau genre d’écriture documentaire”, a-t-il répondu en substance. Ormond Seavey de l’université George Washington a fait le lien entre Henry Adams et l’histoire, les États-Unis et Tahiti, Sylvie André de l’université de la Polynésie française a traité du sujet Reines ou cheffesses et des femmes politiques en Polynésie entre la “découverte” et l’annexion. Carole Atem a émis des perspectives transhistoriques, partant des mémoires d’Ancien régime aux Mémoires de Ariitaimai par Henry Adams tandis qu’Isabelle Proust de l’Inspe a listé des pistes d’exploitations pédagogiques des Mémoires de Ariitaimai en classe de français au collège et lycée.

Rédigé par Delphine Barrais le Vendredi 3 Mars 2023 à 05:11 | Lu 1068 fois