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"La danse est un dialogue entre musiciens et danseurs"


PAPEETE, le 08/12/2015- Fabien Dinard, directeur artistique du conservatoire de Polynésie française a grandi comme danseur auprès de Coco Hotahoa. Il a intégré sa troupe à 19 ans. "Tout ce que tu fais c'est par rapport à l'amour de ton pays", lui a appris le maître danseur. Fabien est devenu chef de groupe de Temaeva en 1997, il a quitté sa fonction en 2010 pour devenir directeur du conservatoire. Pour Tahiti Infos, il revient sur les bases du 'ori Tahiti.

Quelles sont les différents types de danse ?

- Le 'ote'a, une danse avec des percussions traditionnelles.
- Le 'aparima qui se danse sur des percussions et se chante.
- Le pa'o'a, danse exécutée sur des percussions traditionnelles ou les danseurs se mettent à genou ou assis. On reconnaît cette danse par le rythme "e ... i, EEE... aa".
- Le hivinau, danse inventée par les Polynésiens à l'arrivée des premiers navigateurs. C'est devenu une danse joyeuse où les danseurs sont généralement en cercle, on la reconnait car ils chantent l'onomatopée "hiri'a ha'a, hiri'a ha'a ha'a ".
- Le 'aparima vava est dansé assis ou à genoux. Les danseurs miment des scènes de la vie quotidienne.

Que faut-il savoir avant de danser ?

Avant de danser, il faut une histoire, un thème concret, un fait historique, ou une légende. On écrit des textes et les danseurs les interprètent, on ne peut pas danser sans thème. Souvent il y a un orateur sur scène qui clame le 'orero. L'orateur raconte une histoire et rend plus compréhensif la danse. Ce thème est illustré à travers les gestes des danseurs et les chorégraphies, les déplacements, etc.

" Pour le Heiva, les musiciens sont dans le dos des danseurs. Je trouve que c'est un problème, tu ne dis pas bonjour à quelqu'un dans le dos."

Comment construit-on un spectacle ?

Le thème est écrit comme une histoire. Ensuite, il faut enchaîner toutes les répétitions, travailler avec des chorégraphes, compositeurs et musiciens. Ces derniers sont fidèles à un groupe. La danse est un dialogue entre musiciens et danseurs. Aujourd'hui pour le Heiva, les musiciens sont dans le dos des danseurs. Je trouve que c'est un problème, tu ne dis pas bonjour à quelqu'un dans le dos. Les costumes sont tous inédits, chaque année il faut les refaire en rapport avec le thème.

Pour toi, c'est quoi un bon danseur de 'ori Tahiti ?

En plus d'être souple, il faut de la technique. Pour moi un bon danseur est quelqu'un qui arrive à transmettre de l'émotion au public, à la personne en face. Un danseur qui transmet une émotion est forcément beau, il se donne à fond sur scène, il a de la présence. Lors d'un spectacle, ton regard est capté par une danseuse qui n'est pas forcément sur la première ligne. La danse polynésienne, tu dois la raconter.

Peut-on vivre de la danse ?

Participer au Heiva coûte cher pour les groupes, chaque année les costumes sont de plus en plus beaux. Une subvention du Pays est octroyée à chaque groupe. Ensuite les groupes se débrouillent par eux -mêmes, organisent des bals, des ventes de ma'a, de gâteaux. Les danseurs des hôtels sont payés 3000 - 4000 francs par prestation, tu ne vis pas avec ça. Il faut s'exporter pour vivre de la danse, comme ceux qui partent au Japon et font des workshops.

Un Heiva tous les 15 jours à l'étranger

Comment se passe la formation au conservatoire ?

Comme dans tous les conservatoires de métropole, nous avons créé un cursus. Toutes les réformes qui se font en métropole par rapport à la musique et à la danse, on les réadapte pour la danse traditionnelle. Nos élèves passent des examens chaque année, doivent obtenir des médailles, etc. Nous espérons que nos élèves enseigneront un jour en métropole.

La danse traditionnelle se mondialise : chaque année, je suis invitée à l'étranger en tant que jury. Dans le monde, il y a un Heiva tous les 15 jours. Trois pays sont leaders : le Japon, les Etats-Unis et le Mexique. Rien qu'au japon, il y a 100 000 pratiquants de 'Ori tahiti. Chez nous, 2 000 danseurs maximum sont présents lors du "pic" du Heiva.

La différence entre les Polynésiens et les autres danseurs du monde, c'est la langue. A l'international, ils ne maîtrisent pas la langue. Ils jouent avec des partitions mais ce sont de très bons musiciens.

Propos recueillis par Noémie Debot-Ducloyer

"Pour être une bonne danseuse, il faut déjà s'aimer"

Depuis 25 ans, Vanina Ehu est une habituée du conservatoire. D'abord danseuse, elle a obtenu la toute première médaille d'or en 1992. Elle a appris l'enseignement avec Mamie Louise, une figure du 'ori Tahiti. Depuis, Vanina a formé près de trois générations de danseuses. " Danser, c'est une chose, enseigner, s'en est une autre!" se plaît-elle à dire.

Donne-nous ta définition de la danse ?

La danse c'est le ressenti de chacun au travers du rythme, du chant, c'est ta propre personnalité que tu dois transmettre à ton public. Pour être une bonne danseuse, il faut déjà s'aimer, s'apprécier, la danse est une prière que tu fais au seigneur. Tu dois donner le meilleur de toi-même. C'est le respect de ta propre personne.

Ca s'acquiert dès le départ comme inculquer aux élèves le fait de dire bonjour quand on entre dans la salle, ranger les chaussures, etc. On apprend au bébé à danser, dès deux ans et demi, trois ans.

Pendant son apprentissage, l'enfant doit acquérir la base de la danse, le fait de se déplacer dans l'espace, exactement avec le même rythme. On travaille avec des percussions traditionnelles, les enfants sont amenés à chanter. On leur apprend à marcher, à aller à droite, à gauche, toujours en Tahitien.

Quelles sont les qualités d'un bon danseur/bonne danseuse ?

Il faut de la souplesse, de l'endurance et la tête bien sur ses épaules. Quand tu travailles avec les jeunes filles, parfois il faut mettre les points sur les i. Tu essayes de les canaliser. Ces poupettes-là sont dans des phases où leur corps change, elles vont toutes rapprocher leur mouvement car elles prennent conscience que leur corps se développent. Je leur dit de se poser, de s'aimer, de s'apprécier. Elles sont toujours d'attaque pour s'entraîner. Une bonne danseuse doit vraiment maîtriser son corps et le rythme de la musique.

Pour danser le 'ori Tahiti, les cinq bases sont :

- Ta'iri tamau, tout ce qui est balancé
- Fa'arapu, le roulé
- Varu, signe de l'infini, huit allongé
- Tumami, mouvements de bassin circulaire,
- 'Ori 'opu, c'est la danse du ventre.

'Ori Tahiti veut dire danse tahitienne

Rédigé par Noémie Debot-Ducloyer le Mardi 8 Décembre 2015 à 09:40 | Lu 2264 fois