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L'Iran, fébrile, attend le retour des sanctions américaines


Téhéran, Iran | AFP | lundi 06/08/2018 - Les Iraniens se préparent lundi au retour des sanctions américaines, sur fond de craintes grandissantes face aux difficultés économiques et la corruption qui fragilisent le gouvernement du président Hassan Rohani.

La semaine dernière, plusieurs villes ont été le théâtre de manifestations sporadiques et de grèves, fruits de l'inquiétude croissante et d'un sentiment de colère envers le système politique.
Pour tenter d'endiguer la crise endémique, M. Rohani doit présenter lundi à 21H40 (17H10 GMT) lors d'un discours télévisé son plan contre la chute de la monnaie et l'impact des sanctions.
La pression semble s'accentuer à la veille du rétablissement des sanctions économiques, décidé par le président américain Donald Trump après le retrait unilatéral de son pays de l'accord historique sur le nucléaire conclu en 2015 entre l'Iran et les grandes puissances.
Répondant à la détermination des Etats-Unis à exercer une "pression maximale" sur Téhéran, le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif a assuré lundi que les Etats-Unis, l'Arabie saoudite et Israël, pays ennemis de l'Iran, étaient "isolés" dans leur opposition à la République islamique.
"Aujourd'hui, le monde entier a déclaré qu'il n'était plus en phase avec la politique américaine contre l'Iran", a-t-il dit cité par l'agence semi-officielle Isna.
Le secrétaire d'Etat américain, Mike Pompeo, a promis que les Etats-Unis "feraient respecter les sanctions", dont la première vague entrera en vigueur mardi à 04H01 GMT.
De son côté, l'Union européenne a regretté le rétablissement des sanctions et confirmé sa "détermination à protéger les opérateurs économiques européens engagés dans des affaires légitimes avec l'Iran". Une législation spécifique en ce sens entrera en vigueur mardi.
 

- Redressement du rial -

 
Les sanctions américaines risquent de lourdement peser sur une économie à la peine, qui souffre d'un taux de chômage élevé et d'une nette inflation. Le rial iranien a plongé, perdant près des deux tiers de sa valeur en six mois.
Dimanche, le gouvernement de M. Rohani a annoncé un assouplissement des mesures encadrant le taux de change du rial. Les bureaux de change, fermés en avril, devraient notamment être rouverts, même si leur activité sera strictement surveillée.
Sommée par des responsables religieux d'agir contre la corruption, l'autorité judiciaire a annoncé l'arrestation du vice-gouverneur et chef du département des changes de la Banque centrale d'Iran, Ahmad Araghchi, avec d'autres responsables et quatre cambistes accusés de spéculation.
Des initiatives qui semblent avoir apaisé les marchés: lundi la monnaie locale s'est redressée et s'échangeait à 95.500 rials pour un dollar, contre 119.000 pour un dollar, la semaine dernière, son cours le plus bas.
Mais dimanche soir, la tension semblait encore vive à Karaj, une ville à l'ouest de Téhéran frappée de récents troubles. Des journalistes ont constaté une forte présence de policiers anti-émeute.
Des manifestations avaient aussi eu lieu dans les villes de Chiraz (sud), d'Ahvaz (sud-ouest), de Machhad (nord-est), motivées par un mécontentement face à la situation économique détériorée, à la classe politique mais aussi au manque d'eau causé par la sécheresse.
Les autorités ont imposé de sévères restrictions à la presse, rendant impossible de se rendre sur les lieux des manifestations. L'accès des téléphones portables à internet a été coupé dans la région de Karaj.
Les médias conservateurs ont relayé ces manifestations au moment où le modéré Rohani semble fragilisé après avoir misé gros sur l'accord de 2015.
 

- "Faire l'intéressant" -

 
Conclu après des années de difficiles négociations, cet accord vise à garantir le caractère strictement pacifique du programme nucléaire iranien en le soumettant à une surveillance draconienne. En échange, il prévoyait la levée progressive des sanctions qui avaient asphyxié l'économie iranienne et isolé le pays.
Dans son dernier rapport en mai, l'Agence internationale de l'énergie nucléaire (AIEA) avait attesté que l'Iran continuait de respecter ses engagements.
En Israël, le ministre de la Défense Avigdor Lieberman a estimé que le rétablissement des sanctions contre l'Iran était une "décision courageuse dont on se souviendra pendant des générations".
Donald Trump n'a cessé de critiquer l'accord depuis son arrivée au pouvoir, adoptant une attitude très hostile envers l'Iran, pays avec lequel les Etats-Unis n'entretiennent pas de relations diplomatiques depuis 1980.
La première vague de sanctions américaines comprendra des blocages sur les transactions financières et les importations de matières premières, ainsi que des mesures pénalisantes sur les achats dans le secteur automobile et l'aviation commerciale. Elle sera suivie, en novembre, de mesures affectant le secteur pétrolier et gazier ainsi que la Banque centrale.
Toutefois la semaine dernière, M. Trump a créé la surprise en affirmant être prêt à rencontrer les dirigeants iraniens "quand ils veulent".
"Est-ce que vous pensez que cette personne (Trump) est une personne avec laquelle on peut négocier? Ou est-ce qu'il ne fait que faire l'intéressant?", a répondu lundi M. Zarif. 

le Lundi 6 Août 2018 à 05:56 | Lu 255 fois