Le 12 mai dernier, Moetai Brotherson était élu président de la Polynésie française. Trois jours plus tard, il présentait son gouvernement composé de huit ministres et d'une déléguée interministérielle au handicap. crédit photo archives Tahiti Infos
Tahiti, le 22 août 2023 - Comme le veut la tradition, le président du Pays, Moetai Brotherson, dressera le bilan des cent premiers jours de son gouvernement ce mercredi soir dans une allocution télévisée. Pendant 90 minutes, seul face caméra, il “détaillera les principales mesures prises par les différents ministères et la présidence”. On retiendra la suppression de la TVA sociale qui est LA mesure phare du gouvernement... pour ne pas dire la seule.
Le 12 mai dernier, Moetai Brotherson était élu président de la Polynésie française. Trois jours plus tard, il présentait son gouvernement composé de huit ministres et d'une déléguée interministérielle au handicap. Sa “dream team” comme il l'a appelé face à la presse, aux élus et aux familles qui avaient fait le déplacement à la présidence ce 15 mai. Une “dream team” ouverte à la société civile, puisque six membres font leurs premiers pas en politique comme le jeune ministre de l'Équipement Jordy Chan, ou le timide ministre de la Santé, Cédric Mercadal pour ne citer qu'eux. Une ouverture plutôt louable mais qui fera dire plus tard au vieux routard du Tavini, Antony Géros, que ces nouveaux arrivants “ne sont pas tavinistes”, estimant qu'il n'y a que “quatre personnes qui sont vraiment inféodées au Tavini” dans ce gouvernement.
Cela étant dit et comme le veut la tradition, l'exécutif nouvellement nommé doit donc faire un bilan des 100 premiers jours de sa mandature. Une tradition qui nous vient de Napoléon en référence à une brève période de trois mois au pouvoir de l'Empereur après son évasion de l'île d'Elbe. Deux siècles plus tard, cela demeure un passage obligé pour chaque président au début de son quinquennat. Ici comme en métropole d'ailleurs. Une étape synonyme de premier bilan donc, généralement dominé par le désenchantement après l'état de grâce.
80 jours pour la première mesure
Moetai Brotherson y échappera-t-il ? Oui et non. Non, car la patience a des limites. Oui, car son gouvernement bénéficie encore d'une certaine indulgence de la part de la population qui a voté pour le changement et qui veut bien comprendre que cela ne se fera pas du jour au lendemain. “Laissez-nous du temps”, ont d'ailleurs souvent répondu le président du Pays et certains de ses ministres depuis leurs prises de fonction lorsqu'ils étaient interrogés sur les mesures à mettre en place dans ce fameux délai des 100 jours.
Pourtant, dès le 15 mai dernier Moetai Brotherson déclarait : “Dès la semaine prochaine, vous verrez les premières mesures”. Il faudra attendre… 80 jours précisément. Car force est de constater que le gouvernement s'est d'abord contenté de changer des noms, de couper certaines têtes dans les services publics, et de reprendre les textes que l'équipe dirigeante précédente avait laissé dans les tiroirs de l'assemblée. Ce n'est en effet que le 1er août dernier que les choses sérieuses ont démarré avec le vote de la suppression de la TVA sociale plébiscité par 41 des 58 élus de Tarahoi. Une promesse de campagne tenue. Même si maintenant que les élections sont terminées, tout le monde s'accorde à dire que cela ne changera rien ou presque au pouvoir d'achat des Polynésiens qui peinent toujours à joindre les deux bouts.
Des mesurettes plus que des mesures
Alors où sont passées les premières mesures que le président entendait annoncer rapidement pour “alléger le coût de la vie” ? On a beau chercher, on n'a pas trouvé. Oscar Temaru non plus d'ailleurs. Interrogé vendredi dernier sur sa satisfaction de l'action du gouvernement pour ces 100 jours, il semblait gêné aux entournures : “Vous dire oui ce serait... [...] peut-être dans un an, ou dans trois ans. Il y a déjà une bonne décision de prise, c'est celle d'abandonner la taxe CPS”, déclarait-il admettant ainsi à demi-mot que si la suppression de cette taxe est LA mesure phare du gouvernement Brotherson, elle est pour ainsi dire dire la seule.
Sur le plan législatif en effet, les élus de l'assemblée ne se sont réunis que quatre fois depuis l'élection du président. Les trois premières séances étaient une formalité : le 19 mai pour désigner les représentants dans les commissions ; le 22 juin pour valider les comptes du Pays et le 13 juillet pour étudier les textes issus de la précédente mandature, mis à part celui portant recomposition du Cesec. Et enfin, le 1er août, avec la loi fiscale modifiant le code des impôts et donc la fameuse suppression de la taxe de solidarité à partir d’octobre. Est-ce à dire que le gouvernement n'a rien fait pour autant ? Non. Mais il s'agit davantage de mesurettes d'affichage que de véritables actions visant à améliorer le quotidien des Polynésiens. Du moins concernant la lutte contre la cherté de la vie. Mais peut-être que le gouvernement garde des annonces dans sa manche pour l'allocution du président ce mercredi soir.
Circulation, petits dej' et inaugurations...
Du côté du ministère de l'Équipement, Jordy Chan est peut-être celui qui a le mieux communiqué. Il a fait des problèmes de circulation son cheval de bataille, et on sait où il veut aller pendant cette mandature. Pas d'actions d'envergure mais des débuts de solutions apportées en changeant un rond-point par ci, ou en rajoutant une voie par là. En revanche, pas plus tard que lundi, il s'est attaqué au chantier des abribus sur Tahiti trop longtemps laissés de côté par le gouvernement Fritch. Rénover les 200 abribus qui existent ne sera pas un luxe, d'autant qu'ils sont entre 15 000 et 16 000 personnes à attendre le truck tous les jours en plein cagnard ou sous la pluie.
À la Santé, le dossier sensible de la réforme de la protection sociale généralisée (PSG) est toujours en attente. Vaste chantier pourtant puisqu'il y va de l'avenir du paiement de nos minimas sociaux et de nos retraites. Le ministre Cédric Mercadal a tout de même convié la presse ce mardi (la veille du bilan des 100 jours donc) pour annoncer la mise en place de petits-déjeuners gratuits dans quatre écoles pilotes du premier degré pendant dix mois. C'est un début.
Le ministre de l'Éducation, Ronny Teriipaia, a quant à lui coupé quelques rubans. Mais il a aussi donné le cap qu'il voulait insuffler au système éducatif en Polynésie en remettant en position centrale l'apprentissage des langues polynésiennes. En revanche, il n'a pas réinventé l'eau chaude puisqu'il est dans la continuité des écoles bilingues mises en place par la précédente équipe.
Du côté du Logement et de la Solidarité, rien de concret non plus, mis à part un déplacement aux Raromatai, et l'inauguration lundi, de l'antenne mobile de l'OPH qui était déjà dans les tuyaux de l'Office depuis un an. À l'Agriculture, on pourra retenir qu'une nouvelle législation sur le cannabis est à l'étude avec des analyses qui ont commencé à l'Institut Louis Malardé. Sauf que le ministre Taivini Teai nous avait promis, le 14 juin dernier, un texte “d'ici la fin du mois”. On l’attend toujours.
Côté Culture, portefeuille détenu par la vice-présidente Éliane Tevahitua, pas de mesures phares non plus. Pas plus qu'au niveau du ministre de l'Économie et des Finances de Tevaiti Pomare, ou de la ministre de l'Emploi et de la Fonction publique, Vannina Crolas. Gageons que ce bilan des 100 jours sera l'occasion pour eux de communiquer sur des actions dont nous ne serions pas au fait. Une chose est sûre, ce “bilan” est finalement un piège pour tous les gouvernements qui arrivent au pouvoir et ils seraient mieux inspirés de parler d'état des lieux.
Le 12 mai dernier, Moetai Brotherson était élu président de la Polynésie française. Trois jours plus tard, il présentait son gouvernement composé de huit ministres et d'une déléguée interministérielle au handicap. Sa “dream team” comme il l'a appelé face à la presse, aux élus et aux familles qui avaient fait le déplacement à la présidence ce 15 mai. Une “dream team” ouverte à la société civile, puisque six membres font leurs premiers pas en politique comme le jeune ministre de l'Équipement Jordy Chan, ou le timide ministre de la Santé, Cédric Mercadal pour ne citer qu'eux. Une ouverture plutôt louable mais qui fera dire plus tard au vieux routard du Tavini, Antony Géros, que ces nouveaux arrivants “ne sont pas tavinistes”, estimant qu'il n'y a que “quatre personnes qui sont vraiment inféodées au Tavini” dans ce gouvernement.
Cela étant dit et comme le veut la tradition, l'exécutif nouvellement nommé doit donc faire un bilan des 100 premiers jours de sa mandature. Une tradition qui nous vient de Napoléon en référence à une brève période de trois mois au pouvoir de l'Empereur après son évasion de l'île d'Elbe. Deux siècles plus tard, cela demeure un passage obligé pour chaque président au début de son quinquennat. Ici comme en métropole d'ailleurs. Une étape synonyme de premier bilan donc, généralement dominé par le désenchantement après l'état de grâce.
80 jours pour la première mesure
Moetai Brotherson y échappera-t-il ? Oui et non. Non, car la patience a des limites. Oui, car son gouvernement bénéficie encore d'une certaine indulgence de la part de la population qui a voté pour le changement et qui veut bien comprendre que cela ne se fera pas du jour au lendemain. “Laissez-nous du temps”, ont d'ailleurs souvent répondu le président du Pays et certains de ses ministres depuis leurs prises de fonction lorsqu'ils étaient interrogés sur les mesures à mettre en place dans ce fameux délai des 100 jours.
Pourtant, dès le 15 mai dernier Moetai Brotherson déclarait : “Dès la semaine prochaine, vous verrez les premières mesures”. Il faudra attendre… 80 jours précisément. Car force est de constater que le gouvernement s'est d'abord contenté de changer des noms, de couper certaines têtes dans les services publics, et de reprendre les textes que l'équipe dirigeante précédente avait laissé dans les tiroirs de l'assemblée. Ce n'est en effet que le 1er août dernier que les choses sérieuses ont démarré avec le vote de la suppression de la TVA sociale plébiscité par 41 des 58 élus de Tarahoi. Une promesse de campagne tenue. Même si maintenant que les élections sont terminées, tout le monde s'accorde à dire que cela ne changera rien ou presque au pouvoir d'achat des Polynésiens qui peinent toujours à joindre les deux bouts.
Des mesurettes plus que des mesures
Alors où sont passées les premières mesures que le président entendait annoncer rapidement pour “alléger le coût de la vie” ? On a beau chercher, on n'a pas trouvé. Oscar Temaru non plus d'ailleurs. Interrogé vendredi dernier sur sa satisfaction de l'action du gouvernement pour ces 100 jours, il semblait gêné aux entournures : “Vous dire oui ce serait... [...] peut-être dans un an, ou dans trois ans. Il y a déjà une bonne décision de prise, c'est celle d'abandonner la taxe CPS”, déclarait-il admettant ainsi à demi-mot que si la suppression de cette taxe est LA mesure phare du gouvernement Brotherson, elle est pour ainsi dire dire la seule.
Sur le plan législatif en effet, les élus de l'assemblée ne se sont réunis que quatre fois depuis l'élection du président. Les trois premières séances étaient une formalité : le 19 mai pour désigner les représentants dans les commissions ; le 22 juin pour valider les comptes du Pays et le 13 juillet pour étudier les textes issus de la précédente mandature, mis à part celui portant recomposition du Cesec. Et enfin, le 1er août, avec la loi fiscale modifiant le code des impôts et donc la fameuse suppression de la taxe de solidarité à partir d’octobre. Est-ce à dire que le gouvernement n'a rien fait pour autant ? Non. Mais il s'agit davantage de mesurettes d'affichage que de véritables actions visant à améliorer le quotidien des Polynésiens. Du moins concernant la lutte contre la cherté de la vie. Mais peut-être que le gouvernement garde des annonces dans sa manche pour l'allocution du président ce mercredi soir.
Circulation, petits dej' et inaugurations...
Du côté du ministère de l'Équipement, Jordy Chan est peut-être celui qui a le mieux communiqué. Il a fait des problèmes de circulation son cheval de bataille, et on sait où il veut aller pendant cette mandature. Pas d'actions d'envergure mais des débuts de solutions apportées en changeant un rond-point par ci, ou en rajoutant une voie par là. En revanche, pas plus tard que lundi, il s'est attaqué au chantier des abribus sur Tahiti trop longtemps laissés de côté par le gouvernement Fritch. Rénover les 200 abribus qui existent ne sera pas un luxe, d'autant qu'ils sont entre 15 000 et 16 000 personnes à attendre le truck tous les jours en plein cagnard ou sous la pluie.
À la Santé, le dossier sensible de la réforme de la protection sociale généralisée (PSG) est toujours en attente. Vaste chantier pourtant puisqu'il y va de l'avenir du paiement de nos minimas sociaux et de nos retraites. Le ministre Cédric Mercadal a tout de même convié la presse ce mardi (la veille du bilan des 100 jours donc) pour annoncer la mise en place de petits-déjeuners gratuits dans quatre écoles pilotes du premier degré pendant dix mois. C'est un début.
Le ministre de l'Éducation, Ronny Teriipaia, a quant à lui coupé quelques rubans. Mais il a aussi donné le cap qu'il voulait insuffler au système éducatif en Polynésie en remettant en position centrale l'apprentissage des langues polynésiennes. En revanche, il n'a pas réinventé l'eau chaude puisqu'il est dans la continuité des écoles bilingues mises en place par la précédente équipe.
Du côté du Logement et de la Solidarité, rien de concret non plus, mis à part un déplacement aux Raromatai, et l'inauguration lundi, de l'antenne mobile de l'OPH qui était déjà dans les tuyaux de l'Office depuis un an. À l'Agriculture, on pourra retenir qu'une nouvelle législation sur le cannabis est à l'étude avec des analyses qui ont commencé à l'Institut Louis Malardé. Sauf que le ministre Taivini Teai nous avait promis, le 14 juin dernier, un texte “d'ici la fin du mois”. On l’attend toujours.
Côté Culture, portefeuille détenu par la vice-présidente Éliane Tevahitua, pas de mesures phares non plus. Pas plus qu'au niveau du ministre de l'Économie et des Finances de Tevaiti Pomare, ou de la ministre de l'Emploi et de la Fonction publique, Vannina Crolas. Gageons que ce bilan des 100 jours sera l'occasion pour eux de communiquer sur des actions dont nous ne serions pas au fait. Une chose est sûre, ce “bilan” est finalement un piège pour tous les gouvernements qui arrivent au pouvoir et ils seraient mieux inspirés de parler d'état des lieux.