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Interview de Gilles Cozanet: "Polynésie 1ère est une chaîne polynésienne qui est fière de l'être!"


Interview de Gilles Cozanet: "Polynésie 1ère est une chaîne polynésienne qui est fière de l'être!"
Le directeur de Polynésie 1ère, Gilles Cozanet, a souhaité réagir à l'actualité de l'audiovisuel polynésien dans une interview qu'il a accordée à TAHITI INFOS. Un peu agacé d'entendre dire que TNTV est la seule chaîne vraiment polynésienne, il réplique. "L'essentiel de l'audience de TNTV vient des émissions de TF1 et M6...et des télénovelas; ça ne vient pas du programme local", rappelle-t-il, tandis que sa propre chaîne doit reconstruire entièrement sa grille, privée des programmes de France télévisions depuis l'arrivée de la TNT le 30 novembre 2010. Un vrai défi, qu'il décrit dans cette interview.

Tahiti-infos: Monsieur Cozanet, vous dirigez Polynésie 1ère et vous avez souhaité réagir à l'actualité qui concerne l'audiovisuel en ce moment. Vous souhaitez tout particulièrement mettre les choses au point en ce qui concerne l'identité de la chaîne:
"En effet, c'est une chose importante, car avec l'arrivée de la TNT en novembre dernier nous avons dû modifier complètement notre grille de programme. On s'est retrouvé dans un environnement qui a changé, la chaîne a changé à 80 % et nos missions aussi ont changé. Nous nous sommes retrouvés dans une perspective de rapprochement avec le terrain, car toutes nos émissions qui étaient les émissions phares de la chaîne, et de Tempo et de RFO polynésie, ont été récupérées par les chaînes source comme France 2, France3, France 4, France 5. On a donc mis en place depuis janvier une chaîne totalement nouvelle avec une ligne éditoriale très locale précisément, et c'est sur cette identité que je souhaite aujourd'hui revenir. Surtout que j'entends autour de moi des choses qui me plaisent à moitié, sur le fait notamment qu'on parle de nous comme d'un "monopole d'Etat", comme d'une chaîne qui ne serait pas respectueuse de l'équilibre politique puisque l'on prétend que nous sommes "sous l'autorité directe de Nicolas Sarkozy"...tout cela n'a pas beaucoup de sens, la chaîne s'appelle POLYNESIE 1ère, et notre mission est de faire de la télévision locale en Polynésie. Et ça c'est extrêmement important , nous sommes une télévision de service public polynésien, cela veut dire quelque chose cette notion...service public, c'est à dire que nous devons respecter les fondamentaux d'une population, d'une culture, chose que nous faisons tous les jours...sans doute ne mettons-nous pas en avant suffisamment tout le travail que font les équipes de Polynésie 1ère sur le terrain au quotidien, notamment autour des évènements. Rappelons que Polynésie couvre TOUS les grands évènements polynésiens. Le FIFO, le HEIVA, (ou nous sommes présent quotidiennement, nous reprenons la totalité des groupes musicaux et de danse), la BILLABONG, l'HAWAIKI NUI, cette année nous allons même retransmettre en direct la messe de célébration de l'inauguration de la rénovation de la cathédrale de Rikitea, Les Jeux pendant le Festival des Marquises... Il est important de rappeler que tous les jours nous faisons des émissions d'informations en tahitien et en français, des émissions hebdomadaires sur les archipels, sur les îles, nous faisons des émissions historiques et mémorielles sur ce qu'a été la Polynésie dans le passé avec des portraits de figures locales qui ont marqué l'histoire du territoire.
Je trouve qu'on oublie que Polynésie 1ère n'est pas un "monopole d'Etat", c'est une chaîne polynésienne et qui est fière de l'être!

T I: Vous vous positionnez en qualité de diffuseur, mais vous agissez beaucoup aussi en faveur du développement de la production de contenu audiovisuel local?
Exactement, c'est également très important, depuis cette année plus particulièrement, nous injectons beaucoup d'argent, plusieurs dizaine de millions de francs dans l'industrie audiovisuelle locale,et nous espérons que cette industrie va se développer, pour produire des jeux, des émissions de flux, des documentaires. Tout cela c'est de l'argent qui est injecté tous les ans dans l'économie polynésienne. C'est pourquoi nous ne pouvons pas parler de nous dans les termes tels que ceux que j'entends aujourd'hui, nous sommes un acteur majeur de l'économie locale!

T I: Selon vous pourquoi l'opinion publique a tendance à qualifier TNTV comme étant plus locale que Polynésie 1ère?
TNTV est par nature la chaîne du territoire. TNTV a joué son rôle et je ne veux pas me substituer à qui que ce soit. Encore moins pour juger TNTV dans la situation dans laquelle elle se trouve aujourd'hui, je ne voudrais pas être à leur place. La situation qu'ils vivent est difficile, lourde, compliquée, nous avons essayé dans nos éditions de journaux de rendre compte le plus objectivement possible de cette situation, mais cela ne veut pas dire que nous ne puissions pas défendre notre position.

T I Selon vous, y-a t-il la place pour deux chaînes de télévision à Tahiti? Tant en termes de potentiel d'audience qu'en terme de capacité de production de contenu?
C'est difficile de répondre à cette question.. si on regarde ce qui se passe partout ailleurs dans tous les autres territoires, la problématique du positionnement des chaînes locales est posé, le modèle éditorial et le modèle économique est posé depuis longtemps en métropole comme dans les territoires. Mais c'est une question qui pour le moment n'a pas trouvé de réponse satisfaisante. A ma connaissance il n'y qu'une chaîne privée qui a trouvé son modèle économique, c'est "Antenne réunion", mais elle l'a trouvé en ne produisant pratiquement rien et en diffusant essentiellement des programmes de TF1 et M6.
Alors je voudrais dire que - ce que je vais dire ne va pas faire plaisir à certains - que TNTV, aujourd'hui, valorise également son audience essentiellement grâce aux programmes de TF1 et de M6!
N'oublions pas que nous, Polynésie 1ère, on a perdu les moteurs qui étaient les grandes émissions de France 2 et France 3, que l'on doit reconstruire une audience en prime time, mais que de son côté l'essentiel de l'audience de TNTV vient des émissions de TF1 et M6...et des télénovelas; ça ne vient pas du programme local.
Donc aujourd'hui, nous sommes toujours leaders, même si l’écart s'est resserré semble-t-il d'après les dernières études... Mais nous restons toujours leaders sur l'information. L'information de Polynésie 1ère reste un élément moteur de la chaîne.
Après, l'audience, c'est normal qu'elle se resserre, puisque nous sommes en train de reconstruire une grille...TNTV a une grille qui a des éléments puissants...qui viennent d'ailleurs.

T I : Selon vous que faudrait-il pour améliorer les conditions de développement de l'audiovisuel en Polynésie française? Est-ce qu'un recours à une redevance, par exemple, pourrait être une solution?
La redevance existe en France et pas en Polynésie. je ne veux pas me prononcer là-dessus, c'est une responsabilité du gouvernement de décider sur les modalité de financement...mais de mettre en place une redevance ça a aussi un coût, il faut mettre des structures en place...la question du financement de TNTV est posé, c'est une chaîne qui est financée à 100% par le territoire. La question que l'on doit se poser, est la question éditoriale. Quelle chaîne on veut faire? Est-ce que c'est une chaîne basée sur la reprise des grandes émissions des chaines privées métropolitaines? ce qui permet d'asseoir une audience mais qui a un coût élevé, car cela coûte cher, il faut acheter les programmes..ou bien on essaye de développer un modèle éditorial différent qui sera plus local, voire hyper local...c'est une question qu'il faut se poser...c'est un choix politique

T I : et la politique de Polynésie 1ère aujourd'hui c'est de développer la production locale?

On se développe sur la production locale, sur les grands évènements, que l'on retransmet soit en direct, soit en léger différé, on va vers un développement et un investissement de production documentaire, ce qui, en plus de l'aspect économique participe à la valorisation de la Polynésie puisque ce sont des choses qui s'exportent, et le FIFO, dans lequel France Télévision est très largement impliqué ( nous sommes fondateur du FIFO), est un outil au service de la diffusion de l'image polynésienne. Le documentaire, dans lequel nous investissons énormément, est également un outil pour le développement économique de la Polynésie... Et cela il ne faut pas l'oublier, car si nous nous n'investissons pas, qui le fera ?




Rédigé par () le Mercredi 20 Juillet 2011 à 15:46 | Lu 3171 fois