Le vice-président du Pays, ministre des finances, artisan de la réforme fiscale présentée en début de semaine a répondu aux questions de Tahiti Infos. Interview :
9,63 milliards Fcfp de recettes fiscales nouvelles attendues de cette réforme fiscale en année pleine, n’est-ce pas beaucoup pour les contribuables polynésiens dans un contexte où le total des prélèvements fiscaux était (chiffres DICP) de 60 milliards en 2011 ?
Nuihau Laurey : Il est important que l’ensemble des Polynésiens comprenne véritablement le sens profond de cette réforme fiscale motivée par un contexte de déclin économique et budgétaire sans précédent.
De quelle situation avons-nous hérité ? Lors de notre campagne nous n’avons cessé d’alerter notre population sur les dangers de cette politique du «laisser faire» menée par la précédente équipe gouvernementale motivée alors uniquement par l’obsession indépendantiste qui aurait fini à terme par conduire notre Pays à la faillite.
Si l’Etat n’avait pas versé les 6 milliards Fcfp de dotation exceptionnelle en 2012, le Pays aurait été en situation de quasi cessation de paiement. L’activisme «onusien» d’Oscar Temaru avait fini par décrédibiliser la Polynésie française auprès de tous ses partenaires institutionnels et plus particulièrement les acteurs économiques locaux comme internationaux et les bailleurs de fonds.
Les comptes publics de la Polynésie française ont été délaissés, abandonnés même ! A cela s’ajoutait la difficulté de restaurer la sincérité d’un budget qui ne l’était pas.
En clair, et pour faire bref, ce ne sont pas moins de 14 milliards Fcfp que nous devons trouver pour restaurer les équilibres des comptes publics et surtout, retrouver le chemin de la croissance. Cela est fondamental et constitue l’enjeu majeur des prochains mois. Pourquoi ? Parce qu’en restaurant cet équilibre par l’accroissement de recettes fiscales et par la contraction des dépenses publiques, en redonnant progressivement au Pays les moyens de financer une politique d’investissements publics réaliste et ambitieuse, nous concourrons tout à la fois à retrouver la confiance de nos bailleurs de fonds mais aussi à soutenir la relance économique.
Enfin il nous fallait restaurer un dialogue constructif avec notre partenaire privilégié qu’est l’Etat. Notre réforme fiscale, notre collectif budgétaire concrétisent les efforts collectifs de notre population, de nos entreprises au redressement de notre Pays. C’est sur cette base que nous sollicitons un accompagnement de l’Etat.
Alors oui, près de 10 milliards Fcfp de recettes fiscales attendues pour 2014 peuvent sembler beaucoup, mais nous n’avons pas le choix ! C’est la condition nécessaire et indispensable à une sortie de ces 10 années de déclin que nous venons de traverser. La situation est grave et nous avons besoin de faire appel à l’effort de tous les Polynésiens pour remettre notre beau pays sur les rails d’un développement économique harmonieux.
Vous avez évoqué une "volonté de cohérence et d’équilibre" comme fil directeur de cette réforme fiscale. La fonction publique coûte annuellement 35 milliards au Pays. Conjuguez-vous l’augmentation des recettes fiscales annoncée avec une recherche de niches d’économies et notamment dans les dépenses de fonctionnement de l’administration territoriale ?
Nuihau Laurey : Cette réforme est cohérente parce qu’elle sollicite une plus grande solidarité des Polynésiens en faveur des plus démunis et parce qu’elle donne un véritbale coup de pouce à l’initiative privée tout en pérennisant le soutien à l’investissement par une défiscalisation plus ciblée.
Elle est équilibrée parce qu’elle sollicite de manière équitable les différentes catégories de contribuables pour nous donner les moyens de financer nos investissements et de retrovuer la croissance.
Ne nous y trompons pas ! C’est bien un projet fiscal de sortie de crise, qui répond à l’urgence sociale, et permettra de doter en ressources le compte d’affectation spéciale pour l’emploi et la lutte contre la pauvreté.
De son côté, le Pays va également faire des efforts significatifs de réduction et de maîtrise des dépenses publiques. Le plan de départ volontaire qui sera proposé d’ici la fin de l’année devrait concerner sur trois exercices près de 1 000 personnes avec un financement sollicité de l’Etat à hauteur de 50% des coûts de ce plan de départ volontaire.
Dans le même temps, le Pays entend se désengager des secteurs concurrentiels par le biais de cessions d’actifs. Donc oui, le Pays s’associe à l’effort collectif qu’il sollicite de l’ensemble de ces partenaires économiques et sociaux.
Avec 6,8 milliards de recettes fiscales nouvelles escomptées (hors CST) en année pleine au moyen d’augmentation de taxes, de réduction de crédits d’impôt, ne redoutez-vous pas au final une nette augmentation des prix à la consommation ?
Nuihau Laurey : Vous savez entre le risque d’une petite inflation et la faillite de notre Pays, le gouvernement a pris ses responsabilités.
Hors CST, les principales augmentations frappent pour l’essentiel des secteurs protégés. Que ce soit l’activité bancaire, l’activité des assurances ou le commerce de détail en tous genres réalisé en grandes surfaces, ces secteurs bénéficient non pas d’une rente de situation mais d’un contexte concurrentiel favorable qui leur a permis, malgré la crise économique que nous traversons de garder la tête hors de l’eau.
L’effort qui leur est demandé, leur profitera également du fait de la reprise économique. Cette réforme, je l’ai rappelé, doit contribuer à restaurer l’équilibre des comptes publics pour permettre au Pays d’emprunter à nouveau sur les marchés de manière planifiée et à des taux plus raisonnables, de sorte à soutenir la relance économique par une politique de grands travaux structurants.
Dans cette perspective, la loi qui sera présentée tout prochainement à l’Assemblée de la Polynésie française en faveur du bâtiment, en ce qu’elle permet pour la 1ère fois de concevoir des projets d’investissements d’ampleur dans le cadre de partenariats public-privé, générateurs de créations d’emplois, constitue un véritable levier pour le développement économique.
J’entends les commentaires de certains qui me parlent de revoir le système économique, que trop d’impôts tue l’impôt, qu’il faut baisser les impôts, qu’il faudrait créer 3 000 emplois en un claquement de doigts. On peut effectivement faire tous les plans que l’on veut sur la comète. Mais lorsque que vous devez trouver plus de 10 milliards pour sauver le Pays de la faillite, sans aucune marge de manœuvre, alors, pardonnez moi de le dire, tous ces commentaires relèvent de la discussion de comptoir.
Je salue l’attitude responsable de la CGPME, de certains responsables syndicaux et des nombreux Polynésiens qui sont conscients de la nécessité d’un effort collectif.
Pour le reste, nous avons rencontré les acteurs de tous les secteurs économiques qui, en privé, ont exprimé si ce n’est leur soutien, leur compréhension de la nécessité d’une action forte.
Envisagez-vous, parallèlement à cette réforme fiscale, une loi pour la régulation des prix à la consommation ?
Nuihau Laurey : Cette loi sur la concurrence est l’un des nombreux serpents de mer qui naviguent depuis des années au sein des gouvernements qui se sont succédé. Nous travaillons sur un projet de texte qui est aujourd’hui bien avancé. Le gouvernement souhaite une loi sur la concurrence qui organise de manière équitable et efficace les relations entres les acteurs économiques. En ce sens, la loi devra prévoir la création d’une autorité administrative indépendante, dont le but premier sera de veiller au libre jeu de la concurrence en Polynésie française et de sanctionner les pratiques portant atteinte à la concurrence.
Vous attendez en année pleine 2,8 milliards de recettes supplémentaires liées au réaménagement de l’assiette de la CST. Quelle est la logique de cet ajustement ?
Nuihau Laurey : Assurer la pérennité du régime de solidarité de la Polynésie française !
En sollicitant la quasi-totalité des salariés polynésiens, publics comme privés, nous sollicitons donc l’effort de tous à l’équilibre financier du RSPF.
Depuis 2008, l’Etat ne participe plus au financement de la solidarité, c’est le Pays en vertu de la convention qui le lie au RSPF qui doit en assurer l’équilibre par le versement d’une subvention de fin d’année. J’ai rappelé au début de cette interview quelle était la situation budgétaire du Pays qui ne peut plus, seul, assurer cet équilibre.
Pour autant, comme je l’ai expliqué précédemment, pour donner de la cohérence à cet effort contributif supplémentaire des salariés, nous allons créer un compte d’affectation spéciale pour l’accès et l’emploi et de lutte contre la pauvreté. Ce compte permettra de gérer de manière cohérente l’ensemble des dispositifs visant au financement du RSPF, à favoriser l’accès à l’emploi, et à lutter contre la pauvreté.
Je tiens à préciser que cet effort contributif supplémentaire nous semble modéré, mesuré. En effet à titre d’exemple, il s’élèvera à 500 francs sur un salaire de 200 000 Fcfp mensuel, à 3 250 francs pour un salaire de 400 000 Fcfp et ainsi de manière progressive en fonction du salaire.
Les mesures annoncées en faveur des entreprises (réduction du taux de l’impôt sur les sociétés ; plafond à 5 millions de CA annuel pour les TPE), vous apparaissent-elles suffisantes pour relancer l’activité économique ?
Nuihau Laurey : Ces mesures constituent un véritable soutien à l’initiative privée mais ce sont les ressources financières résultant de cette réforme de la fiscalité qui permettront à notre Pays de financer ces investissements et ainsi de redonner de l’activité et surtout un ballon d’oxygène à nos entreprises.
Je l’ai dit, le projet de réforme fiscale se veut cohérent et équilibré et doit être mis en perspective avec des mesures à portée économique, dont certaines sont déjà prises (j’ai cité celle de la loi en faveur du bâtiment), et d’autres qui seront présentées d’ici la fin de l’année.
Dès lors, cet équilibre trouve notamment ses bases sur ces mesures en faveur des TPE qui verront leur procédure administrative simplifiée pour celles assujetties à l’impôt sur les transactions et dont le chiffre d’affaires annuel se situe entre 2 et 5 millions. Le dispositif existant, s’il avait le mérite d’exister n’était pas suffisamment ambitieux. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Il faut être ambitieux et lucide, courageux et réaliste. C’est à mon sens ce que traduit cette réforme.
Ainsi, ce sont désormais près des 2/3 des sociétés à l’impôt sur les transactions qui sont concernées par l’élargissement de cette mesure, soit près de 7 000 entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires de près de 10,6 milliards. Celles dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 2 millions continueront d’acquitter un montant forfaitaire libératoire de tous impôts et taxes de 25 000 francs par an.
Celles dont le chiffre d’annuel est compris entre 2 et 5 millions Fcfp, continueront de remplir leurs obligations en matière de TVA mais acquitteront un montant forfaitaire libératoire de tous autres impôts et taxes de 45 000 francs par an.
Ce sont ces petites entreprises qui constituent le cœur de notre tissu économique, créatrices d’emplois, il nous a donc semblé opportun de nous appuyer sur ces dernières, de les accompagner à soutenir la reprise économique.
Dans le même ordre d’idée, cette réforme fiscale étend de un à deux exercices l’exonération d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur les transactions dans le cadre de la création d’une nouvelle société. Cette mesure contribue ainsi de manière efficace et soutenue à favoriser l’initiative privée, la création d’entreprises et donc d’emplois.
Elle procède d’ailleurs de la même logique que celle ayant prévalu à la baisse des taux de l’impôt sur les sociétés de 5 points (les tranches du barème passent ainsi de 30%-40% à 25%-35%) soit une baisse d’impôt allant de 12% et 17%. Une mesure, annoncée pour la durée de la présente mandature, qui concerne cette fois les 2 300 entreprises émargeant à l’IS en 2012 auprès de la DICP.
En résumé, ces mesures jettent les bases saines et stimulantes d’un accompagnement de nos entreprises vers le chemin de la reprise économique.
Vous annoncez "par souci de transparence" la création de deux fonds spéciaux, pour « l’investissement et la garantie de la dette » et pour « la lutte contre la pauvreté et l’accès à l’emploi ». Dans quelle mesure seront-ils alimentés par les recettes fiscales nouvelles attendues de cette réforme ?
Nuihau Laurey : L’ensemble des taxes affectées jusqu’alors au RSPF seront désormais affectées à un compte d’affectation spéciale pour l’emploi et la lutte contre la pauvreté. Ce compte permettra de gérer de manière transparente et cohérente l’ensemble des dispositifs visant au financement du RSPF, à favoriser l’accès à l’emploi et à lutter contre la pauvreté. Il permettra ainsi à tout un chacun de voir clairement comment son effort contributif supplémentaire participe à la survie du RSPF.
Par ailleurs, un certain nombre d’impôts et de taxes seront affectés à un compte d’affectation spéciale dit «fonds de l’investissement et de garantie de la dette». L’objectif est de redonner confiance aux bailleurs de fonds de la Polynésie française et de permettre à notre Pays de disposer des ressources pour investir dans son développement futur.
Un mot sur la "défiscalisation locale". Plusieurs secteurs ne seront bientôt plus éligibles dont notamment ceux du «logement intermédiaire», «transport terrestre en commun», «culture» …. Qu’est-ce qui a guidé le choix du gouvernement ?
Nuihau Laurey : Pour dire les choses clairement et sans langue de bois : la question était bien plus large que cela concernant la défiscalisation ! En effet, fort du contexte national sur la pérennité même de la défiscalisation métropolitaine, la question s’est également posée localement de la suppression pure et simple de la défiscalisation locale compte tenu de son coût pour les finances publiques.
Le gouvernement a fait le choix courageux de conserver ce dispositif compte tenu de son impact en matière d’investissement. Mais nous avons fait le choix de le recentrer tant au niveau de l’aide octroyée aux projets qu’au niveau des secteurs éligibles. La défiscalisation constitue un important levier de politique économique. Il permet en effet de canaliser les capacités de financement des secteurs à forte rentabilité vers les secteurs dont l’attrait financier à court terme n’est pas suffisant pour attirer les investisseurs privés mais sur lesquels le Pays entend bâtir son développement économique.
Dès lors, les secteurs qui ont été supprimés sont des secteurs pour lesquels, soit aucun projet n’a jamais été présenté, soit qu’ils ne constituent plus un intérêt économique avéré compte tenu de la crise que nous traversons actuellement.
Un mot sur le secteur du logement. La raréfaction de la matière fiscale disponible à la défiscalisation, conjuguée aux contraintes budgétaires du Pays limite désormais son champ d’action au secteur de la construction de logement dit à loyer modéré. Il s’agit ainsi, pour compenser la diminution de l’aide octroyée par le Pays à ces projets d’élargir le champ des ayants-droits potentiels en relevant le critère d’éligibilité de 3 à 4 SMIG brut mensuel par ménages. Cela contribuera à consolider la commercialisation des logements et donc à soutenir la relance économique par le secteur du bâtiment.
9,63 milliards Fcfp de recettes fiscales nouvelles attendues de cette réforme fiscale en année pleine, n’est-ce pas beaucoup pour les contribuables polynésiens dans un contexte où le total des prélèvements fiscaux était (chiffres DICP) de 60 milliards en 2011 ?
Nuihau Laurey : Il est important que l’ensemble des Polynésiens comprenne véritablement le sens profond de cette réforme fiscale motivée par un contexte de déclin économique et budgétaire sans précédent.
De quelle situation avons-nous hérité ? Lors de notre campagne nous n’avons cessé d’alerter notre population sur les dangers de cette politique du «laisser faire» menée par la précédente équipe gouvernementale motivée alors uniquement par l’obsession indépendantiste qui aurait fini à terme par conduire notre Pays à la faillite.
Si l’Etat n’avait pas versé les 6 milliards Fcfp de dotation exceptionnelle en 2012, le Pays aurait été en situation de quasi cessation de paiement. L’activisme «onusien» d’Oscar Temaru avait fini par décrédibiliser la Polynésie française auprès de tous ses partenaires institutionnels et plus particulièrement les acteurs économiques locaux comme internationaux et les bailleurs de fonds.
Les comptes publics de la Polynésie française ont été délaissés, abandonnés même ! A cela s’ajoutait la difficulté de restaurer la sincérité d’un budget qui ne l’était pas.
En clair, et pour faire bref, ce ne sont pas moins de 14 milliards Fcfp que nous devons trouver pour restaurer les équilibres des comptes publics et surtout, retrouver le chemin de la croissance. Cela est fondamental et constitue l’enjeu majeur des prochains mois. Pourquoi ? Parce qu’en restaurant cet équilibre par l’accroissement de recettes fiscales et par la contraction des dépenses publiques, en redonnant progressivement au Pays les moyens de financer une politique d’investissements publics réaliste et ambitieuse, nous concourrons tout à la fois à retrouver la confiance de nos bailleurs de fonds mais aussi à soutenir la relance économique.
Enfin il nous fallait restaurer un dialogue constructif avec notre partenaire privilégié qu’est l’Etat. Notre réforme fiscale, notre collectif budgétaire concrétisent les efforts collectifs de notre population, de nos entreprises au redressement de notre Pays. C’est sur cette base que nous sollicitons un accompagnement de l’Etat.
Alors oui, près de 10 milliards Fcfp de recettes fiscales attendues pour 2014 peuvent sembler beaucoup, mais nous n’avons pas le choix ! C’est la condition nécessaire et indispensable à une sortie de ces 10 années de déclin que nous venons de traverser. La situation est grave et nous avons besoin de faire appel à l’effort de tous les Polynésiens pour remettre notre beau pays sur les rails d’un développement économique harmonieux.
Vous avez évoqué une "volonté de cohérence et d’équilibre" comme fil directeur de cette réforme fiscale. La fonction publique coûte annuellement 35 milliards au Pays. Conjuguez-vous l’augmentation des recettes fiscales annoncée avec une recherche de niches d’économies et notamment dans les dépenses de fonctionnement de l’administration territoriale ?
Nuihau Laurey : Cette réforme est cohérente parce qu’elle sollicite une plus grande solidarité des Polynésiens en faveur des plus démunis et parce qu’elle donne un véritbale coup de pouce à l’initiative privée tout en pérennisant le soutien à l’investissement par une défiscalisation plus ciblée.
Elle est équilibrée parce qu’elle sollicite de manière équitable les différentes catégories de contribuables pour nous donner les moyens de financer nos investissements et de retrovuer la croissance.
Ne nous y trompons pas ! C’est bien un projet fiscal de sortie de crise, qui répond à l’urgence sociale, et permettra de doter en ressources le compte d’affectation spéciale pour l’emploi et la lutte contre la pauvreté.
De son côté, le Pays va également faire des efforts significatifs de réduction et de maîtrise des dépenses publiques. Le plan de départ volontaire qui sera proposé d’ici la fin de l’année devrait concerner sur trois exercices près de 1 000 personnes avec un financement sollicité de l’Etat à hauteur de 50% des coûts de ce plan de départ volontaire.
Dans le même temps, le Pays entend se désengager des secteurs concurrentiels par le biais de cessions d’actifs. Donc oui, le Pays s’associe à l’effort collectif qu’il sollicite de l’ensemble de ces partenaires économiques et sociaux.
Avec 6,8 milliards de recettes fiscales nouvelles escomptées (hors CST) en année pleine au moyen d’augmentation de taxes, de réduction de crédits d’impôt, ne redoutez-vous pas au final une nette augmentation des prix à la consommation ?
Nuihau Laurey : Vous savez entre le risque d’une petite inflation et la faillite de notre Pays, le gouvernement a pris ses responsabilités.
Hors CST, les principales augmentations frappent pour l’essentiel des secteurs protégés. Que ce soit l’activité bancaire, l’activité des assurances ou le commerce de détail en tous genres réalisé en grandes surfaces, ces secteurs bénéficient non pas d’une rente de situation mais d’un contexte concurrentiel favorable qui leur a permis, malgré la crise économique que nous traversons de garder la tête hors de l’eau.
L’effort qui leur est demandé, leur profitera également du fait de la reprise économique. Cette réforme, je l’ai rappelé, doit contribuer à restaurer l’équilibre des comptes publics pour permettre au Pays d’emprunter à nouveau sur les marchés de manière planifiée et à des taux plus raisonnables, de sorte à soutenir la relance économique par une politique de grands travaux structurants.
Dans cette perspective, la loi qui sera présentée tout prochainement à l’Assemblée de la Polynésie française en faveur du bâtiment, en ce qu’elle permet pour la 1ère fois de concevoir des projets d’investissements d’ampleur dans le cadre de partenariats public-privé, générateurs de créations d’emplois, constitue un véritable levier pour le développement économique.
J’entends les commentaires de certains qui me parlent de revoir le système économique, que trop d’impôts tue l’impôt, qu’il faut baisser les impôts, qu’il faudrait créer 3 000 emplois en un claquement de doigts. On peut effectivement faire tous les plans que l’on veut sur la comète. Mais lorsque que vous devez trouver plus de 10 milliards pour sauver le Pays de la faillite, sans aucune marge de manœuvre, alors, pardonnez moi de le dire, tous ces commentaires relèvent de la discussion de comptoir.
Je salue l’attitude responsable de la CGPME, de certains responsables syndicaux et des nombreux Polynésiens qui sont conscients de la nécessité d’un effort collectif.
Pour le reste, nous avons rencontré les acteurs de tous les secteurs économiques qui, en privé, ont exprimé si ce n’est leur soutien, leur compréhension de la nécessité d’une action forte.
Envisagez-vous, parallèlement à cette réforme fiscale, une loi pour la régulation des prix à la consommation ?
Nuihau Laurey : Cette loi sur la concurrence est l’un des nombreux serpents de mer qui naviguent depuis des années au sein des gouvernements qui se sont succédé. Nous travaillons sur un projet de texte qui est aujourd’hui bien avancé. Le gouvernement souhaite une loi sur la concurrence qui organise de manière équitable et efficace les relations entres les acteurs économiques. En ce sens, la loi devra prévoir la création d’une autorité administrative indépendante, dont le but premier sera de veiller au libre jeu de la concurrence en Polynésie française et de sanctionner les pratiques portant atteinte à la concurrence.
Vous attendez en année pleine 2,8 milliards de recettes supplémentaires liées au réaménagement de l’assiette de la CST. Quelle est la logique de cet ajustement ?
Nuihau Laurey : Assurer la pérennité du régime de solidarité de la Polynésie française !
En sollicitant la quasi-totalité des salariés polynésiens, publics comme privés, nous sollicitons donc l’effort de tous à l’équilibre financier du RSPF.
Depuis 2008, l’Etat ne participe plus au financement de la solidarité, c’est le Pays en vertu de la convention qui le lie au RSPF qui doit en assurer l’équilibre par le versement d’une subvention de fin d’année. J’ai rappelé au début de cette interview quelle était la situation budgétaire du Pays qui ne peut plus, seul, assurer cet équilibre.
Pour autant, comme je l’ai expliqué précédemment, pour donner de la cohérence à cet effort contributif supplémentaire des salariés, nous allons créer un compte d’affectation spéciale pour l’accès et l’emploi et de lutte contre la pauvreté. Ce compte permettra de gérer de manière cohérente l’ensemble des dispositifs visant au financement du RSPF, à favoriser l’accès à l’emploi, et à lutter contre la pauvreté.
Je tiens à préciser que cet effort contributif supplémentaire nous semble modéré, mesuré. En effet à titre d’exemple, il s’élèvera à 500 francs sur un salaire de 200 000 Fcfp mensuel, à 3 250 francs pour un salaire de 400 000 Fcfp et ainsi de manière progressive en fonction du salaire.
Les mesures annoncées en faveur des entreprises (réduction du taux de l’impôt sur les sociétés ; plafond à 5 millions de CA annuel pour les TPE), vous apparaissent-elles suffisantes pour relancer l’activité économique ?
Nuihau Laurey : Ces mesures constituent un véritable soutien à l’initiative privée mais ce sont les ressources financières résultant de cette réforme de la fiscalité qui permettront à notre Pays de financer ces investissements et ainsi de redonner de l’activité et surtout un ballon d’oxygène à nos entreprises.
Je l’ai dit, le projet de réforme fiscale se veut cohérent et équilibré et doit être mis en perspective avec des mesures à portée économique, dont certaines sont déjà prises (j’ai cité celle de la loi en faveur du bâtiment), et d’autres qui seront présentées d’ici la fin de l’année.
Dès lors, cet équilibre trouve notamment ses bases sur ces mesures en faveur des TPE qui verront leur procédure administrative simplifiée pour celles assujetties à l’impôt sur les transactions et dont le chiffre d’affaires annuel se situe entre 2 et 5 millions. Le dispositif existant, s’il avait le mérite d’exister n’était pas suffisamment ambitieux. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Il faut être ambitieux et lucide, courageux et réaliste. C’est à mon sens ce que traduit cette réforme.
Ainsi, ce sont désormais près des 2/3 des sociétés à l’impôt sur les transactions qui sont concernées par l’élargissement de cette mesure, soit près de 7 000 entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires de près de 10,6 milliards. Celles dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 2 millions continueront d’acquitter un montant forfaitaire libératoire de tous impôts et taxes de 25 000 francs par an.
Celles dont le chiffre d’annuel est compris entre 2 et 5 millions Fcfp, continueront de remplir leurs obligations en matière de TVA mais acquitteront un montant forfaitaire libératoire de tous autres impôts et taxes de 45 000 francs par an.
Ce sont ces petites entreprises qui constituent le cœur de notre tissu économique, créatrices d’emplois, il nous a donc semblé opportun de nous appuyer sur ces dernières, de les accompagner à soutenir la reprise économique.
Dans le même ordre d’idée, cette réforme fiscale étend de un à deux exercices l’exonération d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur les transactions dans le cadre de la création d’une nouvelle société. Cette mesure contribue ainsi de manière efficace et soutenue à favoriser l’initiative privée, la création d’entreprises et donc d’emplois.
Elle procède d’ailleurs de la même logique que celle ayant prévalu à la baisse des taux de l’impôt sur les sociétés de 5 points (les tranches du barème passent ainsi de 30%-40% à 25%-35%) soit une baisse d’impôt allant de 12% et 17%. Une mesure, annoncée pour la durée de la présente mandature, qui concerne cette fois les 2 300 entreprises émargeant à l’IS en 2012 auprès de la DICP.
En résumé, ces mesures jettent les bases saines et stimulantes d’un accompagnement de nos entreprises vers le chemin de la reprise économique.
Vous annoncez "par souci de transparence" la création de deux fonds spéciaux, pour « l’investissement et la garantie de la dette » et pour « la lutte contre la pauvreté et l’accès à l’emploi ». Dans quelle mesure seront-ils alimentés par les recettes fiscales nouvelles attendues de cette réforme ?
Nuihau Laurey : L’ensemble des taxes affectées jusqu’alors au RSPF seront désormais affectées à un compte d’affectation spéciale pour l’emploi et la lutte contre la pauvreté. Ce compte permettra de gérer de manière transparente et cohérente l’ensemble des dispositifs visant au financement du RSPF, à favoriser l’accès à l’emploi et à lutter contre la pauvreté. Il permettra ainsi à tout un chacun de voir clairement comment son effort contributif supplémentaire participe à la survie du RSPF.
Par ailleurs, un certain nombre d’impôts et de taxes seront affectés à un compte d’affectation spéciale dit «fonds de l’investissement et de garantie de la dette». L’objectif est de redonner confiance aux bailleurs de fonds de la Polynésie française et de permettre à notre Pays de disposer des ressources pour investir dans son développement futur.
Un mot sur la "défiscalisation locale". Plusieurs secteurs ne seront bientôt plus éligibles dont notamment ceux du «logement intermédiaire», «transport terrestre en commun», «culture» …. Qu’est-ce qui a guidé le choix du gouvernement ?
Nuihau Laurey : Pour dire les choses clairement et sans langue de bois : la question était bien plus large que cela concernant la défiscalisation ! En effet, fort du contexte national sur la pérennité même de la défiscalisation métropolitaine, la question s’est également posée localement de la suppression pure et simple de la défiscalisation locale compte tenu de son coût pour les finances publiques.
Le gouvernement a fait le choix courageux de conserver ce dispositif compte tenu de son impact en matière d’investissement. Mais nous avons fait le choix de le recentrer tant au niveau de l’aide octroyée aux projets qu’au niveau des secteurs éligibles. La défiscalisation constitue un important levier de politique économique. Il permet en effet de canaliser les capacités de financement des secteurs à forte rentabilité vers les secteurs dont l’attrait financier à court terme n’est pas suffisant pour attirer les investisseurs privés mais sur lesquels le Pays entend bâtir son développement économique.
Dès lors, les secteurs qui ont été supprimés sont des secteurs pour lesquels, soit aucun projet n’a jamais été présenté, soit qu’ils ne constituent plus un intérêt économique avéré compte tenu de la crise que nous traversons actuellement.
Un mot sur le secteur du logement. La raréfaction de la matière fiscale disponible à la défiscalisation, conjuguée aux contraintes budgétaires du Pays limite désormais son champ d’action au secteur de la construction de logement dit à loyer modéré. Il s’agit ainsi, pour compenser la diminution de l’aide octroyée par le Pays à ces projets d’élargir le champ des ayants-droits potentiels en relevant le critère d’éligibilité de 3 à 4 SMIG brut mensuel par ménages. Cela contribuera à consolider la commercialisation des logements et donc à soutenir la relance économique par le secteur du bâtiment.