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Hinatea Penilla Marere, une vie à l’équilibre


TAHITI, le 28 décembre 2022 - Championne de France 2022 d’apnée dynamique monopalme, Hinatea Penilla Marere s’est fait une place dans le milieu. Pour autant, elle n’a pas atteint tous ses objectifs. Elle vise d’autres titres, rêve de records tout en envisageant de reprendre la compétition en breakdance. Elle pratique assidûment l’apnée et la dance, deux disciplines qui sont pour elle complémentaires.

Le titre de championne de France d’apnée dynamique monopalme décroché Hinatea Penilla Marere en mai 2022 à Belgrade est une fierté. C’est le fruit de très nombreuses heures d’entraînement qu’elle a effectuées en parallèle de sa vie professionnelle. Hinatea Penilla Marere est en effet professeure de danse. Elle donne des cours tous les jours. “C’est vrai que j’ai des semaines chargées”, reconnaît-elle. Et ce n’est pas près de s’arrêter. Elle promet de tout donner pour le spectacle de fin d’année de son école de danse, elle se prépare à de nouvelles performances en apnée et envisage, en plus, la reprise de la compétition en breakdance. C’est dans cette organisation qu’elle trouve son équilibre.

Il y a 35 ans, à Tahiti…

Hinatea Penilla Marere est née à Papeete en 1987. Elle a grandi entre Tahiti et Moorea, entre le foyer de son père et celui de sa mère, séparés. Elle a suivi sa scolarité en partie sur les deux îles. Au lycée –elle a étudié à Gauguin– elle avait déjà une idée précise de la nature des études qu’elle voulait suivre. “Comme maman, prof de danse et d’EPS”, précise-t-elle. Pour cela, il lui fallait partir en métropole et s’inscrire en Licence de sciences et techniques des activités physiques et sportives. Elle a obtenu un baccalauréat littéraire, choisi un point de chute en France, “une ville ensoleillée, près de la mer” et a pris la direction de Nice.

Avec sa licence, elle a tenté l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM devenu depuis INSPE) “mais ça n’est pas passé. Je me suis rendu compte que si je voulais continuer à danser, je devais choisir une autre voie. D’autant que je commençais à percer dans le break.” Elle commençait également à faire de plus en plus de remplacements en tant que professeure de danse non pas dans des établissements scolaires mais dans diverses associations. Elle a mis un terme à ses études, au désespoir de sa mère.


Un sport artistique

Hinatea Penilla Marere a débuté la danse très jeune avec sa mère. Elle a fait d’abord du classique et du jazz puis s’est spécialisée, une fois adolescente, en hip hop et en breakdance. “J’aime le fait que cette pratique soit à la fois un sport et un art, c’est très complet.” Hip hop et breakdance sont deux disciplines différentes. “Vous savez ce qui les distingue ?”, interroge Hinatea Penilla Marere qui apporte sans attendre la réponse. Le hip hop est une grande famille qui comprend plusieurs styles se pratiquant “plutôt debout”. Le breakdance se fait “plutôt au sol, c’est plus acrobatique”. La définition est schématique, mais efficace. Elle ajoute, enthousiaste, “le breakdance vient d’être admis aux Jeux Olympiques, on va pouvoir être représentés en 2024 !”

Pendant ses études en France, elle a continué à danser. Elle a pour habitude de participer à des battles, en un contre un. Entre 2008 et 2014, elle a fait de nombreuses compétitions, beaucoup avaient lieu en France, un peu à l’étranger. En 2013, elle a décroché le titre de vice-championne de France à la compétition Breaking française cent pour cent féminine, la B-Girl. Puis, en 2015, sa vie a pris un tournant.

Apnée : la rencontre

À l’âge de 28 ans, Hinatea Penilla Marere a cherché une activité supplémentaire. “Quelque chose de plus tourné vers l’extérieur et de plus proche de la nature.” L’apnée s’est présentée “tout naturellement”. Petite, elle en faisait. Elle vivait à Temae, proche de l’eau. Elle allait surfer, s’amusait à aller chercher les ancres, toucher le sable. “C’était un jeu.” Il n’y avait pas de cours d’apnée. À Nice, elle s’est mise en quête d’une structure pour pratiquer cette discipline. Elle a rapidement trouvé. “On a l’un des meilleurs spots et l’un des meilleurs clubs de France, voire du monde !” Il s’agit du Centre international de plongée en apnée, le Cipa, que des athlètes comme Guillaume Nery, Arthur Guérin-Boëri ou encore Loïc Leferme ont fréquenté.

Sans attendre, Hinatea Penilla Marere s’est inscrite pour des cours en piscine et en mer. “En piscine, on fait de l’apnée dynamique en faisant le maximum de longueurs, en mer, dans la rade de Villefranche-sur-Mer, on descend en profondeur à l’aide de palmes ou se tractant le long du câble à l’aide des bras.” Elle a pratiqué de l’apnée statique, au début, mais s’est concentrée rapidement vers l’apnée dynamique. “Je n’ai pas le temps de tout faire.”

Ce qu’elle apprécie avec l’apnée, c’est “le calme, le voyage intérieur que permet la pratique, c’est presque méditatif”. Elle rappelle que sous l’eau, en pleine performance, les athlètes ont les yeux fermés. “On va chercher les sensations à l’intérieur de soi, on ne descend pas pour observer l’environnement.” L’apnée est à l’opposé de ce qu’elle trouve lorsqu’elle danse. “C’est plus serein, reposant, tranquille.” En mer surtout, car en piscine l’apnée est plus “physique” et “engagée”. Mais cela reste tout à fait complémentaire. “C’est ainsi que je trouve mon équilibre.”


Premières compétitions

Deux fédérations permettent la pratique de l’apnée et organisent des compétitions. La Fédération française d’études et de sports sous-marins (FFESSM) et l’Association internationale pour le développement de l’apnée (AIDA). Hinatea Penilla Marere a fait ses premières compétitions en mer en 2017 avec l’AIDA mais a, depuis, aussi été inscrite à la FFESSM. Elle a été sélectionnée pour les championnats du monde en 2017 en catégorie espoir. “C’est une catégorie qui permet à ceux qui n’ont pas un niveau professionnel de se lancer, les minima sont abordables.” Il lui fallait, pour intégrer l’équipe de France, réaliser 30 mètres au moins en apnée avec brasse.

Elle s’est entraînée au Cipa ainsi qu’à Tahiti et Moorea. “Je rentre tous les ans en juillet-août.” Elle en profite. Elle fait des sorties avec Lili Kumbaka à Paea qui allie apnée et yoga, elle a pu également recevoir sur le territoire les précieux conseils de Denis Gromaire, “ce qui m’a permis de pas mal progresser !” Fin 2017, Hinatea Penilla Marere était à Roatan dans les Caraïbes pour sa première compétition. Elle n’a pu obtenir un “super classement”, elle a fait 40 mètres de distance le jour J contre 42 mètres lors des entraînements, mais c’était “une super expérience”. En 2018, toujours avec l’AIDA, elle a pu participer à sa première compétition en piscine, à Belgrade. Sans résultat. Elle a tenté de se qualifier pour les championnats du monde de l’apnée en profondeur en mer en 2019 mais n’a pas été retenue. Cette compétition avait lieu à Villefranche-sur-Mer. “Je me suis dit ‘essaie d’être apnéiste sécurité pour cette occasion’ !” Ce qu’elle a fait, profitant au passage d’une formation avec Pierre Frolla, recordman du monde en apnée. En septembre 2019, Hinatea Penilla Marere a bien participé aux championnats du monde en tant qu’apnéiste de sécurité. Elle descendait à la rencontre des athlètes à 35 mètres puis les accompagnaient jusqu’à la surface.

Pour elle, comme pour tout le monde ou presque, 2020 et une partie de 2021, ont été des années blanches. “Nous avons tout de même réussi à obtenir le statut de sportif de haut niveau et avons donc pu continuer à nous entraîner en piscine.” Les conditions, pour les athlètes, ont été exceptionnelles. Hinatea Penilla Marere a réussi, à l’issue, à être sélectionnée en équipe de France avec la FFESSM. En juin 2021, à Belgrade, elle est arrivée 7e mondiale en apnée dynamique sans palme avec une distance de 154 mètres et 8e mondiale en apnée dynamique monopalme avec une distance de 211 mètres. En mai 2022, en revanche, les résultats ont été au rendez-vous. L’athlète a décroché le titre de championne de France avec 214 mètres en apnée dynamique monopalme. Une distance parcourue en 3 minutes et 30 secondes. En apnée dynamique sans palme, elle a tout de même parcouru une distance de 166 mètres, ce qui l’a classée 4e. Elle était au pied du podium, mais derrière les trois premières, “trois monstres”.

“Je suis sur le coup”

Aujourd’hui, Hinatea Penilla Marere rêve de battre des records nationaux en monopalme et sans palme, voire en bipalme. Une discipline avec laquelle elle se familiarise depuis une petite année. Le rêve n’est pas inaccessible, mais “lors des derniers championnats du monde, les Françaises ont tout explosé”. Elles ont relevé les distances d’une bonne dizaine de mètres. En monopalme, il est de 240 mètres, en bipalmes, il est de 234 mètres. Sans palme, je l’ai raté de très peu, “j’étais un peu dégoutée, mais je suis sur le coup”. Elle aimerait aussi faire partie à nouveau de l’équipe de France de la FFESSM. Les minima ont été revus à la hausse. Un nouveau challenge se présente, un de plus. Si Hinatea Penilla Marere manque sans doute de temps pour assouvir toutes ses passions, elle ne manque jamais de volonté et de constance. Elle répondra présent pour relever ses défis personnels sans pour autant mettre de côté ses élèves auprès desquels elle reste très investie. Elle parle déjà du spectacle de danse qu’elle proposera en juin prochain. “Cela reste une des dates les plus importantes de l’année pour moi.”

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 28 Décembre 2022 à 21:53 | Lu 3265 fois