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France: le gouvernement maintient le cap malgré la dégradation de la note souveraine par S&P


Crédit EMMANUEL DUNAND / AFP
Crédit EMMANUEL DUNAND / AFP
Paris, France | AFP | samedi 01/06/2024 - A huit jours des élections européennes, l'exécutif français maintient samedi le cap de sa politique, excluant toute "austérité", au lendemain de la dégradation de la note souveraine du pays par S&P Global Ratings, qui relance le débat sur les moyens de réduire le déficit public. 

La note est passée du troisième cran "AA" au quatrième "AA-", l'agence de notation américaine s'attendant à ce que la dette publique française en proportion du PIB (Produit intérieur brut) "augmente en raison des déficits plus importants que prévus en 2023-2027", avec l'année dernière un déficit "nettement plus élevé" que prévu. 

S&P ne croit pas que le déficit sera ramené à 3% du PIB - dans les clous européens - en 2027, comme le gouvernement le prévoit, et prévoit 3,5% du PIB à cette date.

Pour "revenir à des finances publiques saines", le gouvernement va "poursuivre exactement dans la même voie sans accélérer ni ralentir", a réagi samedi le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire dans une vidéo sur YouTube.

"Il n'y aura pas de rigueur, il n'y aura pas d'austérité", a-t-il dit.

- Le prix du "sauvetage" de l'économie -
Sur BFMTV, il a ensuite fermement exclu toute hausse d'impôts en 2025, sur la ligne tenue par le chef de l'Etat  Emmanuel Macron. Le ministre souligne à l'inverse la nécessité de réduire les plus de 450 milliards d'euros de dépenses annuelles de l'Etat.

Il a mis en avant les 10 milliards d'euros d'économies dans les dépenses de l’État décidées début 2024, et sa volonté de trouver 10 mds de coupes supplémentaires dans l'année. 

Mais pour S&P, en l'état, "les réformes ne seront pas suffisantes pour permettre au pays d'atteindre ses objectifs budgétaires". 

Le déficit public a dérapé en 2023 à 5,5% du PIB au lieu de 4,9% attendus. Le risque de dégradation de la note souveraine - qui évalue la capacité d'un pays à payer ses dettes - planait depuis plusieurs trimestres, la précédente note "AA" étant assortie depuis décembre 2022 d'une "perspective négative". 

Dès vendredi, Bruno Le Maire, en poste depuis sept ans, avait affirmé que les dépenses et le creusement des déficits face au Covid et à l'envolée des prix de l'énergie avaient permis de sauver l'économie française. 

"Si aujourd'hui nous avons un niveau de dette élevé, c'est pourquoi? C'est parce que j'ai sauvé l'économie française", a-t-il répété samedi. 

Mais ce "quoi qu'il en coûte" n'a pas été exclusif à la France. Tous les pays européens ont dû intervenir pour gérer les crises de la décennie 2020, observe le directeur des études économiques à l'IESEG School of Management Eric Dor.  

"Cela n'a pas empêché la plupart d'entre eux de finalement arriver quand même à améliorer leurs performances de finances publiques", relève-t-il, citant l'Espagne et le Portugal, cependant moins bien classés par S&P que la France.

- "Incertitude" politique -
Sans majorité absolue au Parlement, le gouvernement français est confronté à l'exercice difficile de devoir trouver des compromis avec les oppositions. 

S&P a d'ailleurs relevé "l'incertitude sur la capacité du gouvernement à continuer à mettre en œuvre des politiques" du fait de la "fragmentation politique" en France.

A l'approche du scrutin européen, qui se tiendra le 9 juin en France, toutes les figures de l'opposition ont sévèrement taclé l'exécutif, de la gauche radicale des Insoumis à la cheffe des députés du Rassemblement national (extrême droite) Marine Le Pen. 

"Ce n'est pas une bonne nouvelle pour l’image de la France", a aussi réagi le Medef, l'organisation patronale, pour qui "la maîtrise des dépenses publiques courantes et la stimulation de l'activité économique sont plus que jamais nécessaires". 

La sanction de S&P fait décrocher la France du groupe composé notamment de la Belgique et du Royaume-Uni. 

Mais cette dégradation "ne devrait pas avoir de conséquences économiques notables", estime dans une note l'économiste d'Asterès Sylvain Bersinger, pour qui le juge de paix reste le taux d'emprunt d'un Etat sur les marchés.

Le risque inhérent à une rétrogradation est un mouvement de défiance des investisseurs et un alourdissement de la charge de la dette.

Avec un double A même assorti d'un signe moins, la capacité de la France à honorer les échéances de sa dette reste "très forte" selon les critères de S&P, qui note la France depuis 1975. 

C'est la première agence à avoir retiré à l'Hexagone en 2012 son emblématique "triple A", la meilleure note, symbole d'une excellente gestion, dont un petit cercle bénéficie encore, dont l'Allemagne et l'Australie.

En avril, les deux autres principales agences internationales, Moody's et Fitch, avaient maintenu la note française.

le Dimanche 2 Juin 2024 à 07:30 | Lu 292 fois