Lucie Tiffenat, secrétaire générale du syndicat des salariés Otahi prévient : " Il y a encore des choses à faire ! "
Tahiti, le 20 novembre 2024 - Le nouveau projet de loi relatif au statut de marin pêcheur a été accueilli favorablement par le Cesec, mercredi. Une bonne nouvelle pour le secteur de la pêche et ses acteurs qui n'ont pas vu leur statut évoluer depuis 2013. “Une avancée sociale majeure” selon le syndicat Otahi mais qui attend néanmoins d'autres évolutions, notamment sur la représentation du personnel embarqué et le licenciement économique.
Institué pour la première fois par la loi de Pays de 2013, le statut de marin pêcheur n'a depuis jamais évolué. Régime dérogatoire au droit commun du travail et de la protection sociale, ce dernier attend depuis plusieurs années d'être remanié afin de répondre davantage aux réalités du métier. Car si ce statut a effectivement permis d'importants progrès pour la filière hauturière en terme de contractualisation, de professionnalisation et d'amélioration des conditions de travail, il demeure peu attractif.
En effet, si la filière compte aujourd'hui plus de 470 salariés déclarés annuellement à la CPS, l'impact du dispositif sur la fidélisation des équipages reste modéré. Les salariés préférent se tourner vers d'autres secteurs d'emploi, plus protecteurs ou rémunérateurs. Une problématique pour le pays au vu de l'importance du secteur pour la Polynésie française, tant historiquement qu'économiquement. Invités à la table des discussions depuis plus d'un an, employeurs, employés et Pays sont aujourd'hui parvenus à un consensus : un nouveau projet de loi relatif au statut de marin pêcheur pour l’examen duquel le Cesec était saisi en urgence ce mercredi.
Des évolutions majeures
Les premières avancées proposées par ce projet de loi suggèrent une modification du code du travail, à commencer par les conditions d'exercice. En effet, dans un premier temps, le projet de loi compte étendre la période d'essai applicable aux marins pêcheurs à 120 jours calendaires répartis sur 6 mois, contre 60 jours répartis sur 3 mois actuellement. L'objectif : s'assurer des capacités des candidats pour la profession. À ce titre, le Cesec recommande que l'application 'Ihitai permette de lister les marins titulaires des diplômes et formations nécessaires, ceux disponibles à l'embarquement, et ce afin de faciliter leur embauche à l'issue d'une formation initiale.
Le nouveau projet de loi invite également les employeurs à permettre la mise à disposition d'un salarié d'une entreprise au bénéfice d'une autre lorsque ce dernier ne peut plus exercer à bord de son navire habituel (exemple : fin d'une campagne de pêche, immobilisation technique du navire, etc.), et ce, quels que soient le type, la durée du contrat et les fonctions exercées au sein de l'entreprise initiale. À l'heure actuelle, seuls les salariés sous contrat à durée indéterminée sont autorisés à le faire. Et enfin, le projet de loi compte imposer aux employeurs concernés du secteur de la pêche hauturière de cotiser à la formation professionnelle de leurs salariés afin de leur permettre d'accéder à des emplois supérieurs et notamment à ceux de capitaines dont le manque est avéré en Polynésie française.
Si jusqu'à présent les congés n'entrainaient qu'une indemnisation très faible et peu incitative, le nouveau projet de loi compte bien y remédier, proposant que les congés pris soient indemnisés selon un pourcentage défini proportionnellement à un barème correspondant à la rémunération moyenne de chaque catégorie : 5.773 francs par jour pour un marin pêcheur, 6.667 francs/jour pour un mécanicien et 10.000 francs/jour pour un capitaine. “Pour nous, c'est une avancée sociale majeure pour les salariés”, se réjouit Lucie Tiffenat, secrétaire générale du syndicat de salariés Otahi. “Les congés c'est 35 jours par an mais les pêcheurs ne les prennent pas, ce qui les rend sujets à de nombreux risques et ce n'est pas tolérable. Avec ce projet de loi, cette dépense sera portée par les armateurs désormais et ça change tout. De plus, les marins pêcheurs pourront enfin bénéficier des congés pour événements familiaux. Chose qui n'est pas possible aujourd'hui en raison du code du travail puisque ces 8 jours doivent être pris autour du jour de l'événement, et si les marins sont en mer pour une campagne de pêche ils ne peuvent pas les récupérer.”
Rétablir la criée
Si la rémunération du marin pêcheur devrait, selon le nouveau projet de loi, être plus transparente, le Cesec suggère néanmoins de rétablir la criée. L'institution relève en effet que la rémunération des marins pêcheurs est liée au prix des poissons pêchés et vendus une fois à terre, chose qui, depuis la disparition de la criée, s'avère être un facteur de diminution des prix. “Rétablir la criée est une demande de l'ensemble des acteurs du secteur”, assure Ariipeu Raufea, président de la Coopérative maritime des producteurs de pêche hauturière de la Polynésie française. “Je pense que c'est nécessaire pour avoir une meilleure vision sur le prix de base, que ce soit sur le marché local ou à l'export. Cela permettrait aussi d'atteindre un certain niveau d'exigence : on se remettrait en question vis-à-vis de la qualité des produits qui sortent des cales à poisson.” La vente à la criée permettant bien souvent d'élever le prix du poisson, les marins pêcheurs seront mieux payés. “Grâce à ce statut, beaucoup de choses vont changer dans la vie des marins pêcheurs. Ils seront mieux rémunérés donc ils pourront prendre des congés. Ils auront, on l’espère, une meilleure retraite et une meilleure couverture sociale.”
La difficile question des cotisations sociales
Après 12 ans de soutien du Pays dans la prise en charge – de manière dégressive – d'une partie des cotisations des marins pêcheurs, le constat est sans appel : l'application du droit commun aux marins pêcheurs serait préjudiciable tant aux salariés qu'aux employeurs puisqu'elle induirait une hausse conséquente des cotisations, ce qui impliquerait un impact certain sur les prix de vente des poissons et donc sur le coût de la vie. C'est pourquoi, les différents partis ont décidé de modifier l'assiette des cotisations et d'asseoir ces dernières sur la rémunération perçue par le salarié dans la limite de plafonds respectivement fixés à 200.000, 300.000 et 400.000 francs selon l'emploi exercé. Le Pays devant, quant à lui, continuer à accompagner de manière dégressive les cotisations dues par les revenus dépassant le Smig, et ce jusqu'au 31 décembre 2034.
Et enfin, si l'ensemble des partis a réussi l'exploit d'arriver à un consensus, le syndicat de salariés Otahi prévient : “Il y a encore des choses à faire, que ce soit sur la retraite, le licenciement économique ou sur la représentativité salariale au sein des thoniers par exemple. Actuellement, les textes exigent onze membres d'équipage afin d'élire un délégué de bord alors qu'ils ne sont que cinq aujourd'hui par équipage. Ce n'est pas tolérable et ce sera d'ailleurs notre prochain combat.”
Institué pour la première fois par la loi de Pays de 2013, le statut de marin pêcheur n'a depuis jamais évolué. Régime dérogatoire au droit commun du travail et de la protection sociale, ce dernier attend depuis plusieurs années d'être remanié afin de répondre davantage aux réalités du métier. Car si ce statut a effectivement permis d'importants progrès pour la filière hauturière en terme de contractualisation, de professionnalisation et d'amélioration des conditions de travail, il demeure peu attractif.
En effet, si la filière compte aujourd'hui plus de 470 salariés déclarés annuellement à la CPS, l'impact du dispositif sur la fidélisation des équipages reste modéré. Les salariés préférent se tourner vers d'autres secteurs d'emploi, plus protecteurs ou rémunérateurs. Une problématique pour le pays au vu de l'importance du secteur pour la Polynésie française, tant historiquement qu'économiquement. Invités à la table des discussions depuis plus d'un an, employeurs, employés et Pays sont aujourd'hui parvenus à un consensus : un nouveau projet de loi relatif au statut de marin pêcheur pour l’examen duquel le Cesec était saisi en urgence ce mercredi.
Des évolutions majeures
Les premières avancées proposées par ce projet de loi suggèrent une modification du code du travail, à commencer par les conditions d'exercice. En effet, dans un premier temps, le projet de loi compte étendre la période d'essai applicable aux marins pêcheurs à 120 jours calendaires répartis sur 6 mois, contre 60 jours répartis sur 3 mois actuellement. L'objectif : s'assurer des capacités des candidats pour la profession. À ce titre, le Cesec recommande que l'application 'Ihitai permette de lister les marins titulaires des diplômes et formations nécessaires, ceux disponibles à l'embarquement, et ce afin de faciliter leur embauche à l'issue d'une formation initiale.
Le nouveau projet de loi invite également les employeurs à permettre la mise à disposition d'un salarié d'une entreprise au bénéfice d'une autre lorsque ce dernier ne peut plus exercer à bord de son navire habituel (exemple : fin d'une campagne de pêche, immobilisation technique du navire, etc.), et ce, quels que soient le type, la durée du contrat et les fonctions exercées au sein de l'entreprise initiale. À l'heure actuelle, seuls les salariés sous contrat à durée indéterminée sont autorisés à le faire. Et enfin, le projet de loi compte imposer aux employeurs concernés du secteur de la pêche hauturière de cotiser à la formation professionnelle de leurs salariés afin de leur permettre d'accéder à des emplois supérieurs et notamment à ceux de capitaines dont le manque est avéré en Polynésie française.
Si jusqu'à présent les congés n'entrainaient qu'une indemnisation très faible et peu incitative, le nouveau projet de loi compte bien y remédier, proposant que les congés pris soient indemnisés selon un pourcentage défini proportionnellement à un barème correspondant à la rémunération moyenne de chaque catégorie : 5.773 francs par jour pour un marin pêcheur, 6.667 francs/jour pour un mécanicien et 10.000 francs/jour pour un capitaine. “Pour nous, c'est une avancée sociale majeure pour les salariés”, se réjouit Lucie Tiffenat, secrétaire générale du syndicat de salariés Otahi. “Les congés c'est 35 jours par an mais les pêcheurs ne les prennent pas, ce qui les rend sujets à de nombreux risques et ce n'est pas tolérable. Avec ce projet de loi, cette dépense sera portée par les armateurs désormais et ça change tout. De plus, les marins pêcheurs pourront enfin bénéficier des congés pour événements familiaux. Chose qui n'est pas possible aujourd'hui en raison du code du travail puisque ces 8 jours doivent être pris autour du jour de l'événement, et si les marins sont en mer pour une campagne de pêche ils ne peuvent pas les récupérer.”
Rétablir la criée
Si la rémunération du marin pêcheur devrait, selon le nouveau projet de loi, être plus transparente, le Cesec suggère néanmoins de rétablir la criée. L'institution relève en effet que la rémunération des marins pêcheurs est liée au prix des poissons pêchés et vendus une fois à terre, chose qui, depuis la disparition de la criée, s'avère être un facteur de diminution des prix. “Rétablir la criée est une demande de l'ensemble des acteurs du secteur”, assure Ariipeu Raufea, président de la Coopérative maritime des producteurs de pêche hauturière de la Polynésie française. “Je pense que c'est nécessaire pour avoir une meilleure vision sur le prix de base, que ce soit sur le marché local ou à l'export. Cela permettrait aussi d'atteindre un certain niveau d'exigence : on se remettrait en question vis-à-vis de la qualité des produits qui sortent des cales à poisson.” La vente à la criée permettant bien souvent d'élever le prix du poisson, les marins pêcheurs seront mieux payés. “Grâce à ce statut, beaucoup de choses vont changer dans la vie des marins pêcheurs. Ils seront mieux rémunérés donc ils pourront prendre des congés. Ils auront, on l’espère, une meilleure retraite et une meilleure couverture sociale.”
La difficile question des cotisations sociales
Après 12 ans de soutien du Pays dans la prise en charge – de manière dégressive – d'une partie des cotisations des marins pêcheurs, le constat est sans appel : l'application du droit commun aux marins pêcheurs serait préjudiciable tant aux salariés qu'aux employeurs puisqu'elle induirait une hausse conséquente des cotisations, ce qui impliquerait un impact certain sur les prix de vente des poissons et donc sur le coût de la vie. C'est pourquoi, les différents partis ont décidé de modifier l'assiette des cotisations et d'asseoir ces dernières sur la rémunération perçue par le salarié dans la limite de plafonds respectivement fixés à 200.000, 300.000 et 400.000 francs selon l'emploi exercé. Le Pays devant, quant à lui, continuer à accompagner de manière dégressive les cotisations dues par les revenus dépassant le Smig, et ce jusqu'au 31 décembre 2034.
Et enfin, si l'ensemble des partis a réussi l'exploit d'arriver à un consensus, le syndicat de salariés Otahi prévient : “Il y a encore des choses à faire, que ce soit sur la retraite, le licenciement économique ou sur la représentativité salariale au sein des thoniers par exemple. Actuellement, les textes exigent onze membres d'équipage afin d'élire un délégué de bord alors qu'ils ne sont que cinq aujourd'hui par équipage. Ce n'est pas tolérable et ce sera d'ailleurs notre prochain combat.”