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Enfant fauché le soir du Réveillon à Taunoa : Le procès du chauffard repoussé


Me Gilles Jourdainne, avocat de l'automobiliste, explique la décision du tribunal aux proches du prévenu.
Me Gilles Jourdainne, avocat de l'automobiliste, explique la décision du tribunal aux proches du prévenu.
PAPEETE, le 23 janvier 2017 - L'automobiliste de 51 ans qui avait renversé et tué un garçon de 5 ans, le 31 décembre avenue Pomare V, devait être jugé ce lundi en comparution immédiate différée. Mais le tribunal s'est finalement dessaisi du dossier, estimant qu'un juge d'instruction devait être saisi pour mener des investigations complémentaires sur les circonstances exactes du drame. Le maintien en détention a été ordonné.


Le tribunal correctionnel a estimé, ce lundi, que l'affaire de l'accident mortel qui a endeuillé plusieurs familles du quartier Taunoa, le 31 décembre dernier en marge d'une cérémonie religieuse au temple protestant de l'avenue Pomare V, ne pouvait pas être jugée "en l'état" et nécessitait "un complément d'information" pour pouvoir apprécier l'exacte responsabilité du prévenu.

Le dossier a donc été renvoyé au parquet, charge au ministère public de le transmettre "dans la journée" (aujourd'hui lundi, Ndlr) à un juge d'instruction en vue de l'ouverture d'une information judiciaire. Le maintien en détention provisoire du chauffard de 51 ans a aussi été ordonné, une remise en liberté d'office étant toutefois de droit si le magistrat venait à ne pas être désigné dans les temps.

Le petit garçon surgit sur la route

Le 31 décembre dernier, peu avant 21 h, un petit garçon de 5 ans avait trouvé la mort, percuté par un automobiliste alors qu'il traversait l'avenue Pomare V pour rejoindre le temple après un détour par la voiture de sa maman, stationnée juste de l'autre côté de la route. Le chauffard, qui avait un taux d'alcoolémie de 0,44 mg/l de sang et reconnait qu'il avait consommé quatre ou cinq bières dans l'après-midi, avait pris le volant pour se réapprovisionner en alcool dans un magasin voisin. Originaire du quartier, qu'il connait bien, il affirme qu'il était maître de son véhicule, roulait aux alentours de 40 km/h, que l'enfant a surgi sur la route 5 mètres avant le passage piéton alors qu'il était masqué entre deux voitures, que l'accident était "inévitable".

Une version largement relayée par son avocat, Me Jourdainne, à l'origine de la demande de supplément d'information que lui a accordé le tribunal : "Il a demandé pardon, ses regrets sont sincères d'autant plus qu'il connait lui-même la douleur de perdre un enfant. Mais il reste un certain nombre d'investigations à mener. S'il roulait à 40 km/h et qu'il n'a pas eu le temps de freiner, alors c'est que l'enfant a surgi sous ses roues. L'éclairage public pose aussi question : il y a un candélabre mais pas d'ampoule. Le passage piéton se trouve dix mètres plus loin, c'est là qu'on est en droit de s'attendre à voir surgir quelqu'un, pas 5 mètres avant. Cet accident aurait pu arriver à n'importe quel conducteur".

L'avocat qui souhaite l'audition de témoins pour plus d'information sur le comportement de l'enfant, sa surveillance par ses proches, et des expertises pour confirmer que les dégâts constatés à l'avant droit du véhicule de son client sont bien les conséquences du choc avec l'enfant. Le propriétaire de la voiture, un neveu du prévenu, soutient que le pick-up était déjà accidenté avant le drame.

"Pas une fatalité", pour le parquet

Avant que le tribunal se dessaisisse du dossier et ordonne la saisie d'un juge d'instruction, le parquet avait eu le temps de requérir une peine de l'ordre de 48 mois de prison dont 12 mois avec sursis et mise à l'épreuve. Avec maintien en détention pour la partie ferme de la peine, soit 3 ans. Pour le procureur de la République Hervé Leroy, cet accident était en effet prévisible : "Ce n'est pas la faute à pas de chance, ce n'est pas une fatalité". Pour le représentant du ministère public, le chauffard, qui avait pris le volant après avoir bu, connaissait parfaitement le quartier et savait qu'on célébrait un office au temple en ce 31 décembre, qu'il y avait du monde, des enfants qui jouent, des voitures garées en bord de route et des personnes susceptibles d'en sortir. Pour Hervé Leroy, le prévenu ne s'est pas retrouvé face "à un cas de force majeur", l'enfant qui a surgi sur la chaussée "n'est pas la cause unique" de l'accident.

Poursuivi pour homicide involontaire aggravé, manquement aux obligations de prudence, défaut de maîtrise et défaut d'assurances, le prévenu encourt une peine maximale de 7 ans de prison. L'affaire ne devrait pas être jugée avant plusieurs semaines, le temps pour le juge de clore son enquête. Une satisfaction pour l'avocat de l'automobiliste qui s'était élevé dès le début contre la procédure rapide de comparution immédiate décidée par le parquet à l'encontre de son client : "Une politique pénale de l'exemple, un lynchage judiciaire et médiatique". Le prévenu, un père de famille travaillant dans le BTP, n'a qu'une seule condamnation à son casier judiciaire. Une conduite sous l'empire d'un état alcoolique datant de 2006. Il avait été placé en détention provisoire après l'accident.


Les proches, toujours dans la peine, n'oublient pas

La mère de la petite victime était toujours inconsolable ce lundi à l'audience. Trois semaines après le drame, les proches n'oublient pas. Une peluche est posée sur les lieux de l'accident.
La mère de la petite victime était toujours inconsolable ce lundi à l'audience. Trois semaines après le drame, les proches n'oublient pas. Une peluche est posée sur les lieux de l'accident.
Invitée à revenir sur les faits par le président du tribunal correctionnel, la maman de la petite victime, paquets de mouchoirs à la main, n'en a pas eu la force ce lundi. "C'est très douloureux pour elle", raconte son avocate, Me Hayoun. "Ce petit garçon a trouvé la mort dans des conditions horribles le soir du 31 décembre, dans les bras de sa mère, sous les yeux de sa grande sœur de 8 ans. La mère et la famille sont dévastées. Elle est agent d'entretien et travaillait en horaires décalés, deux taties s'occupaient de lui, c'est le vide dans leurs vies. Tout le monde a été impressionné par le bruit du choc, le comparant à un choc entre deux voitures. Je ne peux pas croire qu'il roulait à seulement 40 km/h". Le juge d'instruction devra aussi faire la lumière sur ce point.

Rédigé par Raphaël Pierre le Lundi 23 Janvier 2017 à 18:00 | Lu 3833 fois