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En Polynésie, 190 plaintes et 900 millions de Fcfp de fraude aux aides Covid


Tahiti, le 10 février 2023 – Suite à de très nombreux signalement émis par la Direction des finances publiques, le parquet de Papeete a ouvert 190 enquêtes portant sur des fraudes au système du Fonds de solidarité aux entreprises qui avait été instauré durant la pandémie pour empêcher un désastre économique. Ce sont ainsi 900 millions de Fcfp qui ont été versés à des patentés ou des petites entreprises auxquels il est aujourd'hui reproché d'avoir fait des déclarations mensongères pour obtenir ces fonds.

L'information était passé inaperçue mais cela fait plus d'un an que le parquet de Papeete s'intéresse, suite à des signalements émis fin 2021 par la Direction des finances publiques, aux conditions dans lesquelles des patentés ont bénéficié durant la pandémie du Fonds de solidarité aux entreprises (FSE). Pour rappel, ce dispositif du FSE avait été mis en place par l'État en avril 2020 pour éviter l'effondrement de l'activité économique alors que la Polynésie était touchée de plein fouet par la crise sanitaire liée à la pandémie. Il prévoyait notamment que les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) composées d'un effectif égal ou inférieur à dix salariés, et ayant un chiffre d'affaires inférieur à 120 millions de Fcfp, pouvaient bénéficier d'une aide mensuelle de l'État plafonnée à 180 000 Fcfp maximum pour pallier leur perte de chiffres d'affaires.

Or, si ce dispositif a, tel que le rappelait le président du tribunal mixte de commerce, Christophe Tissot, dans nos colonnes le 19 décembre dernier, permis d'“éviter la déroute” économique sur le territoire avec l'injection de 33 milliards de Fcfp, il aura également donné lieu à de nombreuses fraudes au fenua. Selon nos informations, le parquet de Papeete a en effet été saisi dès fin 2021 par la Direction des finances publiques qui a fait usage de l'article 40 du code de procédure pénale selon lequel “toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République”.
 
Une fraude qui s'étend sur tout le territoire
 
Avisé du fait que de nombreuses TPE ou PME avaient fait de fausses déclarations en vue d'obtenir le FSE, le parquet a donc ouvert, depuis début 2022, 190 enquêtes portant sur des faits de “déclaration fausse ou incomplète pour obtenir d'un organisme chargé d'une mission de service public une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu”. Patentés dans le domaine de la pêche ou l'artisanat, associations sportives : Les personnes visées par ces enquêtes sont soupçonnées d'avoir mentionné des chiffres d'affaires falsifiés ou d'avoir produit des déclarations d'impôts erronées. Sur les 190 enquêtes en cours, trois d'entre elles portent sur des personnes qui ont monté des dossiers pour le compte de prétendants au FSE et qui ont ensuite touché une rétribution lorsque le fonds a été attribué à leurs “clients”, ces derniers n'étant souvent pas au courant que leurs déclarations étaient erronées. L'une d'entre elles a traité pas moins de 50 dossiers. Le montant total des fraudes est actuellement évalué à 900 millions de Fcfp.

Selon nos informations, 90 des 189 dossiers portent sur des faits commis dans le grand Papeete, soit de Arue à Punaauia. Le reste correspond à des fonds alloués dans toute la Polynésie, des atolls des Tuamotu à l'archipel des Marquises. Il semble que ces fraudes aient été facilitées par les modalités même qui entouraient l'accès au FSE qui était uniquement basé sur du déclaratif. Le 5 décembre dernier, nos confrères de Polynésie la 1ère avaient d'ailleurs réalisé un reportage sur l'atoll de Kaukura où plusieurs patentés s'étaient vus rattrapés par la Direction des finances publiques après avoir perçu le FSE.

"Bonne foi"

Contacté mercredi, le directeur des finances publiques, Franck Blettery, rappelle que les fonds relatifs au FSE ont été versés durant la crise en “urgence” en quelques jours, afin de soutenir très rapidement les entreprises et que les “contrôles classiquement effectués lorsque l'État verse une aide ont été faits a posteriori”. Il explique également que la DGfip est particulièrement “regardante” sur les dossiers impliquant des “intermédiaires” puisque ces personnes ont perçu des “revenus” en jouant sur la “crédulité et la bonne foi” de gens qu'ils ont mis en difficulté. Des victimes collatérales qui doivent aujourd'hui rembourser les sommes perçues car elles n'étaient en réalité pas éligibles au FSE.

Si 11 200 entreprises du territoire ont bénéficié de cette aide Covid, 2000 d'entre elles ont perçu des sommes à tort. Sur plus de 33 milliards versés, la DFIP évalue le montant des sommes indûment versées à 10%, soit environ 3,3 milliards. Si ce chiffre peut paraître important, Franck Blettery insiste sur le fait qu'il ne faut pas y voir “une fraude caractérisée par un grand nombre d'entreprises polynésiennes”, compte tenu des “modalités de versement et de contrôles sur ces aides”. Il incite par ailleurs les entreprises en difficulté pour reverser des fonds indûment perçus à contacter la DGfip, qui fera un “examen au cas par cas” afin de “convenir de modalités de paiement adaptés à leur situation”.

Notons enfin que si les 190 enquêtes ouvertes suite aux signalements émis par la Direction des finances publiques ont été confiées aux brigades des différentes communes où ont eu lieu les fraudes, ce phénomène ne se limite bien évidemment pas à la Polynésie. En France métropolitaine, de nombreux fraudeurs ont en effet déjà été jugés. Le 8 janvier dernier, nos confrères de 20 minutes ont ainsi rapporté que 24 personnes poursuivies pour avoir indument touché le FSE avaient été à condamnées par le tribunal correctionnel de Rennes à rembourser les fonds, mais aussi à payer des amendes et à des peines de prison ferme ou avec sursis.
 

Rédigé par Garance Colbert le Mercredi 8 Février 2023 à 17:41 | Lu 4803 fois