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Dialogue de sourds entre le Pays et la Fraap


Tahiti, le 6 décembre 2024 – Les fonctionnaires du Pays affiliés à la Fraap sont bien entrés en grève ce vendredi matin. Ils se sont donné rendez-vous devant la présidence à 7 heures et se disent prêts à s'asseoir à la table des discussions uniquement si la question de leur revalorisation salariale est abordée. De son côté, le président du Pays qui a proposé de les voir à midi, les renvoie aux discussions de mars prochain et reste ferme sur un indice à 1.060 francs d'ici là. C'est non pour les grévistes qui semblent déterminés.
 
Ça paraît mal engagé. Chacun reste campé sur sa position, renvoyant la responsabilité de la situation à l'autre. La Fédération des agents de l'administration de Polynésie (Fraap) n'en démord pas : ils ne discuteront pas avec le Pays tant que le président ne voudra pas évoquer avec eux la revalorisation de leur point d'indice à hauteur de 40%. C'est LE point qui fâche et qui cristallise les tensions d'un côté comme de l'autre. Car pour le président du Pays, c'est un non ferme et définitif.
 
Debout sur le perron de la présidence avec la ministre de la Fonction publique, Vannina Crolas, Moetai Brotherson était prêt à les recevoir avant finalement d'être appelé par un “impératif” et de leur proposer un autre rendez-vous à midi. Mais hors de question pour lui de négocier sur ce fameux point d'indice. Il a martelé que ce sujet doit être l'objet des discussions qui se déroulent chaque année en mars sur ce point précis. Fermez le ban.
 
Un point d'indice réévalué trois fois ces dernières années
 
Ensuite, Moetai Brotherson, qui deux jours plus tôt disait pourtant que ses “prédécesseurs ne l'avaient pas fait” non plus, a tenu à tordre le cou à l'argument des fonctionnaires du Pays consistant à plaider pour un rattrapage de leur point d'indice qui n'a pas bougé depuis huit ans. Faux répond Moetai Brotherson : “À un moment donné, il faut être sérieux. 2016, 2022, 2023, contrairement à ce qu'ils disent, le point d'indice a été revalorisé trois fois ces dernières années. Je veux bien discuter mais il faut avoir des gens sérieux et responsables autour de la table.”
 
La ministre Vannina Crolas précise qu'il est passé de “1.015 à 1.030 francs en 2022, et de 1.030 à 1.060 en 2023” et que, quoiqu'il en soit, “les dispositions statutaires prévoient que le point d'indice doit être discuté avec l'ensemble des OS [organisations syndicales, NDLR], pas seulement une OS, et en fonction de la situation économique financière et sociale du Pays”.

​Dialogue de sourds

En face de la présidence, le rassemblement des fonctionnaires territoriaux grossit peu à peu. Interrogés sur cette position du président, le secrétaire général de la Fraap, Jean-Paul Urima, entouré de Gérard Barff (pompier instructeur), ou encore de Jean-Gabriel Rousseau des Transports terrestres sont tous sur la même longueur d'ondes. S'il ne veut pas lâcher sur le point d'indice, cela ne sert à rien de se voir : “Pourquoi il n'a pas discuté au mois de mars de cette année ? Il était au pouvoir”, rétorque Gérard Barff qui temporise par ailleurs sur les récentes augmentations de leur point d'indice : “Depuis 1996, où il était à 854 francs, on n’a eu une augmentation que de 24% jusqu'à aujourd'hui, donc on demande à rattraper le retard puisqu'en 2024, la cherté de la vie a explosé [...]. Bien sûr qu'il faut étaler. Mais ça, c'est dans les discussions et lui, il ne veut pas discuter. C'est lui qui ferme.”
 
C'est un véritable dialogue de sourds. Car pour Moetai Brotherson, c'est tout l'inverse : “Nous sommes ouverts au débat et au dialogue. Ceux qui sont fermés au débat et au dialogue, je crois qu'ils sont de l'autre côté de la grille.” Ambiance.
 
Concernant la cherté de la vie, le président a assuré que son gouvernement allait “s'occuper d'améliorer en priorité le pouvoir d'achat des catégories D”. Lui emboîtant le pas, sa ministre de la Fonction publique a indiqué qu'un projet de texte relatif à la revalorisation des grilles salariales de ces “petites catégories” est “prêt” et qu'il devrait être discuté au prochain conseil supérieur de la fonction publique avec l'ensemble des organisations syndicales. “Donc ils sont au courant que ce texte est dans les tuyaux.” “Merci”, répond Gérard Barff du bout des lèvres. “Et les autres catégories ? Ça veut dire que c'est des vaches à traire”, s'agace encore le représentant syndical.

Moetai Brotherson dénonce "une prise d'otages"

Leur mouvement a d'ailleurs été rejoint par les 400 fonctionnaires du Syndicat de la fonction publique (SFP) qui ont eux aussi déposé un préavis de grève ce mardi. Reçus ce jeudi soir à la présidence, ils n'ont rien signé non plus et soutiennent leurs collègues de la Fraap.
Du côté des pompiers des 43 aérodromes gérés par la Direction de l'aviation civile (DAC), “c'est 100% dans les îles, tout simplement”, a indiqué Jean-Paul Urima. Une “prise en otages des Polynésiens” qui “n'est pas acceptable” pour le président du Pays qui entend “saisir le haut-commissaire pour réquisitionner les pompiers”. Impossible lui répond Gérard Barff : “Les pompiers ne peuvent pas être réquisitionnés. On a signé un protocole d'accord de service minimum [avec un minimum de vols assurés, NDLR] en 2016 donc toutes les évasans, on les assure. Et il n'y aura pas de problème de rapatriement scolaire.”
 
Difficile d'entrevoir une sortie de crise. La grève débutée ce vendredi risque de se durcir, d'autant que même sur les 17 autres points de revendication, “tout n'est pas réglé”, selon la Fraap. Le président du Pays a enfin tenu à adresser un “message à ceux qui se sont fait embarquer dans cette grève” qui a démarré ce vendredi matin à 00h01. “J'espère qu'ils ont bien informé leurs membres adhérents que la règle des 30es s'appliquent. Donc même s'ils sortaient de grève aujourd'hui, c'est trois jours de grève qui sont décomptés”, prévient Moetai Brotherson qui ne s'y prendrait pas autrement s'il voulait jeter de l'huile sur le feu.
 
La présidence précise en fin de matinée ce vendredi, qu'“en complément des vols annulés jusqu'à lundi pour toutes les destinations sauf Bora Bora, Rangiroa, Raiatea et Tahiti, le Pays organise les charters scolaires et les évasans”, et que “concernant le fret de litchis”, très attendus pour Noël, “ils seront embarqués sous condition de place disponible en soute”.


Rédigé par Stéphanie Delorme le Vendredi 6 Décembre 2024 à 10:04 | Lu 4077 fois