Nairobi, Kenya | AFP | vendredi 01/09/2017 - La Cour suprême kényane a pris vendredi une décision historique inédite en Afrique, en invalidant la réélection du président sortant Uhuru Kenyatta lors du scrutin du 8 août et en ordonnant la tenue d'une nouvelle élection dans les deux mois.
Dès l'annulation pour "irrégularités" de la présidentielle par le président de la Cour suprême David Maraga, des scènes de liesse ont éclaté dans les bidonvilles de la capitale Nairobi et dans l'ouest du pays, des bastions de l'opposition.
"Pour la première fois, nous obtenons justice. Ils ont volé l'élection pendant si longtemps. Justice est rendue à +Baba+" (surnom de Raila Odinga, le candidat de l'opposition, ndlr), a lancé Lynette Akello, une vendeuse de poissons de Kisumu (ouest).
Candidat malheureux en 1997, 2007 et 2013, M. Odinga, 72 ans, a salué un jugement "historique". "Il est maintenant clair que personne au Kenya n'est au-dessus de la loi", s'est-il félicité.
"Personnellement, je suis en désaccord avec la décision qui a été prise aujourd'hui, mais je la respecte", a répondu le président Kenyatta dans une adresse à la Nation.
Tout en déplorant que "six personnes aient décidé d'aller contre la volonté du peuple", ce dernier a fait preuve d'une retenue rare sur un continent souvent traversé de violents soubresauts électoraux.
L'élection "n'a pas été conduite en accord avec la Constitution", et "les illégalités et irrégularités ont affecté l'intégrité" du scrutin, a déclaré M. Maraga, en énonçant le jugement de la Cour.
Il a ordonné à la Commission électorale (IEBC) d'organiser un nouveau scrutin dans un délai de 60 jours, comme l'exige la Constitution, après avoir observé qu'elle avait "échoué, négligé ou refusé" de conduire les élections conformément à la loi.
Raila Odinga a aussitôt mis la pression sur la Commission en affirmant n'avoir "aucune confiance" dans sa capacité à conduire une nouvelle élection. "Ces commissaires doivent partir. La plupart d'entre eux ont leur place en prison", a-t-il asséné.
Le président de l'IEBC, Wafula Chebukati, s'est dédouané d'avoir commis la moindre faute, ainsi que les six commissaires qui le secondent. Mais il a implicitement mis en cause le personnel administratif de la Commission.
M. Kenyatta n'a pas tardé à lancer les hostilités pour l'élection à venir, en improvisant un meeting dans une rue de Nairobi. Étonnamment gai et enjoué, il a prévenu qu'il était "prêt à batailler avec (ses) adversaires" et donné une idée de son futur angle d'attaque en qualifiant les juges d'"escrocs".
La décision, aussi dramatique qu'inattendue, a été rendue à la majorité. Deux juges sur un total de six - un étant absent pour cause de maladie - ont exprimé des opinions dissidentes. L'un d'entre eux a dénoncé l'absence de "preuves" avancées par l'opposition.
M. Kenyatta, 55 ans, élu pour la première fois en 2013, avait été proclamé vainqueur par l'IEBC le 11 août, avec 54,27% des voix contre 44,74% à M. Odinga. Dès le lendemain du scrutin, l'opposition avait dénoncé des fraudes et s'était résolue le 18 août à saisir la Cour suprême.
La juridiction jouait là une partie de sa crédibilité. En 2013, dans une autre composition, elle avait été critiquée pour la manière dont elle avait débouté M. Odinga, en usant d'une jurisprudence discutable et en multipliant les arguties procédurales.
Ce précédent avait incité M. Odinga à rejeter dans un premier temps l'idée d'un recours en justice. Avant que les pressions de certains poids lourds de sa coalition et de la communauté internationale le poussent à s'y ranger.
L'annonce de la victoire de M. Kenyatta s'était accompagnée de manifestations et d'émeutes violemment réprimées par la police, dans lesquelles au moins 21 personnes, dont un bébé et une fillette de neuf ans, avaient été tuées.
Le Kenya a une longue histoire d'élections dont le résultat a été contesté. En 2007-2008, M. Odinga avait rejeté la victoire de Mwai Kibaki, plongeant le pays dans les pires violences post-électorales de son histoire (plus de 1.100 morts et 600.000 déplacés).
Pour Murithi Mutiga, spécialiste du Kenya à l'International Crisis Group (ICG), la décision de la Cour suprême envoie cependant "un signal très, très fort que le Kenya gagne en maturité démocratique".
Une vingtaine de diplomates occidentaux, dont l'ambassadeur américain Robert Godec, ont salué un "moment important" pour le Kenya et appelé à une nouvelle élection "libre, équitable, crédible et pacifique".
Devant la Cour suprême, les avocats de l'opposition avaient argué que le scrutin présidentiel avait été "si mal conduit et entaché de tellement d'irrégularités qu'il importe peu de savoir qui a gagné ou qui a été déclaré vainqueur".
Ils avaient notamment pointé du doigt des procès-verbaux de bureaux de vote et circonscriptions, les seuls à faire légalement foi, non signés ou ne présentant pas les signes d'authentification prévus par l'IEBC.
Celle-ci avait reconnu quelques "erreurs humaines commises par inadvertance", mais les considérait comme trop marginales pour avoir influé sur le résultat global.
Les avocats de M. Kenyatta avaient eux estimé que le large écart de voix entre le président et son rival (plus de 1,4 million de voix) ne laissait planer aucun doute sur sa victoire.
Dès l'annulation pour "irrégularités" de la présidentielle par le président de la Cour suprême David Maraga, des scènes de liesse ont éclaté dans les bidonvilles de la capitale Nairobi et dans l'ouest du pays, des bastions de l'opposition.
"Pour la première fois, nous obtenons justice. Ils ont volé l'élection pendant si longtemps. Justice est rendue à +Baba+" (surnom de Raila Odinga, le candidat de l'opposition, ndlr), a lancé Lynette Akello, une vendeuse de poissons de Kisumu (ouest).
Candidat malheureux en 1997, 2007 et 2013, M. Odinga, 72 ans, a salué un jugement "historique". "Il est maintenant clair que personne au Kenya n'est au-dessus de la loi", s'est-il félicité.
"Personnellement, je suis en désaccord avec la décision qui a été prise aujourd'hui, mais je la respecte", a répondu le président Kenyatta dans une adresse à la Nation.
Tout en déplorant que "six personnes aient décidé d'aller contre la volonté du peuple", ce dernier a fait preuve d'une retenue rare sur un continent souvent traversé de violents soubresauts électoraux.
L'élection "n'a pas été conduite en accord avec la Constitution", et "les illégalités et irrégularités ont affecté l'intégrité" du scrutin, a déclaré M. Maraga, en énonçant le jugement de la Cour.
Il a ordonné à la Commission électorale (IEBC) d'organiser un nouveau scrutin dans un délai de 60 jours, comme l'exige la Constitution, après avoir observé qu'elle avait "échoué, négligé ou refusé" de conduire les élections conformément à la loi.
- Kenyatta 'prêt à batailler' -
Raila Odinga a aussitôt mis la pression sur la Commission en affirmant n'avoir "aucune confiance" dans sa capacité à conduire une nouvelle élection. "Ces commissaires doivent partir. La plupart d'entre eux ont leur place en prison", a-t-il asséné.
Le président de l'IEBC, Wafula Chebukati, s'est dédouané d'avoir commis la moindre faute, ainsi que les six commissaires qui le secondent. Mais il a implicitement mis en cause le personnel administratif de la Commission.
M. Kenyatta n'a pas tardé à lancer les hostilités pour l'élection à venir, en improvisant un meeting dans une rue de Nairobi. Étonnamment gai et enjoué, il a prévenu qu'il était "prêt à batailler avec (ses) adversaires" et donné une idée de son futur angle d'attaque en qualifiant les juges d'"escrocs".
La décision, aussi dramatique qu'inattendue, a été rendue à la majorité. Deux juges sur un total de six - un étant absent pour cause de maladie - ont exprimé des opinions dissidentes. L'un d'entre eux a dénoncé l'absence de "preuves" avancées par l'opposition.
M. Kenyatta, 55 ans, élu pour la première fois en 2013, avait été proclamé vainqueur par l'IEBC le 11 août, avec 54,27% des voix contre 44,74% à M. Odinga. Dès le lendemain du scrutin, l'opposition avait dénoncé des fraudes et s'était résolue le 18 août à saisir la Cour suprême.
La juridiction jouait là une partie de sa crédibilité. En 2013, dans une autre composition, elle avait été critiquée pour la manière dont elle avait débouté M. Odinga, en usant d'une jurisprudence discutable et en multipliant les arguties procédurales.
Ce précédent avait incité M. Odinga à rejeter dans un premier temps l'idée d'un recours en justice. Avant que les pressions de certains poids lourds de sa coalition et de la communauté internationale le poussent à s'y ranger.
L'annonce de la victoire de M. Kenyatta s'était accompagnée de manifestations et d'émeutes violemment réprimées par la police, dans lesquelles au moins 21 personnes, dont un bébé et une fillette de neuf ans, avaient été tuées.
- 'Maturité démocratique' -
Le Kenya a une longue histoire d'élections dont le résultat a été contesté. En 2007-2008, M. Odinga avait rejeté la victoire de Mwai Kibaki, plongeant le pays dans les pires violences post-électorales de son histoire (plus de 1.100 morts et 600.000 déplacés).
Pour Murithi Mutiga, spécialiste du Kenya à l'International Crisis Group (ICG), la décision de la Cour suprême envoie cependant "un signal très, très fort que le Kenya gagne en maturité démocratique".
Une vingtaine de diplomates occidentaux, dont l'ambassadeur américain Robert Godec, ont salué un "moment important" pour le Kenya et appelé à une nouvelle élection "libre, équitable, crédible et pacifique".
Devant la Cour suprême, les avocats de l'opposition avaient argué que le scrutin présidentiel avait été "si mal conduit et entaché de tellement d'irrégularités qu'il importe peu de savoir qui a gagné ou qui a été déclaré vainqueur".
Ils avaient notamment pointé du doigt des procès-verbaux de bureaux de vote et circonscriptions, les seuls à faire légalement foi, non signés ou ne présentant pas les signes d'authentification prévus par l'IEBC.
Celle-ci avait reconnu quelques "erreurs humaines commises par inadvertance", mais les considérait comme trop marginales pour avoir influé sur le résultat global.
Les avocats de M. Kenyatta avaient eux estimé que le large écart de voix entre le président et son rival (plus de 1,4 million de voix) ne laissait planer aucun doute sur sa victoire.