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Cannabis thérapeutique : Ce que contient le projet de loi du Pays


Tahiti, le 16 octobre 2022 – Le projet de loi du Pays très attendu légalisant le cannabis thérapeutique en Polynésie française a été approuvé mercredi dernier en conseil des ministres et transmis vendredi à l'assemblée. Tahiti Infos dévoile le contenu de cette future réglementation révolutionnaire au plan local et qui "répond à une forte demande", précise le texte.
 
C'est une petite surprise, tant le discours du président du Pays sur le cannabis thérapeutique semblait hésitant le mois dernier en ouverture de la session budgétaire à l'assemblée. Mercredi dernier, le conseil des ministres a approuvé le projet de loi du Pays “relative aux substances vénéneuses” qui prévoit explicitement la légalisation du cannabis thérapeutique en Polynésie française. Un texte révolutionnaire transmis vendredi dernier par le gouvernement à l'assemblée.
 
Pas évident
 
Et pourtant, on le disait, le 15 septembre dernier, le président du Pays n'avait évoqué que brièvement à Tarahoi ce “sujet qui préoccupe certains” mais “sûrement pas la majorité de la population”. À l'époque, Édouard Fritch avait même plutôt douché les espoirs des partisans d'une évolution rapide de la réglementation : “Le gouvernement a engagé des études sur le sujet mais, avant de vous présenter un texte de loi, je souhaite qu’un véritable débat de société s’engage sur le sujet pour que la population soit parfaitement informée des tenants et des aboutissants de ce dossier.” Et le président du Pays d'aller jusqu'à conclure : “Je suis contre la consommation de cannabis, mais les effets pervers d’une telle loi seront de notre responsabilité, il faut débattre, informer sur les dangers de tels dispositifs.”
 
Pas de débat de société depuis, si ce n'est les appels incessants des associations et d'une partie de l'opposition politique à accélérer sur ce dossier. Mais le texte est désormais bien entre les mains du pouvoir législatif. Et il prévoit tout un arsenal législatif aussi dense que spécifique pour autoriser à la fois la culture, l'importation, l'exportation ou encore l'usage du cannabis thérapeutique, mais aussi du chanvre pour le textile et la construction.
 
Thérapeutique et chanvre
 
Ce projet de loi du Pays, que Tahiti Infos s'est procuré, prévoit une refonte de la réglementation de 1978 sur “l'importation, l'exportation, l'achat, la vente, la détention et l'emploi des substances vénéneuses”. Une réforme globale dans laquelle est inséré un chapitre complet consacré au cannabis. Actuellement, le principe est celui d'une interdiction générale de tout usage du cannabis ou de ses dérivés au fenua, sans aucune dérogation possible. Si ce n'est pour la recherche. “Une révision de la réglementation s'avère nécessaire”, pose en préambule l'exposé des motifs du texte, qui cite notamment les “avancées en matière de recherche médicale” ou encore la reconnaissance du “potentiel thérapeutique du cannabis” par la commission des stupéfiants des Nations Unies en décembre 2020. Le chanvre, de son côté, est déjà autorisé dans de nombreux pays dans les filières alimentaires, du bâtiment, de l'automobile, de la papeterie et du textile…
 
Le texte prévoit donc de faire évoluer la réglementation actuelle pour pouvoir “autoriser l'utilisation thérapeutique du cannabis sous la forme de médicament qui devra respecter la réglementation relative au médicament en vigueur en Polynésie française”, mais également “autoriser la production agricole du cannabis et du chanvre à des fins d'industrie, notamment pharmaceutique, sous contrôle strict et dans le cadre d'une réglementation conforme à la convention unique internationale sur les stupéfiants de 1961”. Légalement, le principe reste celui d'une “interdiction générale de toute opération relative au cannabis”, mais avec des exceptions prévues par la loi et soumises à un régime d'autorisation pour le cannabis thérapeutique et le chanvre.
 
Il restera donc interdit d'avoir du cannabis en sa possession “à l'exception des personnes autorisées”. Et le texte pose un principe “d'interdiction de la vente de tout type de produits aux mineurs”.
 
Une question de THC
 
Dans le détail, le texte différencie deux types de cannabis. D'une part, celui dont le THC est inférieur à 0,3%, appelé chanvre, dont la culture en Polynésie sera “autorisée” et destinée à “la fabrication de produits non ingérables, essentiellement à partir de fibres pour le textile ou la construction”. D'autre part, celui dont le THC est supérieur à 0,3%, qui sera exclusivement réservé à la “fabrication de médicaments dans des dispositions conformes à la réglementation locale et produits de massage à usage thérapeutique avec mêmes règles”. Le texte précise au passage que ces deux usages “répondent à la forte demande locale d'une légalisation du cannabis médical”.
 
Puisqu'il s'agit bien d'une “réglementation” sur l'usage du cannabis thérapeutique, le projet de loi du Pays précise bien les conditions dans lesquelles sont “soumises à autorisation”, sur dossier, les activités de “culture du cannabis” et de “transformation du cannabis”. Un cultivateur autorisé ne pourra donc vendre sa production qu'à un transformateur ayant autorisation. Il s'agit ainsi d'assurer une “traçabilité” de la filière et de limiter les intermédiaires. Enfin, le texte prévoit également un volet “contrôle de l'activité” là-aussi sur la traçabilité et la qualité du produit. Une amende administrative – allant jusqu'à 1 million de Fcfp – est même prévue en cas de non-respect de ces règles.
 
Des amendes pour les mauvais producteurs de cannabis. Révolutionnaire, on vous disait !
 

Jacques Raynal, ministre de la Santé : “Savoir faire la différence”

“Il y a dans la plante de cannabis, une molécule qu'on appelle le Cannabidiol et qui a une vertu antalgique. Donc, contre la douleur. C'est même un antalgique assez fort, qui peut être utile à la médecine et aux patients bien sûr. La question qui est posée, c'est pourquoi le cannabis est-il interdit ? Parce qu'il y a une autre molécule dans cette plante, que l'on appelle le Tétrahydrocannabinol qui, elle, est addictive. C’est-à-dire qu'elle va entraîner une dépendance. C'est une drogue à ce moment-là. Ce n'est plus le médicament que l'on souhaiterait avoir. Donc, il faut savoir faire la différence entre ce Tétrahydrocannabinol et ce Cannabidiol. (…) Il y a un certain nombre de plantes cannabidiques qui contiennent moins de 0,3% de Tétrahydrocannabinol. Par contre, il y a malheureusement pour nous un certain nombre d'espèces qui en contiennent trop. C’est-à-dire plus de 0,3% de Tétrahydrocannabinol.”
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Lundi 17 Octobre 2022 à 16:37 | Lu 7265 fois