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À Papeno'o, la solidarité après le drame


Tahiti, le 7 novembre 2022 – Gendarmes, policiers, pompiers, sauveteurs mais surtout riverains, amis et familles se sont affairés lundi dans la vallée de Papeno'o à rechercher les quatre derniers disparus du drame survenu dimanche soir lorsqu'un pick-up et six personnes ont été emportés par le courant de la rivière. Les recherches ont été suspendues en soirée pour reprendre mardi.
 
Une femme enceinte d'une trentaine d'années et trois enfants de 7, 6 et 4 ans étaient toujours recherchées lundi matin dans la vallée de Papeno'o au lendemain du drame survenu pendant les fortes intempéries du week-end. Dimanche soir vers 16 heures, deux véhicules occupés notamment par les gérants du Relais de la Maroto, rapporte lundi TNTV, ont traversé la rivière au niveau du premier barrage hydroélectrique de la vallée. Le second pick-up, avec cinq passagers à l'intérieur, a calé au moment de la traversée et le conducteur du premier véhicule est allé leur prêter main-forte. C'est à ce moment qu'une crue a emporté le pick-up et les six personnes dans la rivière. Dimanche soir, l'une des occupantes de la voiture a été secourue et hélitreuillée avec une jambe cassée, avant d’être prise en charge au centre hospitalier. Le corps sans vie du conducteur de la première voiture a été retrouvé vers 22 heures.
 
Dans un point de situation diffusé lundi après-midi, le haut-commissariat a détaillé l'important dispositif de recherche mis en œuvre avec la direction de la protection civile : une quarantaine de gendarmes, 12 sapeurs-pompiers de trois centres de secours, 40 guides et chasseurs de la vallée, la fédération polynésienne de protection civile avec des sauveteurs aquatiques, la population qui s’est également mobilisée en nombre et l'hélicoptère Dauphin qui a assuré plusieurs reconnaissances aériennes dans la vallée et sur la côte depuis dimanche.
 

​Tout Papeno'o est là”

Plusieurs riverains ne sont pas allés travailler lundi pour participer aux recherches. “On essaie de retrouver les trois derniers petits enfants. Il y a deux garçons et une fille qu'on n'a pas encore retrouvés”, expliquait lundi matin un riverain membre de la famille. “Ils font tous partie de la famille. Ce sont des neveux et des nièces et c'est pour ça que tout Papeno'o, depuis hier, est là. Ce n'est que de la famille. On les connaît très bien. On les a connus depuis tout petit… Ils ont 7 ans, 6 ans, 5 ans… C'est très jeune. On habite dans le quartier. Les enfants sont dans le quartier. On essaie de trouver un maximum de monde, d'aider tout le monde, d'aider les secours.”
 
Arrivés lundi matin de Taha'a, les deux parents de la jeune mère de famille enceinte se sont immédiatement rendus dans la vallée de Papeno'o, s'accrochant à l'espoir de retrouver leur unique fille. “C'est un grand drame et une grande douleur. Surtout que nous n'avons qu'un seul enfant. Nous avons adopté un enfant qui est en France aujourd'hui, mais c'est notre seul enfant biologique. Elle est enceinte. Elle a 34 ans. Elle doit accoucher au mois de décembre”, se désolait Jeanine, la mère de la jeune femme disparue. “Je tiens à remercier énormément la gendarmerie, l'armée, les mūto’i de Hitia'a o te Ra, les pompiers de Hitia'a o te ra. Toute la sécurité et toute la population de Papeno'o. Ils étaient tous ici. On remercie tout ce beau monde pour le soutien.” Dans un communiqué, le président du Pays Édouard Fritch a témoigné lundi sa “compassion” et le haut-commissaire, actuellement à Paris, exprimé “avec beaucoup d’émotions son soutien aux familles”. L'information est même remontée au niveau national où le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin et la Première ministre Elisabeth Borne ont relayé lundi le drame et l'état des recherches.
 

Lundi soir, ces recherches ont été suspendues à la tombée de la nuit pour reprendre mardi matin avec un dispositif identique à celui du jour. Plusieurs dizaines de riverains ayant participé aux opérations se sont rassemblés lundi soir à l'entrée de la vallée. Devant eux, le général Frédéric Saulnier, commandant de la gendarmerie en Polynésie française, a rendu un hommage appuyé à leur “mobilisation exceptionnelle” depuis dimanche. “Nous n'avons rien demandé. Vous êtes tous venus spontanément”, a salué le général. “Ces personnes ne sont pas des statistiques. Elles ont des noms. Elles ont des familles. On pense à elles. On ne pourra bien sûr pas porter votre peine, mais on fera tout ce qu'on peut pour vous aider à retrouver ces corps. Pour vous aider à faire votre deuil. On est avec vous. On vous aime. Et encore une fois merci.”
 

​Plusieurs drames dans la vallée ces dernières années

Le terrible drame qui a frappé une famille entière, dimanche, n'est malheureusement pas le premier ayant eu lieu dans la vallée de Papeno'o. Le 4 janvier dernier, un homme de 41 ans et sa nièce de cinq ans s'étaient en effet noyés après avoir été emportés par une crue de la rivière consécutive aux fortes pluies qui sévissaient alors sur la côte est de Tahiti. Les deux victimes étaient allées pique-niquer au fond de la vallée en compagnie d'autres membres de la famille lorsqu'elles avaient été emportées par une vague. Malgré l'intervention des secours et des forces de l'ordre, les corps sans vie de l'homme et de sa nièce avaient finalement été repêchés en contrebas de la vallée.
 
Le 10 avril 2021 au soir, c'est une jeune femme de 21 ans qui s'était noyée après avoir fait une chute de quatre mètres à l'entrée de la vallée.
 
Le 10 avril 2017, huit personnes qui faisaient partie d'un groupe de 19 randonneurs avaient elles aussi été emportées par la crue de la rivière Te Faaiti suite à des intempéries. Si cinq d'entre elles avaient survécu, un homme – alors en voyage de noces – et une femme, avaient été retrouvés morts noyés. Le corps d'un troisième homme n'avait quant à lui pas été retrouvé malgré les nombreuses recherches menées par les différents services de secours. À l'époque, le président de l'association Avae Tere Tere, à laquelle appartenait les randonneurs, avait exprimé son anéantissement : “C'était absolument imprévisible, c'est arrivé en une seconde. Une vague est arrivée, une masse d'eau importante venant de la montagne qui a tout balayé. C'est, a priori, un bassin qui s'est créé et a lâché l'eau”. Après ce drame, le parquet avait ouvert une enquête préliminaire pour homicide involontaire qui avait débouché sur l'ouverture d'une information judiciaire. Le magistrat instructeur en charge de l'affaire, estimant qu'aucune faute n'avait été commise par l'organisateur de la randonnée, avait finalement rendu un non-lieu dans le cadre de ce dossier le 12 juillet 2018.

Rédigé par Garance Colbert, Vaite Urarii Pambrun et Antoine Samoyeau le Lundi 7 Novembre 2022 à 11:21 | Lu 11014 fois