Tahiti, le 1er février 2023 – Les deux Néerlandais et le Polonais interpellés le 7 octobre 2017 à Nuku Hiva sur un bateau qui contenait 500 kg de cocaïne ont été jugés par le tribunal correctionnel mardi, mais en leur absence. Les trois hommes, remis en liberté en cours de procédure, ont écopé de peines comprises entre quatre et sept ans de prison ferme qui s'avèreront complexe à mettre en œuvre.
Un peu plus de cinq ans après la saisie, le 7 octobre 2017 à Nuku Hiva, de 500 kilos de cocaïne dissimulés sur un voilier et l'interpellation de trois marins – deux Néerlandais et un Polonais – le procès des trois convoyeurs s'est ouvert mardi devant le tribunal correctionnel de Papeete, mais en leur absence. En effet, les trois prévenus avaient été autorisés à rejoindre leur pays courant 2020, après avoir passé deux ans en détention provisoire à Nuutania. Le délai maximum prévu par la loi lorsque les peines encourues sont inférieures à vingt ans. Placés ensuite sous contrôle judiciaires, les trois prévenus avaient obtenu en quelques mois la levée de leur interdiction de quitter la Polynésie.
Une situation évidemment assez peu fréquente, largement pointée du doigt par les avocats de la défense mardi. Pour l'avocat d'un des deux Néerlandais, Me Edouard Varrod, ce sont les errements d'une longue procédure qui ont mené à cette audience singulière. L'avocat estime que cette enquête aurait dû être confiée à la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Paris, comme la plupart des grosses affaires de trafic de cocaïne ayant vu le jour en Polynésie, et rappelle que la défense a régulièrement demandé le dépaysement du dossier. "La juridiction de Papeete a conservé un dossier qui était surdimensionné par rapport à ses moyens et qui n’intéressait personne, même pas les autorités néerlandaises pourtant contactées. Nous avions même demandé la transmission du dossier à une juridiction spécialisée en métropole, laquelle a les moyens de traiter ce type d’affaires, mais cela a été refusé par le parquet général."
Le début de l'instruction de ce dossier avait en effet été marqué par de multiples recours des avocats des trois marins, qui avaient notamment soulevé l'absence d'interprète pour leurs clients, demandé le dépaysement du dossier ou encore réclamé la nullité des saisies… Des actes de procédure qui, mis bout à bout, ont fini par avoir raison du délai maximal de détention des trois prévenus. "En fait, une fois la drogue saisie, plus personne n’avait l’envie de remonter le filon de ce trafic d’envergure internationale", affirme Me Varrod. "Ce sont deux ans d’enquête et de détention provisoire qui n’auront servi à rien, qui auront coûté une fortune au contribuable, pour finalement aboutir à un procès factice et à des peines qui ne seront probablement jamais exécutées. La justice doit sérieusement se questionner sur le traitement de ce type d’enquête."
Odeur de silicone
Sur les deux heures d'audience mardi, le fonds du dossier a néanmoins été abordé avec notamment les détails de la saisie. Tel que l'a rappelé le président du tribunal lors de l'audience, la drogue était répartie dans 430 pains recouverts de plastique noir qui avaient été dissimulés dans les panneaux en contreplaqué des cabines des occupants du navire. Lors de la saisie, les trois marins – le capitaine, un cuisinier et un mécanicien – avaient été interpellés et transférés à Tahiti. Dans l'incapacité de les interroger, le président du tribunal a rappelé les éléments du dossier et notamment la forte odeur de silicone qui émanait de toutes les parties du bateau lorsque les douaniers et les gendarmes l'avaient investi. Selon les enquêteurs, la prégnance de cette odeur ne laissait aucun doute quant au fait que la drogue avait été récemment cachée dans les différentes parties du bateau et que ses occupants ne pouvaient donc pas ignorer qu'ils convoyaient de la drogue.
Le navire, qui avait transité par le Panama, l'Equateur, puis le Costa Rica avant de rejoindre la Polynésie faisait route, selon les éléments recueillis dans le dossier, vers l'Australie. Mais lors de leurs auditions, les trois marins avaient nié les faits en assurant pour l'un qu'il avait été recruté pour être cuisinier à bord par "un passant dans la rue" quand l'autre – le capitaine – avait soutenu qu'il ne savait pas où il devait emmener le bateau.
"Éléments tangibles"
Pour le représentant des douanes, qui a demandé au tribunal de condamner les trois hommes à payer une amende de neuf milliards de Fcfp, "autant le capitaine du bateau que les deux matelots" ont une "responsabilité pénale" dans cette affaire. Même constat pour le procureur de la République qui a dénoncé lors de ses réquisitions l'attitude "nébuleuse et fantomatique" du capitaine du bateau, "bien incapable d'apporter des éléments tangibles" durant l'enquête quant à la destination du navire. Avant de requérir dix ans de prison ferme à l'encontre du capitaine et du mécanicien et sept ans de prison ferme contre le cuisinier, le représentant du ministère public a tenu à rappeler la "très grande quantité" de stupéfiants saisie sur le bateau et la "nature extrêmement délétère de ce produit" qui est "nocif" sur la santé et en matière d'"ordre social et d'économie parallèle".
En défense pour les trois prévenus, Mes Sylvain Fromaigeat, Édouard Varrod et Me Annick Allain-Saccault se sont ensuite succédé à la barre pour affirmer qu'il n'y avait "pas grand-chose" dans ce dossier contre leurs clients. D'autant plus que les commanditaires à l'origine de cette cargaison n'avaient pas été identifiés lors de la procédure. L'avocate du capitaine, Me Annick Allain-Saccault a par ailleurs déploré une affaire dans laquelle elle avait dû "sortir de son rôle" et aider son client qui était étranger, ne parlait pas français et n'avait aucun repère en Polynésie. Me Edouard Varrod a quant à lui dénoncé un procès où tout le monde a fait "semblant"de rendre la justice, en référence à la faible probabilité que les trois prévenus puissent un jour purger leur peine.
Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné le capitaine Néerlandais du bateau et son compatriote respectivement à sept et cinq ans de prison ferme. Le cuisiner polonais a quant à lui écopé de quatre ans de prison ferme. Aucun mandat d'arrêt n'ayant été décerné, les peines vont être notifiées aux pays dont les prévenus sont ressortissants. Mais encore faut-il qu'il existe des accords entre ces pays et la France pour que les peines soient appliquées, sans quoi les trois marins pourraient ne jamais être emprisonnés dans le cadre de cette affaire. Le parquet peut cependant encore faire appel du jugement rendu par le tribunal correctionnel et demander de nouveau un éventuel mandat d'arrêt.
Un peu plus de cinq ans après la saisie, le 7 octobre 2017 à Nuku Hiva, de 500 kilos de cocaïne dissimulés sur un voilier et l'interpellation de trois marins – deux Néerlandais et un Polonais – le procès des trois convoyeurs s'est ouvert mardi devant le tribunal correctionnel de Papeete, mais en leur absence. En effet, les trois prévenus avaient été autorisés à rejoindre leur pays courant 2020, après avoir passé deux ans en détention provisoire à Nuutania. Le délai maximum prévu par la loi lorsque les peines encourues sont inférieures à vingt ans. Placés ensuite sous contrôle judiciaires, les trois prévenus avaient obtenu en quelques mois la levée de leur interdiction de quitter la Polynésie.
Une situation évidemment assez peu fréquente, largement pointée du doigt par les avocats de la défense mardi. Pour l'avocat d'un des deux Néerlandais, Me Edouard Varrod, ce sont les errements d'une longue procédure qui ont mené à cette audience singulière. L'avocat estime que cette enquête aurait dû être confiée à la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Paris, comme la plupart des grosses affaires de trafic de cocaïne ayant vu le jour en Polynésie, et rappelle que la défense a régulièrement demandé le dépaysement du dossier. "La juridiction de Papeete a conservé un dossier qui était surdimensionné par rapport à ses moyens et qui n’intéressait personne, même pas les autorités néerlandaises pourtant contactées. Nous avions même demandé la transmission du dossier à une juridiction spécialisée en métropole, laquelle a les moyens de traiter ce type d’affaires, mais cela a été refusé par le parquet général."
Le début de l'instruction de ce dossier avait en effet été marqué par de multiples recours des avocats des trois marins, qui avaient notamment soulevé l'absence d'interprète pour leurs clients, demandé le dépaysement du dossier ou encore réclamé la nullité des saisies… Des actes de procédure qui, mis bout à bout, ont fini par avoir raison du délai maximal de détention des trois prévenus. "En fait, une fois la drogue saisie, plus personne n’avait l’envie de remonter le filon de ce trafic d’envergure internationale", affirme Me Varrod. "Ce sont deux ans d’enquête et de détention provisoire qui n’auront servi à rien, qui auront coûté une fortune au contribuable, pour finalement aboutir à un procès factice et à des peines qui ne seront probablement jamais exécutées. La justice doit sérieusement se questionner sur le traitement de ce type d’enquête."
Odeur de silicone
Sur les deux heures d'audience mardi, le fonds du dossier a néanmoins été abordé avec notamment les détails de la saisie. Tel que l'a rappelé le président du tribunal lors de l'audience, la drogue était répartie dans 430 pains recouverts de plastique noir qui avaient été dissimulés dans les panneaux en contreplaqué des cabines des occupants du navire. Lors de la saisie, les trois marins – le capitaine, un cuisinier et un mécanicien – avaient été interpellés et transférés à Tahiti. Dans l'incapacité de les interroger, le président du tribunal a rappelé les éléments du dossier et notamment la forte odeur de silicone qui émanait de toutes les parties du bateau lorsque les douaniers et les gendarmes l'avaient investi. Selon les enquêteurs, la prégnance de cette odeur ne laissait aucun doute quant au fait que la drogue avait été récemment cachée dans les différentes parties du bateau et que ses occupants ne pouvaient donc pas ignorer qu'ils convoyaient de la drogue.
Le navire, qui avait transité par le Panama, l'Equateur, puis le Costa Rica avant de rejoindre la Polynésie faisait route, selon les éléments recueillis dans le dossier, vers l'Australie. Mais lors de leurs auditions, les trois marins avaient nié les faits en assurant pour l'un qu'il avait été recruté pour être cuisinier à bord par "un passant dans la rue" quand l'autre – le capitaine – avait soutenu qu'il ne savait pas où il devait emmener le bateau.
"Éléments tangibles"
Pour le représentant des douanes, qui a demandé au tribunal de condamner les trois hommes à payer une amende de neuf milliards de Fcfp, "autant le capitaine du bateau que les deux matelots" ont une "responsabilité pénale" dans cette affaire. Même constat pour le procureur de la République qui a dénoncé lors de ses réquisitions l'attitude "nébuleuse et fantomatique" du capitaine du bateau, "bien incapable d'apporter des éléments tangibles" durant l'enquête quant à la destination du navire. Avant de requérir dix ans de prison ferme à l'encontre du capitaine et du mécanicien et sept ans de prison ferme contre le cuisinier, le représentant du ministère public a tenu à rappeler la "très grande quantité" de stupéfiants saisie sur le bateau et la "nature extrêmement délétère de ce produit" qui est "nocif" sur la santé et en matière d'"ordre social et d'économie parallèle".
En défense pour les trois prévenus, Mes Sylvain Fromaigeat, Édouard Varrod et Me Annick Allain-Saccault se sont ensuite succédé à la barre pour affirmer qu'il n'y avait "pas grand-chose" dans ce dossier contre leurs clients. D'autant plus que les commanditaires à l'origine de cette cargaison n'avaient pas été identifiés lors de la procédure. L'avocate du capitaine, Me Annick Allain-Saccault a par ailleurs déploré une affaire dans laquelle elle avait dû "sortir de son rôle" et aider son client qui était étranger, ne parlait pas français et n'avait aucun repère en Polynésie. Me Edouard Varrod a quant à lui dénoncé un procès où tout le monde a fait "semblant"de rendre la justice, en référence à la faible probabilité que les trois prévenus puissent un jour purger leur peine.
Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné le capitaine Néerlandais du bateau et son compatriote respectivement à sept et cinq ans de prison ferme. Le cuisiner polonais a quant à lui écopé de quatre ans de prison ferme. Aucun mandat d'arrêt n'ayant été décerné, les peines vont être notifiées aux pays dont les prévenus sont ressortissants. Mais encore faut-il qu'il existe des accords entre ces pays et la France pour que les peines soient appliquées, sans quoi les trois marins pourraient ne jamais être emprisonnés dans le cadre de cette affaire. Le parquet peut cependant encore faire appel du jugement rendu par le tribunal correctionnel et demander de nouveau un éventuel mandat d'arrêt.