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20 ans ferme pour le meurtre de Maupiti


La victime, Herenui, était âgée de 42 ans et mère de trois enfants.
La victime, Herenui, était âgée de 42 ans et mère de trois enfants.
Tahiti, le 1er septembre 2023 – Au terme de deux jours d'audience, le pêcheur de 45 ans poursuivi pour avoir tué sa femme, à Maupiti le 23 octobre 2020, a été condamné jeudi par la cour d'assises à vingt ans de réclusion criminelle.

Après en avoir délibéré durant trois heures, les jurés de la cour d'assises ont condamné jeudi le pêcheur de 45 ans qui était jugé depuis deux jours pour avoir mortellement battu sa femme le 23 octobre 2020 à Maupiti. Il a été reconnu coupable d'avoir causé la mort de sa conjointe après lui avoir porté plusieurs coups de poing et avoir frappé sa tête contre un mur en béton alors qu'il était ivre et en prise à une crise de jalousie. L'homme, qui se disait possédé par un esprit au moment des faits, a écopé de vingt ans de réclusion criminelle. 

Plus tôt dans la journée, la parole avait été donnée à l'avocat de l'un des trois fils du couple, Me Loris Peytavit, qui a dénoncé l'attitude de l'accusé, un “homme qui a surtout cherché à rejeter la faute sur quelqu'un ou sur quelque chose". Il a évoqué le "long cheminement de la violence”, parcouru par l'intéressé qui a fini pas atteindre le “paroxysme” de cette violence en “fracassant” la tête de sa femme contre un mur. “Il a choisi de la tuer, c'est le fond de ce dossier” a martelé l'avocat avant de balayer l'argument avancé par l'accusé selon lequel il était possédé par un esprit au moment des faits. 

Intention homicide

Succédant à son confrère pour la défense des frères et sœurs de la défunte, Me Philippe Neuffer a livré une plaidoirie pertinente au cours de laquelle il a tenté de démontrer l'intention homicide de l'accusé. “Il avait l'intention de tuer et plusieurs éléments permettent de le démontrer. Lorsqu'il a dit à sa femme qu'il allait la tabasser à mort, il a verbalisé son intention en disant avant de faire. Du verbe, il est passé au geste et a visé sa tête qu'il a pris avec ses deux mains pour la cogner contre un mur. Enfin, tel que l'a expliqué le médecin légiste, la victime avait l'œil éclaté et cette blessure n'a pas pu être causée par un coup de poing mais plutôt par un objet tel qu'une pierre.” Écartant lui aussi la thèse de la possession, Me Philippe Neuffer a affirmé que c'est la “rage” causée par la “jalousie” de l'accusé qui avait mené au passage à l'acte. 

Même analyse d'un passage à l'acte volontaire pour l'avocat général qui a ensuite entamé ses réquisitions en abordant, lui aussi, les éléments du dossier prouvant l'intention de tuer la victime. “Nous sommes face à des coups portés sur une zone fragile. Quand on frappe la tête d'une personne sur un mur, le cerveau est comprimé et elle meurt dans d'atroces souffrances.” Évoquant les photos particulièrement violentes du visage de la victime, le représentant du ministère public a rappelé qu'il avait été totalement “déformé” par les coups reçus. Avant de requérir 25 ans de réclusion criminelle et alors que l'accusé encourait la perpétuité, le représentant du ministère public a affirmé que ce dernier souffrait d'une “hypertrophie du moi” et que “l'autre n'existe pas” à ses yeux. 

"Trou noir"

Constituée il y a seulement trois semaines pour la défense de l'accusé, Me Hina Lavoye a justement rappelé lors de sa plaidoirie que son client, qui en était à son cinquième avocat, avait été laissé seul durant la procédure, et notamment lors de la reconstitution du meurtre. Face à la version de la possession avancée par son client, l'avocate a affirmé que le “gros souci” de ce dernier était qu'il ne se rappelle absolument pas des faits et qu'il avait été victime d'un “trou noir”. Elle a ensuite abordé la personnalité du quadragénaire en soutenant qu'il fallait “juger un homme et ce qu'a été sa vie”.

Après en avoir délibéré, la cour d'assises a donc condamné l'accusé à vingt ans de prison.

La jalousie, “élément déclencheur”

Jeudi matin, les deux experts qui s'étaient entretenus avec l'accusé durant l'information judiciaire sont venus témoigner à la barre sur son état psychique et sur les raisons de son passage à l'acte. Selon le psychologue, le quadragénaire, qui se situe dans la “normale faible” au niveau intellectuel, n'est ni “psychotique”, ni “délirant”. C'est un homme “solitaire” qui se trouvait à l'époque dans une forme d'“isolement social” et qui présente un risque de récidive important sur le plan criminologique au regard de ses “débordements émotionnels”. Il parle de son épouse comme d'une “partenaire de travail” et n'a pas pu accepter l'idée qu'elle s'en aille car il était “comme un propriétaire qui reprend son bien”. Il avait le sentiment que la victime “lui appartenait” et la “jalousie” a été l'“élément déclencheur” du meurtre. Interrogé sur la version de l'accusé selon laquelle il était possédé par un esprit au moment des faits, l'expert a expliqué à la cour que l'intéressé ne tentait pas de se “déresponsabiliser” mais qu'il était dans le “déni de ses affects”. Pour le psychiatre qui avait lui aussi expertisé l'intéressé, ce dernier n'a pas souffert d'une abolition du discernement. Il ne souffre d'aucune pathologie psychiatrique et l'alcool a “beaucoup” joué le soir du drame. 
 

Rédigé par Garance Colbert le Vendredi 1 Septembre 2023 à 08:43 | Lu 6489 fois