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​Le 29-Juin de la réconciliation


Tahiti, le 29 juin 2023 - Les différentes célébrations du 29-Juin conduisent malgré elles à des rapprochements entre camps opposés. 


Il y a eu de nombreux 29-Juin de division où autonomistes et indépendantistes ne se côtoyaient pas, pire, s'invectivaient. Il y a eu des 29-Juin de tartuferies quand Gaston Flosse venait opportunément sur la stèle de Faa'a pour tenter de se greffer autour des indépendantistes et se renouveler politiquement. Et il y aura ce 29-Juin 2023 qui sentait jeudi la réconciliation entre les familles politiques et les aspirations différentes. 

Jeudi matin, face au rocher de l'autonomie à Paofai, toute la famille autonomiste s'est retrouvée pour un dépôt de couronnes. Autour d'Édouard Fritch, Gaston Flosse bien entendu, père de ce statut, mais aussi les différents courants autonomistes qui, il y a encore deux mois, se sont affrontés sur le terrain des territoriales. Nicole Sanquer, Teva Rohfritsch… peu manquaient à l'appel, à part le public, ce qui a donné un aspect intimiste plus que solennel à cette réunion. À peine plus d'une centaine de personnes avaient fait le déplacement jeudi matin. 

Présent aussi, le président du Pays, Moetai Brotherson, accompagné de quelques ministres comme Chantal Galenon ou Tevaiti Pomare. Une main tendue d'un camp vers un autre. “Pendant la campagne, nous avions trois mots clefs”, expliquait-il jeudi sous le chaud soleil matinal. “Respecter, soutenir et bâtir. Être ici, c'est respecter la parole donnée puisque j'avais dit que je célébrerais l'autonomie. Il y a une partie du peuple polynésien qui croit en ce statut et je suis le président de tous les Polynésiens. C'est la raison pour laquelle je suis ici.” 

​L'appel d'Édouard Fritch à l'union des autonomistes

À la tribune après le dépôt de couronnes, l'ancien président du Pays, Édouard Fritch, a lui aussi joué une partition centrée sur la réconciliation en appelant tous les autonomistes à se rassembler. “Notre autonomie, c'est le bonheur de vivre ensemble, d'abattre les murs et les barrières et de bâtir des ponts entre les hommes et les femmes de notre pays. (…) Mon vœu le plus cher est que celles et ceux qui se reconnaissent encore dans les valeurs humaines de notre autonomie s'unissent.” 

Un vœu pieu pour l'instant au regard des fissures, des fractures même, qui se sont créées dans le camp autonomiste ces deux dernières années. 

​Un premier geste de l'État

Face à Édouard Fritch et à droite de Moetai Brotherson, le haut-commissaire de la République, Éric Spitz, participe à son premier 29-Juin es qualité. Quelques heures plus tard, et pour la première fois, il s'apprêtait à déposer une couronne au nom de l'État sur la stèle de Faa'a où une cérémonie est organisée chaque année par les indépendantistes en mémoire des enfants de la Polynésie “morts en 1844 pour avoir défendu leur île et leur liberté, contre les soldats français”. 

“Traditionnellement, le 29-Juin, c'était la journée de la division. Les indépendantistes d'un côté, les autonomistes de l'autre. Avec le président Moetai Brotherson, on a décidé de faire chacun un pas vers l'autre pour que cela soit une journée de cohésion pour l'ensemble de la Polynésie.” Le haut-commissaire accompagnera Moetai Brotherson avant la séquence politique à la stèle où chaque année, des propos très durs envers l'État sont prononcés. Mais ces propos, Éric Spitz ne veut pas s'y arrêter. “Ce qui nous unis est plus fort que ce qui nous sépare”, assura-t-il jeudi malgré les griefs sur le nucléaire et la colonisation. “Pour moi, il faut mettre tout cela derrière. Je suis assez lucide de ce qu'a été l'histoire entre la France et la Polynésie. Il y a eu des périodes d'ombre et de lumière… mais maintenant il est temps de se prendre la main et de passer définitivement à la lumière.” 

Plus tard, devant la stèle, aux côtés du maire de Faa'a, Oscar Temaru, du président de l'assemblée de la Polynésie française, Tony Géros, et du président du Pays, Moetai Brotherson, le haut-commissaire poursuivra avec des mots plus forts encore. “Cette période, est celle de la conquête pour la France, arborant l'habit flatteur de l'universalisme de progrès. C'est une période de colonisation pour la Polynésie, synonyme de vastes bouleversements sociaux et de négations d'une civilisation pourtant ancestrale.” Sans détour, Éric Spitz évoquera l'ambition “moins avouable” de l'État “d'étendre son influence dans le Pacifique”.  

Rappelant qu'il faut “s'extraire du passé et se tourner vers l'avenir”, Éric Spitz rappellera la réconciliation franco-allemande malgré les 300 000 morts de Verdun. 

Oscar Temaru avait tenté de conduire le président de la République François Hollande devant la stèle de Tavararo lors de son passage en Polynésie française en 2016. Sans succès. 

Rédigé par Bertrand PREVOST le Vendredi 30 Juin 2023 à 00:08 | Lu 2876 fois