Jorris Moarii entouré de sa fille, Vaitiare, et de son épouse, Antonina (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 25 décembre 2024 – Secouru vendredi dernier dans la vallée de Papeno’o, où il était porté disparu depuis près de trois jours, Jorris Moarii est de retour parmi les siens avec une pensée émue pour toutes les personnes mobilisées. Le septuagénaire a pu passer Noël en famille après cette mésaventure qui l’a profondément marqué. Il l’assure, “la chasse, c’est terminé”, préférant désormais se consacrer à son fa’a’apu. Témoignage d’un miraculé.
L’émotion est encore palpable, mais l’angoisse a laissé la place à la joie des retrouvailles. Fatigué, mais bien vivant, Jorris Moarii a retrouvé la chaleur de son foyer et le confort de son lit après avoir passé trois nuits et plus de deux jours à flanc de montagne, dans la vallée de Papeno’o. Une mésaventure que l’employé de banque à la retraite, qui venait de fêter ses 75 ans, n’est pas près d’oublier...
L’émotion est encore palpable, mais l’angoisse a laissé la place à la joie des retrouvailles. Fatigué, mais bien vivant, Jorris Moarii a retrouvé la chaleur de son foyer et le confort de son lit après avoir passé trois nuits et plus de deux jours à flanc de montagne, dans la vallée de Papeno’o. Une mésaventure que l’employé de banque à la retraite, qui venait de fêter ses 75 ans, n’est pas près d’oublier...
“J’ai fait une bêtise”
“On était parti mardi matin (17 décembre, NDLR) avec mon fils et deux jeunes de la famille. J’ai pris mon temps pour monter. Quand je suis arrivé, ils n’étaient pas au refuge de Tupa. Au lieu de rester là pour les attendre, je suis parti chasser tout seul. Avant, ça m’arrivait souvent, mais depuis deux ans, ma fille m’interdit de chasser sans accompagnateur. Je n’ai pas écouté, je suis un peu têtu... J’ai fait une bêtise”, reconnaît Papi Coco, comme tous le surnomment.
Engagé sur un “mauvais chemin”, c’est à la tombée de la nuit que la partie de chasse a basculé. “Je suis passé du côté de la falaise et de la rivière, et j’ai glissé. J’ai fait une chute de 50 mètres. J’ai eu de la chance : je n’ai pas perdu connaissance et je ne me suis pas blessé, à part quelques égratignures et une coupure à la cheville à cause des bambous”, raconte-t-il. Il pouvait se déplacer entre les arbres, mais impossible de remonter et encore moins de descendre. “J’aurais pu tomber dans le vide. C’était trop risqué, donc j’ai préféré attendre.”
En l’absence de “mōrī pata” et sans son fusil posé plus haut, il n’a pas pu signaler sa position. Il a donc dû s’armer de patience. L’ancien katekita de la paroisse Sainte-Anne de Papeno’o a trouvé refuge dans la prière et la pluie est apparue comme une bénédiction. “Je n’avais rien à manger, mais j’ai pu récolter de l’eau de pluie avec des feuilles de Miconia. Ça m’a sauvé !”, confie-t-il. Autre problème de taille : le septuagénaire n’avait pas accès à son traitement contre le diabète.
“C’était ma dernière chance”
Tandis que Papi Coco luttait pour survivre, les recherches s’intensifiaient. À partir du jeudi, ses coéquipiers ont été rejoints par d’autres chasseurs et des guides de randonnée, ainsi que plusieurs gendarmes, pompiers et policiers municipaux. Des moyens aériens ont également été déployés avec le concours de l’État. C’est la complémentarité et la coordination de ces différentes forces qui ont permis de le retrouver dans cette épaisse végétation. “Je n’ai pas compris tout de suite que les gens que je voyais me cherchaient. Quand l’hélicoptère est passé à côté de moi, j’ai agité des branches en l’air pour essayer de me faire remarquer, mais comme j’étais en vert, c’était compliqué pour eux de me voir. Vendredi matin, j’ai crié le plus fort que j’ai pu quand j’ai vu deux personnes remonter la rivière. C’était ma dernière chance ! C’est Édouard Teissier, un résident du quartier et membre de la famille, qui a entendu mon appel à l’aide et qui a insisté pour qu’on envoie un drone”, sourit Jorris Moarii.
La chaîne des secours était lancée. “Quand j’ai vu le drone devant moi, j’étais épuisé, mais j’ai compris qu’on m’avait trouvé. Et quand j’ai entendu l’hélicoptère, je savais que j’étais sauvé !” La manœuvre aérienne a été menée avec une précision chirurgicale par l’équipage, qui s’entraîne régulièrement dans la vallée. Cet hélitreuillage salvateur a permis à Papi Coco de rejoindre la terre ferme, où il était attendu par plusieurs membres de sa famille. “Le sauveteur s’est faufilé entre les arbres pour arriver jusqu’à moi. Il m’a dit de ne pas bouger, qu’il s’occupait de tout. Je n’ai pas eu peur : au contraire, car on venait me sauver. J’ai cru que je n’allais plus jamais revoir ma femme et mes enfants, alors quand je les ai aperçus à l’atterrissage, j’ai failli pleurer”, confie-t-il, les larmes aux yeux.
“Le plus beau cadeau de Noël”
“Ça n’a pas été évident : on a cru qu’on l’avait perdu, mais heureusement, il est toujours parmi nous. Qu’est-ce qu’on a souffert !”, poursuit son épouse, Antonina Domingo-Moarii, également maire déléguée de Papeno’o. Les analyses menées au centre hospitalier de Taaone (CHPF) n’ont révélé aucun traumatisme physique. Le miraculé a donc été autorisé à rentrer chez lui, dimanche matin. En cette période particulière des fêtes de fin d’année, il compte bien profiter de sa famille, dont ses cinq enfants, huit petits-enfants et deux arrière-petits-enfants. “On a failli perdre notre papa... L’avoir avec nous, c’est le plus beau cadeau de Noël !”, remarque sa fille, Vaitiare Moarii-Dauphin.
Conscient d’avoir frôlé la mort, Papi Coco a une pensée émue pour ses sauveurs : “Je voudrais remercier tous les chasseurs qui sont partis à ma recherche. On est une famille ! Merci aux gendarmes, aux sauveteurs, aux pompiers, à la police municipale, à la commune, à tous ceux qui se sont mobilisés.”
“C’était une épreuve terrible. La chasse, c’est terminé pour moi. Place aux jeunes ! Mais il faut bien se préparer : partir avec des lampes torches et des médicaments, si besoin, et toujours y aller à deux, minimum”, avertit Jorris Moarii, qui a décidé de se consacrer à son autre passion pour l’agriculture, dans son quartier.