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​Ua Huka, la flamboyante isolée


Ua Pou, le 5 septembre 2022 – L'île marquisienne de Ua Huka, ou Ua Huna pour les locaux, recèle de trésors peu connus du grand public. La population y est très investie dans la protection de son patrimoine naturel et culturel. Mais pour vivre dans ce havre de paix du bout du monde, les habitants doivent faire face à un manque de liens avec l'extérieur, notamment depuis l'arrêt des vols réguliers d'Air Tahiti.
 
Ce qui frappe le plus lorsque l’on arrive par les airs ou par la mer à Ua Huka, c’est d'abord son littoral qui semble avoir été coupé au couteau, mais surtout ses îlots de forme et couleurs différentes et ses collines de terre rouge complètement nues. Cette île du nord de l’archipel marquisien pourrait être qualifiée de musée à ciel ouvert. Dans la légende de la création des îles Marquises, où chacune a une fonction spécifique dans l’édification de la maison marquisienne, Ua Huka fait office de “réserve à matériaux” dont disposaient les paepae.
 
On y trouve un arboretum regroupant pas moins de 3 000 plantes différentes réparties sur 17 hectares dont 240 variétés d’agrumes provenant de Corse ; des musées, des sites aux pétroglyphes bien conservés, de multiples chemins de randonnée, de l’artisanat spécialisé dans la sculpture sur bois ; des plages paradisiaques telles que Hatuana ou la mythique Haavei (dont la chanson éponyme fait partie du répertoire de toutes les bringues marquisiennes) et des eaux poissonneuses et turquoise tranchant avec le rouge de la terre.
 

​Une île jalousement protégée

Ua Huka met un point d’honneur à préserver son patrimoine naturel et le met en valeur. La population s’assure, par exemple, de tenir hors de son sol l’extrêmement invasif faux-acacia (Leucaena leucocephala) qui fait des ravages sur ses îles sœurs de Ua Pou et Nuku Hiva en volant l’espace des plantes endémiques avec comme conséquence un assèchement accru des zones où il est présent.
 
L’île est également exempte du rat noir. Elle a d'ailleurs une mascotte, Tip, un chien entraîné à la détection du rongeur, dont la présence est obligatoire à tous les déchargements de fret des navires Aranui et Taporo IX afin de réduire à néant toutes chances d’introduction involontaire de ce petit mammifère ayant déjà fait bien des dégâts sur les autres îles des Marquises. Vecteur de maladies telles que la leptospirose, redoutable prédateur pour les cultures de fruits et légumes mais aussi pour les populations d’oiseaux comme le monarque Iphis ou le pihiti (Lori ultramarin), petite perruche bleue reconnaissable entre toutes sauvée de justesse de l’extinction... Chance qu'elle n'a pas eue à Ua Pou, où elle existait encore dans les années 80.
 
Ua Huka est aussi un havre de paix pour de nombreux oiseaux marins grâce à ses “motu manu”, des îlots où les oiseaux sont souverains. L'île offre aux amateurs de plongée d’excellents spots où ils pourront croiser des raies ou encore de nombreux poissons multicolores. Cela est possible notamment grâce à la pratique stricte du rahui qui peut être observé jusqu’à quatre années d’affilée pour certaines espèces.
 
L’île qui protège tant ses oiseaux leur fait honneur lors de chaque Matavaa, le festival des arts des îles Marquises. Une coutume perpétuée sans exception, comme cette année à Fatu Hiva, où chaque oiseau marquisien a eu droit à sa représentation par des danseuses de la délégation de Ua Huka, moment fort du festival. On n’en attend pas moins pour le prochain mini Matavaa qui aura lieu à Ua Huka en 2025.
 
Aujourd’hui, “l’île aux chevaux”, comme elle est couramment surnommée, abrite une population de quelque 670 habitants répartis entre les vallées de Vaipaee –qui abrite la moitié de la population–, Hane et Hokatu dans lesquelles se répartit équitablement le reste des habitants. Ces derniers vivent principalement du coprah, de la sculpture et de la pêche.
 
Les routes asphaltées sont bien entretenues et chacun de leurs détours offre un tableau différent qui rappellera à certains le Finistère et à d’autres… l’Islande. On y trouve cinq pensions de famille, quatre à Vaipaee et une à Hokatu, deux bureaux de postes OPT, une infirmerie, une école allant jusqu’à la 6e et un CJA se trouvant à Hane. On ne dénombre pas moins de sept épiceries –qui font également office de quincailleries– dont trois à Vaipaee, trois à Hokatu et une à Hane. L’aéroport est doté d’une piste de 750 mètres qui se languit de revoir des liaisons par avion. En attendant, c’est l’hélicoptère –qui assure surtout les évacuations sanitaires– qui s’y pose.
 
Malgré ce décor idyllique, les habitants de Ua Huka souffrent aujourd’hui du manque de lien avec le monde extérieur. Les navires de fret tels que l’Aranui et le Taporo IX effectuent des rotations quasi bimensuelles –pour des denrées alimentaires ou ménagères–, mais les touristes de l’Aranui sont malheureusement moins nombreux qu’avant la crise sanitaire, qui a soudain tout mis en pause début 2020.
 

​Les avions manquent

Et ce n’est pas uniquement l’absence de visiteurs touristiques qui s’avère criante, se procurer des médicaments ou se déplacer pour des rendez-vous médicaux relève de l’aptitude à la résilience… sans bornes. Toutefois, l’arrivée de l’hélicoptère pour les situations sanitaires d’urgence a considérablement facilité la vie des femmes enceintes, par exemple, qui pendant l’absence de connexion aérienne par avion, allaient à Nuku Hiva pour leur contrôle mensuel… en poti marara dans une mer bien souvent déchainée.
 
D’ailleurs, 630 habitants de Ua Pou et Ua Huka ont signé une pétition dans le courant du mois d’août demandant le retour de la compagnie Air Tahiti, qui assurait les liaisons en Twin Otter entre Nuku Hiva, Ua Pou, Ua Huka et Hiva Oa. En effet, même s’il est possible aujourd’hui de se déplacer en hélicoptère entre ces îles, la fréquence des vols et leurs horaires ne correspondent pas forcément aux jours et aux heures des vols Air Tahiti reliant l’archipel des Marquises à Tahiti et cela engendre des frais supplémentaires qui s’ajoutent au tarif déjà élevé des billets.
 
Il va sans dire que pouvoir visiter Ua Huka se mérite. Mais une fois sur place, les nombreuses possibilités qui s’offrent aux plus téméraires et avides de découvrir tous les aspects de la vie aux îles Marquises, –d'une époque ancienne comme celle d’aujourd’hui– leur feront oublier, l’espace d’un instant suspendu dans le temps, le rythme affolant des villes de ce monde.
 

Infos Pratiques

Il est possible d’aller à Ua Huka par hélicoptère avec la compagnie Tahiti Nui Helicopters depuis Ua Pou ou Nuku Hiva (20-30 minutes) ou par speedboat depuis ces mêmes îles. Attention cependant, la baie de Vaipaee est peu accessible à certaines périodes de l’année pendant lesquelles la houle est trop forte.
Sinon, le cargo mixte Aranui, qui effectue une croisière reliant toutes les îles Marquises tout en livrant son fret, peut vous emmener à Ua Huka depuis Tahiti ou depuis Nuku Hiva.
 

​A voir absolument

⁃ L’arboretum, situé entre Vaipaee et l’aéroport, et son musée du bois. 240 variétés d’agrumes qui viennent de Corse parmi 3 000 plantes différentes plantées sur 17 hectares
⁃ Le musée communal situé sur le site récent Te Tumu, spécialement conçu pour le mini Festival des Arts des îles Marquises qui a eu lieu à Ua Huka en 2013. On peut y observer des objets anciens –ainsi que des plus récents– de la vie sur les îles Marquises avec de belles explications sur le mode de vie de ce peuple isolé.
 
⁃ Le musée des pétroglyphes sur le front de mer de Hokatu
⁃ Le musée de la mer à Hane où l’on peut observer de vieilles pirogues et comment elles ont été fabriquées.
⁃ Pour les amateurs de randonnée pédestre, une dizaine d’options s’offrent à eux. Celle menant au cratère rouge ou à la plage de Haavei (attention, il faut un guide car les terrains que l’on doit traverser pour y arriver sont privés) sont les plus connues mais d’autres au départ de Hokatu ou menant à Vaikivi, au centre de l’île, vous offriront des points de vue tout aussi époustouflants. Il est également possible de se rendre en fond de vallée de Hane pour essayer d’apercevoir le pihiti ou encore d’anciens tiki ou pétroglyphes chargés de mystère.
⁃ Pour un bivouac à cheval ou juste une randonnée équestre vers la plage de Haavei, se rapprocher du Ua Huka Horse House.
⁃ Pour un accueil authentique et un réveil avec vue sur le magnifique Motu Hane dans la petite vallée des artisans (qui abrite le centre artisanal le plus fourni de l’île), Maurice et Delphine vous accueilleront dans leur pension à Hokatu (une des premières de l’archipel).
⁃ Il est possible de faire de la pêche et/ou le tour de l’île, trois prestataires peuvent vous emmener en bateau depuis Vaipaee jusqu’aux motu manu et aux plages de Hatuana et de Haavei, demandez-leur de vous indiquer les nombreux pétroglyphes qui ornent les parois rocheuses qui les entourent.
 


Rédigé par Eve Delahaut le Jeudi 15 Septembre 2022 à 22:20 | Lu 2771 fois