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​Troisième mandat d'Édouard Fritch, l'éclairage lumineux de JurisMana


Tahiti, le 4 octobre 2022 – Doctrine, esprit de la loi, jurisprudence… Le juriste polynésien Hervé Raimana Lallemant-Moe apporte son éclairage aussi limpide qu'instructif sur la question de la capacité juridique d'Édouard Fritch à effectuer un nouveau mandat de président de la Polynésie française en 2023.
 
Sollicité par les médias pour analyser l'épineuse question juridique de la capacité du président du Pays Édouard Fritch à effectuer un troisième mandat en cas de victoire aux territoriales de 2023, Hervé Raimana Lallemant-Moe a diffusé lundi une vidéo explicative de cinq minutes sur sa chaîne Youtube JurisMana. L'occasion pour le juriste polynésien de poser clairement et en profondeur les termes du débat, mais aussi d'apporter quelques éléments de contexte aussi intéressants qu'inédits pour le grand public sur ce sujet.
 
“Troubles institutionnels”
 
Rappelant que la loi organique du 27 février 2004 – le "statut" de la Polynésie française – qui régit la collectivité polynésienne a été révisée en 2011 pour introduire le fameux “troisième alinéa de l'article 74”. Celui-là même qui établit que : “Le président de la Polynésie française ne peut exercer plus de deux mandats de cinq ans successifs". Et le juriste d'expliquer que ces dispositions sont “inspirées” de l'article 6 de la Constitution qui pose le principe de la limitation à “deux mandats consécutifs” du Président de la République en France. Édouard Fritch étant en passe d’avoir fait deux mandats, l'un “complet” entre 2018 et 2023 et l'autre “incomplet” entre 2014 et 2018, la question “que tout le monde se pose” est donc celle de savoir si l'actuel président du Pays peut se représenter pour un troisième mandat.
 
Hervé Raimana Lallemant-Moe rappelle un élément jusqu'ici peu évoqué mais particulièrement éclairant sur ce débat. “Cette disposition avait été insérée en 2011 pour éviter des mandats à répétition, mais déjà à l'époque, le député-rapporteur Didier Quentin, avait mis en avant ce sujet en ayant énoncé : ‘Si demain, la Polynésie retrouvait une certaine stabilité institutionnelle, le président qui en serait assurément le principal artisan serait dans l'obligation de se retirer à l'issue de l'accomplissement de deux mandats successifs complets, soit au bout de dix ans’.” Tout en précisant immédiatement : “Mais si des troubles institutionnels venaient à se reproduire, ces dispositions ne trouveraient pas à s'appliquer.” L'inéligibilité de Gaston Flosse en cours de mandat… Trouble institutionnel ou pas ?
 
Le juriste précise que doctrine et jurisprudence ne sont pas “extensives” sur ce sujet. Il cite en exemple une décision du Conseil d'État de 2020 dans lequel la juridiction administrative avait précisé – pour le cas de juges consulaires des tribunaux de commerce – que l'expression “mandat successif” se rapportait à “des mandats se succédant les uns aux autres, sans interruption”. Reste à savoir si cette interprétation s'appliquerait aussi aux mandats du président de la Polynésie française... Un débat qui reste “extrêmement interprétatif”, précise Hervé Raimana Lallemant-Moe. “Et c'est bien pour ça que le Conseil d'État a été saisi.”
 
Avis “consultatif”
 
L'occasion pour le juriste de rappeler que l'avis qui sera rendu par le Conseil d'État ne sera que “consultatif” et qu'il sera toujours possible, après les élections territoriales, de former un recours contre l'élection du président de la Polynésie française. Un recours, qui ne sera contestable que par un représentant à l'assemblée de la Polynésie française, un candidat à l'élection ou le haut-commissaire, devant une juridiction qui devra statuer en “cinq jours” et qui n'est autre que… le Conseil d'État.
 
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 4 Octobre 2022 à 14:21 | Lu 5333 fois