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​Salariée décédée : Un an de sursis requis contre Dominique Auroy


Tahiti, le 1er février 2024 - Condamnés en première instance pour homicide involontaire suite au décès d'une employée de la SARL rotative de La Dépêche le 27 janvier 2018, les hommes d'affaires Dominique Auroy et Pierre Marchesini ont comparu jeudi devant la cour d'appel. L'avocat général a requis à leur encontre des peines respectives d'un an de prison avec sursis et d'une amende de 400 000 francs. 

Le procès pour homicide involontaire de l'ancien propriétaire de La Dépêche de Tahiti, Dominique Auroy, et de son ex-cogérant, Pierre Marchesini, s'est déroulé jeudi devant la cour d'appel de Papeete. Les deux hommes étaient poursuivis suite au décès d'une cheffe de conditionnement employée par la SARL rotative de La Dépêche de Tahiti – dont ils étaient les cogérants – survenu à 1 heure du matin le 27 janvier 2018. Cette mère de famille travaillant de nuit avait été retrouvée inanimée dans sa voiture après avoir demandé à prendre une pause. Il était ressorti de l'autopsie pratiquée sur la défunte que cette dernière était décédée des suites d'une “défaillance cardiaque” et ce, alors qu'elle souffrait d'obésité morbide et était dans un “mauvais” état de santé “général”. L'expert avait également conclu que ce problème cardiaque était “susceptible d'entraîner, en cas d'efforts ou de stress, un trouble mortel”. 
 
L'enquête avait permis d'établir qu'au jour de son décès, cela faisait trois ans que la quadragénaire n'avait pas vu de médecin du travail. Il était également ressorti des investigations qu'entre 2016 et 2017, l'employeur n'avait pas payé les cotisations à l'organisme de médecine du travail en charge des visites médicales auprès de ses salariés. Reconnu coupable d'homicide involontaire et condamné en première instance à six mois de prison avec sursis et à 200 000 francs d'amende, Dominique Auroy a expliqué jeudi matin qu'il avait fait appel de cette décision car il considère que la victime n'est pas décédée “dans le cadre de son travail”. Tel qu'il l'avait déjà fait devant le tribunal correctionnel, l'homme d'affaires a assuré qu'il n'intervenait pas dans le domaine de la gestion du personnel car il y avait à l'époque des “cogérants” et des “DRH”. De plus, il passait “la moitié” de son temps hors territoire. 
 
Absent lors du procès de première instance, l'ancien cogérant Pierre Marchesini s'est cette fois présenté à la barre pour assurer qu'il n'était plus cogérant à l'époque tout en commentant le fond de l'affaire. Selon lui, la défunte, “responsable de l'encartage” à l'imprimerie, ne “portait pas des charges toute la nuit”. “À la voir faire son travail comme elle le faisait, je ne pouvais pas imaginer qu'elle avait un problème cardiaque”, a-t-il ainsi affirmé en semblant toutefois se défausser quant à l'absence de suivi médical de la mère de famille. Interrogé sur son parcours professionnel, l'homme a cru bon de répondre à la présidente du tribunal qu'il ne lui semblait pas “utile” de répondre à cette question. Attitude qui a légèrement agacé la cour. 
 
Des gens qui “contournent la loi”
 
Agacement évidemment beaucoup plus perceptible chez l'avocate de la famille de la victime, Me Marie Eftimie-Spitz, pour laquelle les deux prévenus sont allés bien au-delà de la “négligence”. “Tout les incrimine ! Les visites médicales doivent être renouvelées tous les ans, c'est le Code du travail. Que n'ont-ils pas compris ? Ce sont des gens qui contournent la loi, des employeurs qui ne veulent pas de comité d'entreprise.” Cinglante, l'avocate a conclu sa plaidoirie en évoquant la défunte, une “femme extrêmement courageuse” employée par des chefs d'entreprise “sans scrupule”. 
 
Après cette première charge, c'était au tour de l'avocate générale de prendre la parole et de fustiger l'attitude des deux prévenus qui se “gaussent d'avoir été d'excellents chefs d'entreprise” que l'on devrait “quasiment remercier pour l'ensemble de leur œuvre” alors même qu'à leur âge, ils devraient terminer leur carrière avec un “casier judiciaire vierge”. Si la représentante du ministère public a pris soin, lors de ses réquisitions, de caractériser les manquements pour lesquels les deux hommes étaient poursuivis, elle a également dénoncé l'absence d'une quelconque “remise en question” de leur part car ils n'ont montré aucun signe d'“empathie” à la barre. Au regard de tous ces éléments, elle a requis un an de prison avec sursis contre Dominique Auroy et 400 000 francs d'amende contre Pierre Marchesini. 
 
Pour la défense de ce dernier, Me Mathieu Lamourette a ensuite expliqué que l'on ne pouvait que “déplorer” le fait que le médecin du travail qui avait fait la visite médicale de la victime en 2015 ne soit pas allé “au-delà”. À traduire : qu'il ne lui ait pas recommandé d'aller chez un cardiologue. L'avocat a également réaffirmé qu'à la date des faits, son client avait déjà démissionné de l'entreprise. Même tonalité du côté de l'avocat de Dominique Auroy, Me Jean-Michel Vergier, selon lequel l'affection dont souffrait la victime n'était pas forcément “détectable” lors d'une simple consultation généraliste. La cour d'appel rendra sa décision le 18 avril. 

Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 1 Février 2024 à 17:08 | Lu 9039 fois