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​Les leviers du Cesec pour lutter contre la pauvreté


Tahiti, le 8 août 2024 -  Le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) avait voté favorablement en février 2024, à la proposition d'auto-saisine de Maiana Bambridge, autour du sujet des inégalités et de la pauvreté en Polynésie française. Le projet de rapport a été rendu ce mercredi après son adoption en commission et devrait être étudié prochainement en séance plénière.

 
 
Pendant 17 séances, largement mises à mal par le rythme des saisines d’urgence du gouvernement sur ses textes, le Cesec a travaillé sur le sujet et mené ses auditions pour proposer quelques préconisations à l’attention du gouvernement alors que les chiffres donnent toujours près de 20% de la population sous le seuil de pauvreté. “Pour autant, la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités sont des questions qui semblent ne pas avoir trouvé la place qui leur est due dans le débat public en Polynésie française et ne se matérialisent pas dans une politique volontariste en tant que telle”, note le projet de rapport qui poursuit : “Il n’y aucune stratégie officielle à ce jour, connue et consultable, en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté et de réduction des inégalités en Polynésie française.”
 
Dans une Polynésie très fortement dépendante du tourisme et totalement esclave de ses importations et des marges pratiquées, le Cesec note aussi que le Fenua est malade de son système de protection sociale “dont les dépenses augmentent deux fois plus vite que le produit intérieur brut (PIB) et huit fois plus vite que la population”. “Entre 2016 et 2019, soit seulement 3 années, les prestations servies ont augmenté de 13%”, note la commission de préparation de ce projet de rapport.
 
L’éducation pour briser la courbe descendante
 
Échec scolaire en hausse, progression du chômage et paupérisation de la classe moyenne sont autant de facteurs pointés par le Cesec sur les conditions de la création d’inégalités et l’accroissement de la pauvreté au Fenua. De premières recommandations sont alors fournies comme la remise aux normes des infrastructures scolaires et le développement de programmes d’accompagnement éducatif ou encore le développement des transports scolaires.
 
Différentes idées sont évoquées comme la télé-éducation, l’amélioration de la prise en charge de la restauration scolaire, la re concentration sur les apprentissages fondamentaux ou encore l’implication des familles dans les apprentissages.
 
Plus grands, les élèves devraient aussi pouvoir profiter, selon le projet de rapport du Cesec, de meilleures offres de formations professionnelles, ou encore de meilleures conditions de stage en entreprises.
 
Pour peu que le marché du travail réponde, la Cesec souhaite aussi que sa jeunesse soit formée pour s’y installer.
 
Un meilleur accès au travail
 
Pour les représentants de la société civile, une jeunesse bien formée peut aussi être une jeunesse bien embauchée. “La réussite de l’insertion professionnelle et sociale repose sur de nombreux facteurs déterminants, parmi lesquels la formation et l’accompagnement des publics en difficulté.”
 
Le Cesec souhaiterait donc aller vers plus de formation et de stage pratique. Un peu ce que préconise d’ailleurs le gouvernement de Moetai Brotherson, sous l’impulsion de la ministre du Travail, Vannina Crolas. La mise en place de formations en alternance et de dispositifs d’apprentissage adapté à un public ciblé serait souhaitable selon le rapport, surtout pour permettre aux demandeurs des îles les plus éloignées de bénéficier du système d’accompagnement.
 
Enfin, toujours concernant l’emploi, l’auto-saisine du Cesec demande au Pays d’accentuer et d’encourager les créations d’activité des entrepreneurs mais met en garde contre cette grande tendance qui déstabilise considérablement le marché du travail aujourd’hui : l’emploi de patentés en lieu et place de salariés sous contrat.
 
Une réforme de la fiscalité
 
Afin de lutter contre la vie chère, le projet de rapport du Cesec propose de réformer la fiscalité en Polynésie française. Pour cela, l’Autorité de la concurrence, autorité indépendante, est sollicitée pour analyser les règles en matière de concurrence. Le but, selon les représentants de la société civile, serait “d’améliorer la transparence sur la formation des prix en développant des outils pour éclairer les filières tout au long de la chaîne d’approvisionnement, de production, de transformation et de distribution des produits et services”.
 
Le Cesec demande ainsi à lever les barrières qui limitent “l’arrivée de nouveaux acteurs sur les marchés locaux” et “freinent la concurrence”. La chasse aux marges arrière serait ainsi, enfin, lancée.
 
Plus généralement, le Cesec plaide pour la fondation d’une véritable politique sociale qui porte de nouveaux engagements, vers plus d’équité et une meilleure accessibilité aux droits. Ses propositions figurent dans la partie 3-5 du projet de rapport intitulé “Fonder ensemble notre politique sociale”.
 
Plusieurs axes fiscaux sont aussi évoqués pour faire changer les choses et essayer de faire baisser les prix, à défaut de pouvoir augmenter le pouvoir d’achat. “Diversifier et élargir l’assiette des prélèvements obligatoires ; veiller à ne pas pénaliser davantage le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes ; introduire des mécanismes en faveur de plus d’équité ; renforcer les contrôles et améliorer la cohérence des réglementations pour lutter contre le salariat “déguisé” et le travail clandestin. Des propositions qui ne sonnent pas comme une révolution, de même que la réforme de la Taxe de développement local évoqué au chapitre suivant du rapport, mais des propositions qui reviennent régulièrement, sans jamais être mise en place.

La réquisition des terres en indivision

Une proposition surprenante émerge du projet de rapport, la mobilisation “des terres en indivision pour des projets de logements”.
“La mobilisation du foncier indivis pour des projets de logements peut aider à répondre à la demande de logements. Le Cesec recommande de mobiliser les outils juridiques et mécanismes financiers permettant de réaliser des projets sur des terres indivis, notamment en favorisant les initiatives locales et des mesures incitatives de rénovation.”
Une démarche qui secouerait l’immobiliser localement.

Refonder la politique sociale

“En Polynésie française, il n’existe pas de document officiel permettant d’appréhender l’action sociale dans son ensemble”, note le projet de rapport du Cesec. Néanmoins, sur la trame de l’existant, des préconisations sont une fois encore émises afin de redéfinir une stratégie d’action sociale. “Le Cesec considère qu’il est nécessaire de donner un cadre général définissant les orientations stratégiques d’une politique sociale en Polynésie française”, est-il écrit dans le document. Lutte contre la pauvreté, amélioration de l’accompagnement des familles, accès aux droits sociaux, amélioration de la couverture médicale de proximité et surtout meilleure orientation des prestations sociales envers les plus défavorisés sont aussi au programme des préconisations.
 
Leg : La séance plénière qui étudiera le projet de rapport devrait être convoquée le 14 août prochain.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Vendredi 9 Août 2024 à 08:18 | Lu 1323 fois