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​Les bleus tirent à boulets rouge sur le Sage


Initialement prévu début juin, l'examen du Schéma d'Aménagement Général (Sage) avait été repoussé afin de mener de nouvelles consultations avec les conseils municipaux fraichement installés. Hier, le texte a finalement été examiné par l'assemblée et adopté sur fond d'échanges très vigoureux.
 
Il est des dossiers qui fédèrent et d'autres qui fâchent. Reporté début juin par un Édouard Fritch désireux de se concerter avec les futurs conseils municipaux, l'examen du Sage est finalement revenu rapidement sur le bureau des représentants. Il est assurément de ceux qui fâchent. Quelques jours après l'installation des nouvelles équipes municipales, les quelques 1 000 pages du texte ont fait l'objet de passes d'armes en mode crescendo entre gouvernement et opposition.

211 milliards d'investissements sur 20 ans

Après une entrée en matière adagio du ministre en charge du dossier, Jean-Christophe Bouissou, présentant le document comme le fruit d'années de négociations, il sera relayé par le rapporteur Michel Buillard vantant "le long cheminement" d'un texte qui table sur 211 milliards de francs de projets d'équipements à réaliser sur les 20 prochaines années. Un volume  d'investissements en quête de financement qui comprend notamment 3 et 4 milliards pour la  mise à niveau des aérodromes de Rangiroa et Nuku Hiva. Le Sage doit en effet fixer "les orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l’environnement" avec notamment "l’implantation des grands équipements d’infrastructures et de transport" et des activités industrielles, portuaires et touristiques. Avant la charge des opposants, l'intermède par la présentation de l'avis du CESEC sur la loi du Pays a fait office d'échauffement. "Aucune budgétisation", "pas de priorisation" avec des "modalités techniques et financières peu définies". Des observations en guise de hors-d'œuvre avant le plein de résistances.

Bouissou et sa "langue de reptile"

Nicole Sanquer commencera moderato en se montrant "mitigée" face à un schéma "inadapté" avec des "chiffres obsolètes" et "pas d'actualisation". Citant les projets à l'arrêt ou retournés dans les cartons comme la ferme aquacole de Hao, les mines de Makatea ou encore les îles flottantes, elle sera relayé par Geffry Salmon également peu convaincu. "Personne n'a la science infuse, (...) ça n'est certainement pas parfait", s’est défendu Bouissou avant d'entendre les interventions fortissimo des élus Tavini. Si pour Tina Cross, les projets d’îles flottantes n'ont plus à figurer dans le Sage, pour Richard Tuheiava, le document est déjà périmé : les constats ont été faits avant l'épidémie. Le document ne prend pas en compte la nouvelle situation alors que la Covid-19 a changé le mode de vie polynésien. Mais la charge viendra surtout d'Antony Geros peu calmé par sa réussite électorale récente. Traitant le ministre de "langue de reptile dont heureusement le venin n'est pas létal", le néo-maire a réaffirmé de façon théâtrale l'opposition du conseil municipal de Paea au projet de Route du Sud. Des interventions applaudies à tout rompre par une centaine de sympathisants venus assister à la séance. Des remarques appuyées par Nuihau Laurey pour qui "les projets avancés sont ceux les plus en opposition avec les populations. J'aurai aimé des projets qui fédèrent plus".

La Route du Sud fait perdre le Nord

Ce flot de critiques a passablement énervé Bouissou, un peu soutenu par René Temeharo et Luc Faatau. Il a renvoyé furioso les uns et les autres aux positions tenues en commission, ou encore il y a quelques années. Un exercice qui aurait pu être à double tranchant pour l'intéressé. Il pointe du doigt ceux qui n'ont visiblement pas lu le Sage, qui "sortent des inepties", qui "jouent au Don Quichotte" en essayant d'"intoxiquer" le débat par la politique politicienne, Bouissou invite le président du groupe Tavini à aller voir ailleurs. "Vous avez été élu maire. Vous n'êtes plus en campagne électorale. Vous devriez être à Paea en train de bosser."

Des échanges virulents qui n’ont pas empêché l'adoption de ce texte par 39 voix pour et 18 contre. A l'issue d'un vote allegro, le gouvernement, malmené et critiqué, a quitté presto l'hémicycle, avec une partie de la majorité, avant la suspension de la séance. Alors que Nuihau Laurey s'estimait "choqué" par cette attitude de désertion, Geros qui souhaitait remettre au ministre un courrier officiel de demande de retrait de la Route du Sud s’est trouvé sans interlocuteur. Le courrier sera finalement réceptionné par Gaston Tong Sang, dans le hall, entouré des sympathisants du nouveau maire de Paea. Cette transmission ne conclut pas la bataille : Antony Geros réunit un conseil municipal demain pour acter officiellement le refus du projet par la commune de Paea.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Lundi 6 Juillet 2020 à 20:27 | Lu 3937 fois