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​Législatives 2022 : Le dessous des quatre


Tahiti, le 9 juin 2022 – Plus ou moins courtisés, plus ou moins absorbés par leurs propres calculs politiques ces derniers jours… On connaît désormais avec plus de certitudes les positionnements des perdants du premier tour des législatives en vue du scrutin du 18 juin prochain. Des partis pour lesquels les grandes manœuvres politiques ont déjà débuté en vue des territoriales de 2023.
 
Après avoir annoncé en début de semaine qu'il n'entendait pas “baisser les bras”, le président du Amuitahira'a, Gaston Flosse, a réuni mercredi soir son parti en formation assez large d'un “grand conseil” à sa permanence à Papeete. Plusieurs points ont été abordés pendant plus de 4 heures au cours de la soirée, avec en premier lieu le bilan des résultats du premier tour (11 771 voix – 14% au total), puis le positionnement au second. Et sur ce deuxième sujet, le parti orange appellera à “l'abstention” le 18 juin prochain. Une décision prise à la quasi-unanimité moins quatre voix contre, a expliqué Gaston Flosse à la sortie de la réunion. Selon les informations recueillies par Tahiti Infos, quatre voix dissidentes sur 85 ont en effet opté pour un vote en faveur du Tavini. On retrouve, parmi elles, l'élue de Uturoa et candidate du parti, Sylviane Terooatea, son suppléant et maire délégué de Patio à Taha'a, Martial Teroroiria, l'élue de Moorea Christiane Kelley, et une des cadres du parti à Huahine Poerava Amo.
 
“C'est un acte pour dire que nous ne cautionnons pas le Tapura Huiraatira qui mène notre Pays (…) et nous ne pouvons pas non plus cautionner le Tavini Huiraatira qui ment au peuple dans son Ti'amara'a, a expliqué mercredi soir Gaston Flosse. Ce dernier n'a en effet aucun intérêt politique à favoriser le Tavini, avec qui il entend toujours disputer le leadership politique dans le camp indépendantiste en 2023. Et pour Gaston Flosse, pas question cette fois-ci d'appeler à voter en sous-main pour les candidats du parti bleu ciel. Et ceci sous peine “d'exclusion”, précise-t-il. Le leader du Amuitahira'a dit en substance regretter de ne pas s'être vu renvoyer l'ascenseur par Oscar Temaru, après avoir favorisé des candidats indépendantistes ces dernières années. Si Richard Tuheiava a été sénateur, c'est grâce au Tahoera'a. Si Moetai (Brotherson) a été député, c'est grâce au Tahoera'a. Si (Antony) Géros est maire de Paea aujourd'hui, c'est grâce au Tahoera'a. Et lui, c'est le meilleur modèle. Il est maire de Paea et il fout dehors ceux qui l'ont élu comme maire. Et vous pensez qu'on peut s'allier avec ces gens ? Non, non, non.
 
A Here s'oriente vers un “libre vote”
 
Du côté du A Here ia Porinetia de Nicole Sanquer, Nuihau Laurey et Félix Tokoragi (11 667 voix – 14% au total), le conseil politique initialement prévu ce jeudi a subi un contre-temps organisationnel et se trouve reporté à la semaine prochaine. Seules des réunions, circonscriptions par circonscriptions, étaient prévues jeudi soir. “On s'oriente quand même vers un libre choix de vote pour le second tour”, confiait-on néanmoins jeudi au sein du parti vert et blanc. “Mais des retours que l'on a, c'est 70% Tavini, 20% d'abstention et le reste d'indécis. On n'a pas beaucoup de retours en faveur du Tapura”, poursuivait-on en précisant toujours “qu'au sein du A Here ia Porinetia, on considère que nos électeurs ne nous appartiennent pas et qu'une consigne de vote n'aura de toutes façons pas forcément d'intérêt”.
 
Reste qu'une certaine attraction politique règne actuellement autour du parti présidé par Nicole Sanquer. Pour ce qui est des législatives, celle qui est encore députée de la deuxième circonscription s'est retrouvée invitée jeudi avec le gouvernement à la pose d'une première pierre à Afaahiti. Un petit évènement, mais qui ne s'était pas beaucoup produit depuis la démission de Nicole Sanquer du Tapura. À plus long terme, le chiffre des 14% atteints au premier tour –même s'il faut le relativiser avec une participation qui sera nettement supérieure aux territoriales– a fait du A Here ia Porinetia un parti crédible pour atteindre le second tour en 2023. Et donc représenter une opportunité en termes de sièges à l'assemblée. Le jeune parti doit trouver 57 noms à poser sur une liste d'ici les huit prochains mois. Et cette perspective a fait naître quelques appétences. Notamment à l'assemblée…
 
Nena prône un “vote libre… et pas pour les rouges”
 
Parmi les deux autres formations politiques qui ont pu compter lors du premier tour, le Hau Maohi Ti'ama de Tauhiti Nena (2 652 voix – 3% au total) n'a pas varié dans son positionnement annoncé dès samedi soir. “On reste sur un vote libre… et on ne vote pas pour les rouges”, confirmait jeudi Tauhiti Nena. “On ne peut pas cautionner la politique du gouvernement avec les décisions qu'ils ont prises pour le Covid. Et sur la gouvernance, on attend encore que le Pays décolle économiquement”, tance le leader du nouveau parti souverainiste. “Concernant les candidats du Tavini, faut qu'ils soient clairs au niveau de leur politique, de leur vision à court, moyen et long terme. Est-ce qu'ils sont pour la souveraineté ? À aucun moment ils n'ont été clairs.”
 
S'il évoque la réflexion menée actuellement dans l'opposition au Tapura d'une “plateforme commune pour 2023”, Tauhiti Nena ne semble pas enclin à participer à sa construction. “À partir du moment où il n'y a pas d'union, il n'y a pas de plateforme. Et aujourd'hui, il n'y a pas d'union. Donc nous, Hau Maohi Ti'ama, ce qui est sûr c'est qu'on se prépare pour 2023.” Or à l'inverse de la dynamique du A Here, certains soutiens du parti de Tauhiti Nena étaient plutôt enclins à quitter le navire pour nager vers des eaux plus clémentes cette semaine. Ernest Teagai, le maire de Tatakoto et président du Syndicat intercommunal des Tuamotu-Gambier –une belle prise de Tauhiti Nena pour ces législatives, qui a valu un improbable 71% du parti à Tatakoto samedi– a même directement proposé dès cette semaine à Oscar Temaru de lui réserver une place sur la liste du Tavini pour 2023.
 
HLV évoque une “plateforme” avec le Tavini
 
Enfin, Heiura-Les Verts (1 944 voix – 2%) maintient de son côté son appel à voter “contre le Tapura”, mais doit encore décider au terme d'une réunion prévue samedi s'il soutient officiellement les candidats du Tavini. Plus intéressant, le leader du parti, Jacky Bryant, indique avoir entamé des discussions avec Moetai Brotherson samedi dernier, qui se sont conclues par une rencontre avec Oscar Temaru mercredi. Dans une démarche de rassemblement en vue des territoriales, le secrétaire général de Heiura-Les Verts s'est vu proposer des discussions “après les élections” par le président du Tavini. “Il y a peut-être matière à trouver un terrain d'entente et à proposer une plateforme d'union au regard des territoriales de 2023, estime Jacky Bryant.
 
Reste, comme en 2004, à régler la question de la souveraineté. “Cela ne nous dérange pas car ce n'est pas ce qui nous préoccupe en particulier”, explique Jacky Bryant, qui se dit plus sensible à “l'urgence du changement climatique”. Et l'écologiste d'évoquer l'exemple des “plateformes structurées” comme le FLNKS ou plus récemment la Nupes en métropole. C'est là-dessus qu'on a eu cette discussion avec Moetai. Le Tavini est en position de force. C'est le parti le plus implanté sur l'ensemble du pays. Mais il ne pourra pas gagner s'il ne fait pas une démarche d'ouverture et en termes de stratégie de campagne politique. C'est une nécessité.
 

Gaston Flosse, président du Amuitahira'a : “Le Tavini ment sur son Ti'amara'a”

Pourquoi choisir l'abstention et ne pas appeler à voter blanc ?

“Voter blanc ou ne pas aller voter, c'est pareil puisque ce sont des bulletins qui sont considérés nuls. Le blanc est considéré comme nul. (…) C'est un acte pour dire que nous ne cautionnons pas le Tapura Huiraatira qui mène notre Pays et nous ne pouvons pas non plus cautionner le Tavini Huiraatira qui ment au peuple dans son Ti'amara'a. Cela fait 45 ans que ça dure. Ils sont bien gentils nos petits Le Gayic et Chailloux, mais enfin ils ont peut-être oublié que cela fait 45 ans… C'est vrai que Tematai Le Gayic n'est indépendantiste que depuis un an ou deux, alors il ne connait peut-être pas tout.”
 
Cela ne fait pas non plus très longtemps que vous prônez la souveraineté ?

“Moi, ça fait cinq ans. Mais le premier pas vers l'émancipation, c'est l'autonomie en 1984. Ça, c'est la première marche. On a eu des compétences que nous avons amélioré et maintenant, nous passons à la deuxième phase. C'est-à-dire l'État souverain associé à la France, avant la souveraineté pleine et entière. Mais il faut aller doucement il ne faut pas y aller tout d'un coup comme Oscar Temaru. De l'autonomie à l'indépendance. Il ne réussira jamais.”
 
Vous avez attendu de ne plus être copain avec l'État ?

“Non, pas du tout. Au contraire, je serai copain avec la France si elle me respecte. Si elle ne vient pas bousculer nos Polynésiens et prendre leur place. Et si elle fait bien son travail. Parce que le travail du député, c'est également de contrôler le travail du gouvernement de l'État français chez nous. Pourquoi est-ce que notre université est 64e sur 67 ? C'est de la compétence de l'État. Cela veut dire quoi ? L'État ne fait pas son travail.”
 
Les candidats Amuitahira'a ont fait une campagne contre le Tapura et contre le Tavini. Mais qu'est-ce que vous reprochez au Tavini qui, comme vous, est souverainiste ?

“Je reproche au Tavini de mentir à la population. Quand Oscar Temaru dit depuis 40 ans : 'fenua moni tatou'. Il n'y a pas de problèmes, on va arriver au paradis avec l'indépendance, nous avons plein d'argent. C'est un grossier mensonge, c'est tromper l'opinion. La souveraineté, ça veut dire des efforts, peut-être même des sacrifices, mais nous ne serons plus sous la dépendance d'un monsieur, d'un fonctionnaire d'État, qui vient ici deux ans et qui s'en va. Et qui s'en fout éperdument des Polynésiens.”
 
Est-ce que ce n'est pas aussi parce qu'il y a deux ou trois ans, le rapprochement n'a pas été possible avec le Tavini ?

“Non, il y a trois ou quatre mois peut-être. (Oscar Temaru) me dit : “Je n'ai aucune confiance en toi. Ton groupe politique est pour les Français. Moi je suis pour les Ma'ohi”. Et après, je vais dire d'aller voter pour ce gars là ? Impossible. C'est un menteur. Il trompe tous les Polynésiens qui croient qu'avec l'indépendance on aura tout. C'est faux.”
 
Certains vont dire que vous laissez un boulevard au Tapura ?

“Pas du tout, mais je ne peux pas non plus voter pour quelqu'un qui trompe l'opinion, qui trompe les Polynésiens, qui mène vers une indépendance qui ne sera jamais réalisée et qui sera vraiment une catastrophe pour notre Pays. Cette indépendance d'Oscar Temaru, ce sera la catastrophe. (…)”
 
Pas de nouveau 7/7/7 en vue alors ?

“Ah non, il n'en est pas question.”
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun et Antoine Samoyeau le Jeudi 9 Juin 2022 à 20:37 | Lu 4394 fois