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​Le procès de l’irresponsabilité sur fond de drame familial


PAPEETE, 28 février 2019 - Saoul, après avoir fumé du cannabis, sans permis de conduire et sans assurance, Etienne avait fauché le propriétaire d’un commerce de Moorea sur son lieu de travail, le 26 décembre dernier. Le tribunal le condamne à de la prison ferme. Sa victime, qui vient tout juste d’être amputé de la jambe gauche à Paris, obtient une indemnité provisoire de 6 millions de francs.

C’est le procès de l’irresponsabilité sur la route qu’a eu à instruire le tribunal en comparution immédiate, jeudi, alors qu'en toile de fond une famille traverse un drame à Paris. L'affaire a été renvoyée deux fois depuis fin décembre pour placer la victime en position d'obtenir une indemnité provisoire du fonds de garantie automobile.

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Debout à la barre du tribunal, Etienne se tient sagement. Short de bain et débardeur, les mains logées l’une dans l’autre devant le corps, le grand gaillard de 31 ans garde la tête légèrement baissée. Il se tait beaucoup et sa voix est timide lorsqu’il répond aux questions du président. Parfois, il verse une larme qu’il essuie avec le tissu de son débardeur.

Depuis deux mois, Etienne est maintenu en détention provisoire à Nuutania. Dans un accès d’irresponsabilité, alcoolisé, étourdi de cannabis, sans permis et sans assurance, le 26 décembre dernier, pour clore une après-midi de beuverie et d’insouciance à la plage, il avait pris le véhicule de sa concubine, une 106 de couleur or. Il ne conduisait occasionnellement que depuis moins d’un mois. Mais l’ambiance était devenue électrique à la plage. Il venait de s’interposer pour séparer deux convives avinés qui menaçaient d’en venir aux coups. Et c’est sur le chemin du retour à la maison, alors qu’il zigzaguait joyeusement à vive allure sur la route de ceinture de Moorea, qu’il a perdu le contrôle de son véhicule avant d’aller percuter de plein fouet le parking d’un commerce de location de quads.

Le propriétaire des lieux, Philippe, rentrait ses engins au garage lorsqu’il a été fauché par le choc : ce dernier a la jambe broyée entre deux engins et une fracture ouverte du tibia et du péroné avec perte de substance osseuse. Philippe est aujourd’hui maintenu en observation à l’hôpital Saint-Antoine à Paris où il a été évasané en janvier. On a dû lui amputer la jambe gauche au niveau du tibia. Une nécrose le laisse sous la menace d’une deuxième amputation au-dessus du genou. Surtout, l’entrepreneur est aujourd’hui sans revenu. Sa femme est à son chevet à Paris. Leur outil de travail est détruit.

D’une voix timide, Etienne l’affirme à la barre : en prison, il fait des cauchemars. Il a demandé à être libéré. "Je pense à ma victime. Je fais des prières pour lui", dit-il au tribunal. Se rend-il bien compte ?

Pour l’avocat de la victime, Me Abgrall, au-delà des condamnations pénales qui devront être prononcées à l’encontre de l’auteur des faits, c’est la situation d’indigence de ses clients à Paris qui présente une réelle urgence : "Leurs revenus provenaient de leur activité commerciale, la location de quads. En revanche, ils ont des charges. Sa compagne est naturellement au chevet de mon client, en France. Donc l’activité est à l’arrêt."

Depuis maintenant deux mois, il tente d’obtenir une indemnité provisoire en faveur de son client, de la part du fonds de garantie automobile. "À titre de provision, pour le préjudice personnel. Compte tenu de la nature de la blessure, à savoir l’amputation d’une jambe, on dépasse très largement les 6 millions", justifie-t-il. Le tribunal a reçu cette requête et prononcé l’exécution provisoire. La somme devra être versée, même en cas de procédure en appel.

Le procès sur intérêts civils est programmé le 12 juin prochain. Au pénal, Etienne est condamné à 36 mois de prison dont 18 avec sursis. Le délinquant de la route reste à Nuutania où il est déjà maintenu captif depuis deux mois en détention provisoire. Le tribunal prononce également à son encontre une peine de 3 ans de sursis mise à l’épreuve. Le temps pour lui de réfléchir aux conséquences dramatiques de ses actes. 

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 28 Février 2019 à 18:40 | Lu 1705 fois