Tahiti, le 30 janvier 2020 - Dans un arrêt rendu jeudi, la Cour européenne des droits de l'Homme condamne la France pour les conditions dégradantes de détention dans plusieurs centres pénitentiaires dont celui de Nuutania. Un arrêt qui met notamment en lumière les limites de l'organisation pénitentiaire en Polynésie malgré l'ouverture de la prison Tatutu à Papeari.
Dans un arrêt de 114 pages rendu jeudi, la Cour européenne des droits de l'Homme passe au crible le fonctionnement de plusieurs prisons françaises à la suite d’actions en justice de détenus et d'anciens détenus. Le fonctionnement de la prison de Nuutania à Faa’a est notamment examiné à la loupe.
L'Etat français attaqué pour “torture”
Dans cette affaire, les avocats des détenus qui ont saisi la Cour ont fait valoir une violation de l'article 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) qui dispose que “nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants”. C'est sur la base de cet article, intitulé “Interdiction de la torture” et dont l'application doit être faite sur tout le territoire européen donc français, que 32 plaignants, dont huit détenus du centre pénitentiaire de Faa'a Nuutania ont attaqué l'Etat français. Des requêtes présentées à titre individuel par les détenus mais cachant en réalité une action collective coordonnée par l’Observatoire international des prisons (OIP). Elle visait notamment à dénoncer les conditions de détention à Nuutania en pointant du doigt la sur-occupation, ainsi que l'insalubrité matérialisée de façon non exhaustive par la présence d’animaux nuisibles dans les cellules, la vétusté des locaux et des sanitaires, le manque d’hygiène à l’intérieur de la cellule, l’absence d’eau chaude et d’eau potable et les rations insuffisantes de nourriture.
Indemnisation ne vaut pas amélioration
Cette problématique des mauvaises conditions de détention est souvent réduite à la résolution de contentieux au tribunal administratif de Papeete, le plus souvent indemnitaires et qui ne remédient pas aux causes profondes liées à ces conditions dégradantes d'emprisonnement. La condamnation de l'Etat, prononcée par le tribunal administratif de Papeete en décembre dernier, à verser une indemnisation pour ne pas avoir pris les mesures de prévenance visant empêcher le viol d'un détenu en est l'exemple. Des indemnisations dont l'Etat tarde à s’acquitter avec des impayés de 44,6 millions de Fcfp pour réparer le préjudice moral causé à 88 anciens pensionnaires de Nuutania et qui sont, de surcroit, sans changement significatif dans les modalités de l'emprisonnement.
La CEDH note ainsi que même indemnisés, les détenus “se trouvent dans une situation continue au regard des conditions de détention qu’ils dénonçaient” et que “l’usage de voies de recours purement indemnitaires, en principe réservées aux personnes dont les conditions de détention présentées comme mauvaises ont pris fin (...), ne leur a pas permis d’obtenir un redressement direct et approprié de leurs droits garantis (...), à savoir la cessation ou l’amélioration de leurs conditions de détention”. Sur ce point, la juridiction européenne relève que le juge administratif français ne dispose d'aucun pouvoir pouvant enjoindre l'Etat à la réalisation de travaux pour mettre fin aux conséquences de la surpopulation carcérale ou à prendre des mesures de réorganisation du service public de la justice. Il ne peut prescrire en référé que des mesures transitoires et peu contraignantes, dans “l’attente d’une solution pérenne”, qui ne permettent pas de faire cesser rapidement le traitement inhumain ou dégradant. Ceci d'autant que l’administration invoque l’ampleur des travaux à réaliser pour faire obstacle au pouvoir d’injonction du juge. La Cour condamne ainsi la France en premier lieu pour absence de recours effectif.
Des conditions de détention satisfaisantes selon l'Etat
Dans un rapport de novembre 2018, le sénateur Soihili s'attardait notamment sur l’état déplorable des établissements pénitentiaires ultramarin et plaçait celui de Faa’a-Nuutania comme vétuste. Les personnes détenues y souffrent “de la surpopulation carcérale, de l’isolement, des difficultés d’accès aux soins et de la violence omniprésente, tant entre personnes détenues qu’à l’égard des personnels pénitentiaires” confirmant ainsi les allégations des plaignants. Ces dernières sont “en outre corroborées par les informations pertinentes des autorités nationales comme le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou d’organes internationaux comme le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants”, comme le relève la Cour.
Cette dernière note avec ironie que le site Internet du ministère de la Justice indiquait en juin 2019 que “l’actuel centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania est caractérisé par un état de dégradation marquée et une surpopulation”. Un constat de traitements dégradants et inhumains à Nuutania auquel l'Etat français s'est pourtant opposé au cours de la procédure devant la Cour européenne. En effet, il considère “que les conditions de détention sont satisfaisantes et conformes à l’article 3 de la Convention depuis la rénovation des cellules” même s'il “ne conteste pas la situation de surencombrement de l’établissement” et qu'il “admet que le CP de Faa’a-Nuutania est menacé par la présence récurrente d’animaux nuisibles, due en partie au rejet des déchets par les détenus”.
Un tableau quasi-idyllique, photos à l'appui, démontrant notamment “l’état très satisfaisant des douches dans les cellules” ou encore de la bibliothèque, devant lequel la Cour européenne a émis quelques doutes. Des doutes qui proviennent notamment du fait que l'Etat s'est délibérément abstenu, lors de l'instruction des plaintes des détenus, de donner une quelconque information sur le nombre de mètres carrés qui avaient été effectivement affectés à l'espace personnel de chacun d'eux ou sur l'état des cellules qu'ils occupent ou avaient réellement occupées.
Trois mètres carrés d'espace personnel sauf exception
C'est précisément sur le point de la surface dédiée pour chaque détenu que la Cour insiste lourdement après avoir constaté que les huit plaignants polynésiens disposaient d’un espace personnel se situant entre 2 et 3 m2. Elle note ainsi que le tribunal administratif de Papeete “a considéré que le partage d’une cellule de 10,78 m2 à quatre détenus ne heurtait pas l’article 3 de la Convention (…) ce qui, (...), pose question et nécessite un examen au fond”. Un examen au fond au terme duquel la Cour européenne renvoie sèchement aux principes qu'elle applique pour l’examen des cas de surpopulation carcérale et des autres aspects des conditions matérielles de détention.
Selon elle, “la norme minimale pertinente en matière d’espace personnel est de 3 m2, à l’exclusion de l’espace réservé aux installations sanitaires”. Cependant, lorsque la surface au sol dont dispose un détenu en cellule collective est inférieure à 3 m2, la Cour peut être amenée à considérer qu'il n'y a pas de conditions dégradantes de détentions si “les réductions de l’espace personnel par rapport au minimum requis de 3 m2 sont courtes, occasionnelles et mineures”. Le manque d’espace personnel est ainsi considéré par la juridiction européenne “comme étant à ce point grave” qu’il appartient à l'Etat français de réfuter de façon pertinente la violation des droits invoquée.
Or, alors qu’il admet la situation de surpeuplement de l’ensemble des prisons concernées, la Cour estime que l'Etat “n’a pas réfuté de façon convaincante les allégations des requérants” de Nuutania sur le respect de cette surface minimale et note également que l’absence de cloisonnement complet des sanitaires “n’est pas compatible avec les exigences de la protection de l’intimité des détenus lorsqu’ils partagent des cellules sur-occupées” et “constitue donc, en tout état de cause, un facteur aggravant du manque d’espace dont les requérants ont pu souffrir”.
Tatutu ne suffira pas
Des circonstances qui suffisent à la Cour pour juger que “les conditions de détention des requérants du CP de Faa’a-Nuutania ont été ou sont constitutives d’un traitement dégradant prohibé par l’article 3” de la Convention, soit donc une torture, et que l'Etat ne peut guère prouver et plaider que les périodes de réduction de l’espace personnel des requérants sont “courtes, occasionnelles et mineures”. Mais surtout, la Cour note que la construction d’un nouveau centre de détention de Tatutu, qui accueille des détenus depuis son ouverture en mai 2017, “ne modifie pas substantiellement la situation des requérants toujours détenus compte tenu de l’absence d’amélioration des conditions de détention au sein du CP de Faa’a-Nuutania”. Une conclusion qui n'est pas sans incidence : l'Etat français ne peut donc soutenir que la mise en service de la prison de Papeari va suffire à résorber les problèmes de détention de son établissement de Faa'a. La condamnation par la Cour européenne des droits de l'Homme pourrait donc conduire en toute logique soit vers un agrandissement d'un des établissements pénitentiaires en Polynésie, soit la construction d'un nouveau.
Dans un arrêt de 114 pages rendu jeudi, la Cour européenne des droits de l'Homme passe au crible le fonctionnement de plusieurs prisons françaises à la suite d’actions en justice de détenus et d'anciens détenus. Le fonctionnement de la prison de Nuutania à Faa’a est notamment examiné à la loupe.
L'Etat français attaqué pour “torture”
Dans cette affaire, les avocats des détenus qui ont saisi la Cour ont fait valoir une violation de l'article 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) qui dispose que “nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants”. C'est sur la base de cet article, intitulé “Interdiction de la torture” et dont l'application doit être faite sur tout le territoire européen donc français, que 32 plaignants, dont huit détenus du centre pénitentiaire de Faa'a Nuutania ont attaqué l'Etat français. Des requêtes présentées à titre individuel par les détenus mais cachant en réalité une action collective coordonnée par l’Observatoire international des prisons (OIP). Elle visait notamment à dénoncer les conditions de détention à Nuutania en pointant du doigt la sur-occupation, ainsi que l'insalubrité matérialisée de façon non exhaustive par la présence d’animaux nuisibles dans les cellules, la vétusté des locaux et des sanitaires, le manque d’hygiène à l’intérieur de la cellule, l’absence d’eau chaude et d’eau potable et les rations insuffisantes de nourriture.
Indemnisation ne vaut pas amélioration
Cette problématique des mauvaises conditions de détention est souvent réduite à la résolution de contentieux au tribunal administratif de Papeete, le plus souvent indemnitaires et qui ne remédient pas aux causes profondes liées à ces conditions dégradantes d'emprisonnement. La condamnation de l'Etat, prononcée par le tribunal administratif de Papeete en décembre dernier, à verser une indemnisation pour ne pas avoir pris les mesures de prévenance visant empêcher le viol d'un détenu en est l'exemple. Des indemnisations dont l'Etat tarde à s’acquitter avec des impayés de 44,6 millions de Fcfp pour réparer le préjudice moral causé à 88 anciens pensionnaires de Nuutania et qui sont, de surcroit, sans changement significatif dans les modalités de l'emprisonnement.
La CEDH note ainsi que même indemnisés, les détenus “se trouvent dans une situation continue au regard des conditions de détention qu’ils dénonçaient” et que “l’usage de voies de recours purement indemnitaires, en principe réservées aux personnes dont les conditions de détention présentées comme mauvaises ont pris fin (...), ne leur a pas permis d’obtenir un redressement direct et approprié de leurs droits garantis (...), à savoir la cessation ou l’amélioration de leurs conditions de détention”. Sur ce point, la juridiction européenne relève que le juge administratif français ne dispose d'aucun pouvoir pouvant enjoindre l'Etat à la réalisation de travaux pour mettre fin aux conséquences de la surpopulation carcérale ou à prendre des mesures de réorganisation du service public de la justice. Il ne peut prescrire en référé que des mesures transitoires et peu contraignantes, dans “l’attente d’une solution pérenne”, qui ne permettent pas de faire cesser rapidement le traitement inhumain ou dégradant. Ceci d'autant que l’administration invoque l’ampleur des travaux à réaliser pour faire obstacle au pouvoir d’injonction du juge. La Cour condamne ainsi la France en premier lieu pour absence de recours effectif.
Des conditions de détention satisfaisantes selon l'Etat
Dans un rapport de novembre 2018, le sénateur Soihili s'attardait notamment sur l’état déplorable des établissements pénitentiaires ultramarin et plaçait celui de Faa’a-Nuutania comme vétuste. Les personnes détenues y souffrent “de la surpopulation carcérale, de l’isolement, des difficultés d’accès aux soins et de la violence omniprésente, tant entre personnes détenues qu’à l’égard des personnels pénitentiaires” confirmant ainsi les allégations des plaignants. Ces dernières sont “en outre corroborées par les informations pertinentes des autorités nationales comme le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou d’organes internationaux comme le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants”, comme le relève la Cour.
Cette dernière note avec ironie que le site Internet du ministère de la Justice indiquait en juin 2019 que “l’actuel centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania est caractérisé par un état de dégradation marquée et une surpopulation”. Un constat de traitements dégradants et inhumains à Nuutania auquel l'Etat français s'est pourtant opposé au cours de la procédure devant la Cour européenne. En effet, il considère “que les conditions de détention sont satisfaisantes et conformes à l’article 3 de la Convention depuis la rénovation des cellules” même s'il “ne conteste pas la situation de surencombrement de l’établissement” et qu'il “admet que le CP de Faa’a-Nuutania est menacé par la présence récurrente d’animaux nuisibles, due en partie au rejet des déchets par les détenus”.
Un tableau quasi-idyllique, photos à l'appui, démontrant notamment “l’état très satisfaisant des douches dans les cellules” ou encore de la bibliothèque, devant lequel la Cour européenne a émis quelques doutes. Des doutes qui proviennent notamment du fait que l'Etat s'est délibérément abstenu, lors de l'instruction des plaintes des détenus, de donner une quelconque information sur le nombre de mètres carrés qui avaient été effectivement affectés à l'espace personnel de chacun d'eux ou sur l'état des cellules qu'ils occupent ou avaient réellement occupées.
Trois mètres carrés d'espace personnel sauf exception
C'est précisément sur le point de la surface dédiée pour chaque détenu que la Cour insiste lourdement après avoir constaté que les huit plaignants polynésiens disposaient d’un espace personnel se situant entre 2 et 3 m2. Elle note ainsi que le tribunal administratif de Papeete “a considéré que le partage d’une cellule de 10,78 m2 à quatre détenus ne heurtait pas l’article 3 de la Convention (…) ce qui, (...), pose question et nécessite un examen au fond”. Un examen au fond au terme duquel la Cour européenne renvoie sèchement aux principes qu'elle applique pour l’examen des cas de surpopulation carcérale et des autres aspects des conditions matérielles de détention.
Selon elle, “la norme minimale pertinente en matière d’espace personnel est de 3 m2, à l’exclusion de l’espace réservé aux installations sanitaires”. Cependant, lorsque la surface au sol dont dispose un détenu en cellule collective est inférieure à 3 m2, la Cour peut être amenée à considérer qu'il n'y a pas de conditions dégradantes de détentions si “les réductions de l’espace personnel par rapport au minimum requis de 3 m2 sont courtes, occasionnelles et mineures”. Le manque d’espace personnel est ainsi considéré par la juridiction européenne “comme étant à ce point grave” qu’il appartient à l'Etat français de réfuter de façon pertinente la violation des droits invoquée.
Or, alors qu’il admet la situation de surpeuplement de l’ensemble des prisons concernées, la Cour estime que l'Etat “n’a pas réfuté de façon convaincante les allégations des requérants” de Nuutania sur le respect de cette surface minimale et note également que l’absence de cloisonnement complet des sanitaires “n’est pas compatible avec les exigences de la protection de l’intimité des détenus lorsqu’ils partagent des cellules sur-occupées” et “constitue donc, en tout état de cause, un facteur aggravant du manque d’espace dont les requérants ont pu souffrir”.
Tatutu ne suffira pas
Des circonstances qui suffisent à la Cour pour juger que “les conditions de détention des requérants du CP de Faa’a-Nuutania ont été ou sont constitutives d’un traitement dégradant prohibé par l’article 3” de la Convention, soit donc une torture, et que l'Etat ne peut guère prouver et plaider que les périodes de réduction de l’espace personnel des requérants sont “courtes, occasionnelles et mineures”. Mais surtout, la Cour note que la construction d’un nouveau centre de détention de Tatutu, qui accueille des détenus depuis son ouverture en mai 2017, “ne modifie pas substantiellement la situation des requérants toujours détenus compte tenu de l’absence d’amélioration des conditions de détention au sein du CP de Faa’a-Nuutania”. Une conclusion qui n'est pas sans incidence : l'Etat français ne peut donc soutenir que la mise en service de la prison de Papeari va suffire à résorber les problèmes de détention de son établissement de Faa'a. La condamnation par la Cour européenne des droits de l'Homme pourrait donc conduire en toute logique soit vers un agrandissement d'un des établissements pénitentiaires en Polynésie, soit la construction d'un nouveau.
“Avoir toute l’Europe qui s’indigne de cette situation, c’est une vraie victoire”
Me Thibault Millet
Avocat des huit plaignants polynésiens
Cette décision de la cour européenne des droits de l’Homme, c’est une victoire pour vous ?
“C’est une immense victoire, parce que c’est une procédure qui dure depuis 2016. Elle est un peu particulière pour ce qui concerne la Polynésie. Il y avait huit détenus requérants parmi les 32. Et c’est une procédure pour laquelle nous avons eu beaucoup de mal. Quand on nous avait demandé de faire part de notre avis d’avocat, et de témoigner des conditions de détention, j’avais demandé à des confrères de témoigner, parce qu’ils connaissaient Nuutania. J’avais subi des pressions de la direction de la prison qui voulait nous empêcher de témoigner des conditions de détention devant la CEDH.
Avoir cette décision aujourd’hui d’un juge européen qui confirme les conditions de détention inhumaines et dégradantes de Nuutania et avoir toute l’Europe qui s’indigne de cette situation, c’est une vraie victoire.”
Qu’implique cette décision pour la prison de Faa’a ?
“Même si ce n’était pas la motivation principale, il y a déjà les conséquences indemnitaires. Nous avons au total près de 20 millions de Fcfp alloués aux huit détenus qui ont saisi la CEDH. Mais surtout, nous avons derrière une décision majeure qui ne se contente pas simplement d’allouer des indemnités comme ça a pu être le cas jusqu’à présent. Elle vient combler des carences du système judiciaire et législatif français. On se plaint de ne pouvoir empêcher les manquements aux droits de l’Homme, au niveau des conditions de détention. Mais il n’y a pas possibilité pour le juge en France de faire injonction à l’administration de mettre en conformité ses prisons. Pour la première fois, la Cour européenne des droits de l’Homme intime à la France de réformer son système carcéral.
L’exécution de cette recommandation va être soumise au contrôle du Conseil européen. Il va donc y avoir un suivi vigilant pour vérifier si l’Etat français réforme son système carcéral et sa politique pénale, qui s’illustre par un recours massif à l’emprisonnement. D’autres décisions vont certainement suivre. Si on voit qu’il n’y a pas de changement, la Cour européenne des droits de l’Homme pourrait monter d’un cran et fixer un délai. Pour l’instant, il n’y en a pas et c’est la seule souplesse qu’elle accorde à l’Etat français.”
La nouvelle prison de Papeari permet-elle une amélioration des conditions carcérales en Polynésie ?
“Il y a une amélioration certaine pour tout ce qui est détention définitive. En revanche, la détention provisoire, qui concerne des personnes qui sont présumées innocentes, parce que pas encore jugées, n’a pas du tout évolué. Nous avons toujours les mêmes violations des droits humains à Nuutania qu’il y a trois ou quatre ans.”
Malgré les travaux de rénovations ?
“Ces travaux n’ont pas changé grand-chose. Les détenus sont toujours aussi nombreux dans les cellules, les toilettes sont toujours à l’intérieur sans vraie séparation… On n’a pas de réelle amélioration. Si vous posez du carrelage dans une cellule de 10 mètres carrés où sont incarcérés quatre détenus, elle reste toujours aussi petite et le quotidien n’en est pas amélioré pour autant.”
Avocat des huit plaignants polynésiens
Cette décision de la cour européenne des droits de l’Homme, c’est une victoire pour vous ?
“C’est une immense victoire, parce que c’est une procédure qui dure depuis 2016. Elle est un peu particulière pour ce qui concerne la Polynésie. Il y avait huit détenus requérants parmi les 32. Et c’est une procédure pour laquelle nous avons eu beaucoup de mal. Quand on nous avait demandé de faire part de notre avis d’avocat, et de témoigner des conditions de détention, j’avais demandé à des confrères de témoigner, parce qu’ils connaissaient Nuutania. J’avais subi des pressions de la direction de la prison qui voulait nous empêcher de témoigner des conditions de détention devant la CEDH.
Avoir cette décision aujourd’hui d’un juge européen qui confirme les conditions de détention inhumaines et dégradantes de Nuutania et avoir toute l’Europe qui s’indigne de cette situation, c’est une vraie victoire.”
Qu’implique cette décision pour la prison de Faa’a ?
“Même si ce n’était pas la motivation principale, il y a déjà les conséquences indemnitaires. Nous avons au total près de 20 millions de Fcfp alloués aux huit détenus qui ont saisi la CEDH. Mais surtout, nous avons derrière une décision majeure qui ne se contente pas simplement d’allouer des indemnités comme ça a pu être le cas jusqu’à présent. Elle vient combler des carences du système judiciaire et législatif français. On se plaint de ne pouvoir empêcher les manquements aux droits de l’Homme, au niveau des conditions de détention. Mais il n’y a pas possibilité pour le juge en France de faire injonction à l’administration de mettre en conformité ses prisons. Pour la première fois, la Cour européenne des droits de l’Homme intime à la France de réformer son système carcéral.
L’exécution de cette recommandation va être soumise au contrôle du Conseil européen. Il va donc y avoir un suivi vigilant pour vérifier si l’Etat français réforme son système carcéral et sa politique pénale, qui s’illustre par un recours massif à l’emprisonnement. D’autres décisions vont certainement suivre. Si on voit qu’il n’y a pas de changement, la Cour européenne des droits de l’Homme pourrait monter d’un cran et fixer un délai. Pour l’instant, il n’y en a pas et c’est la seule souplesse qu’elle accorde à l’Etat français.”
La nouvelle prison de Papeari permet-elle une amélioration des conditions carcérales en Polynésie ?
“Il y a une amélioration certaine pour tout ce qui est détention définitive. En revanche, la détention provisoire, qui concerne des personnes qui sont présumées innocentes, parce que pas encore jugées, n’a pas du tout évolué. Nous avons toujours les mêmes violations des droits humains à Nuutania qu’il y a trois ou quatre ans.”
Malgré les travaux de rénovations ?
“Ces travaux n’ont pas changé grand-chose. Les détenus sont toujours aussi nombreux dans les cellules, les toilettes sont toujours à l’intérieur sans vraie séparation… On n’a pas de réelle amélioration. Si vous posez du carrelage dans une cellule de 10 mètres carrés où sont incarcérés quatre détenus, elle reste toujours aussi petite et le quotidien n’en est pas amélioré pour autant.”