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​L’indemnisation des détenus de Nuutania pas si simplifiée


Tahiti, le 13 mai 2020 - Suite à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de janvier dernier sur les conditions de détention dans les prisons françaises dont Nuutania, le tribunal administratif de Papeete a examiné les premières demandes d'indemnisation formulées sur la nouvelle base de calcul. Une méthode plus favorable au demandeur mais pas évidente à mettre en œuvre.

Entre 2013 et 2019, le tribunal administratif s'était penché sur près de 240 dossiers de demandes d'indemnisations en lien avec les mauvaises conditions de détention à Faa'a. La juridiction avait au cours de cette période accordé près de 75 millions de Fcfp d'indemnités aux différents demandeurs. Un nombre et un montant qui peut laisser penser à une indemnisation plus facile pour un détenu que pour une victime des essais nucléaires. En janvier dernier, un arrêt de la CEDH changeait la donne en élargissant les possibilités d'indemnisation.
 
Calcul plus large, plus simple... et plus compliqué
 
Auparavant, le droit à être indemnisé était accordé quand un détenu de Nuutania était emprisonné dans une cellule non rénovée par l’administration et qu’il avait bénéficié d’une espace personnel inférieur à 3 m². Depuis son arrêt rendu le 30 janvier 2020, la CEDH considère qu'il y a une forte présomption de traitement inhumain à l'encontre d'un détenu dès que son espace vital disponible en cellule collective était inférieur à 3 m² indépendamment de l'état des locaux. Mais la juridiction européenne est allée plus loin. Elle considère qu'entre 3 et 4 m², les détenus peuvent être indemnisés. Il faut pour le juge tenir compte notamment des restrictions dans les promenades, dans l'accès aux activités ou des problèmes d'aération ou d'hygiène. Une nouvelle façon d'indemniser qui s'accompagne d'un calcul différent des surfaces en cause. Désormais, les sanitaires ne sont pas compris dans le calcul de l'espace vital. Les conditions d'indemnisations deviennent ainsi plus larges et plus favorables aux détenus mais plus difficiles à évaluer précisément.
 
Compte d'apothicaire dans la pénitentiaire
 
La nouvelle façon de calculer impose au juge d'examiner en détails le parcours du détenu. En effet, un changement de cellule en cours de détention ou le bénéfice du quartier “portes ouvertes” permettant de circuler dans le bâtiment entre 5h30 et 18h doit être pris désormais en compte dans l'analyse. Aux jours s'appliquent alors un tarif journalier puis un coefficient multiplicateur. Un exercice d'apothicaire auquel s'est résolu le rapporteur public du tribunal administratif sur les premiers dossiers traités par la juridiction depuis l'arrêt de la CEDH. Elle a ainsi découpé les parcours pénitentiaires par période en suivant l'évolution des conditions de détention. Elle a conclu à l'obligation pour l'Etat d'indemniser trois ex-détenus pour un montant global d'environ 1,3 million de Fcfp.


Rédigé par Sébastien Petit le Mercredi 13 Mai 2020 à 20:39 | Lu 2059 fois