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​L’affaire des frigos revient à la case départ


Tahiti, le 19 mai 2022 - En août 2019, treize sociétés du pôle distribution du groupe Louis Wane étaient sanctionnées d’une amende globale de 235 millions de Fcfp par l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) pour des pratiques de prix excessifs et discriminatoires sur le service de réfrigération des boissons vendues en magasins. La décision avait cependant été cassée en janvier 2021. Dans un arrêt du 12 mai 2022, la cour d’appel de Paris a décidé de revenir à la case départ. L’affaire est renvoyée à l’APC pour être en partie réinstruite.

Suite à une saisine de l’Union des importateurs de Polynésie française et des sociétés Brapac distribution, Kim Fa, Morgan Vernex et Société de distribution de Polynésie en avril 2016, l’APC avait ouvert une enquête à l’encontre de plusieurs sociétés du groupe Wane. En cause, une pratique d’abus de position dominante par l’application de conditions tarifaires discriminatoires entre les fournisseurs de boissons pour l'implantation de leurs boissons en meubles réfrigérés dans les magasins. L’APC condamnait alors, par une décision du 22 août 2019, le pôle distribution du groupe Wane à une amende globale de 235 millions de Fcfp.
 
Ping-pong entre juridictions
 
Cependant, avant la publication de la décision, le groupe avait engagé dès février 2019 une requête en suspicion légitime à l’encontre du président de l’APC, Jacques Mérot, pour défaut d’impartialité. Ce dernier avait ainsi produit en octobre 2018 une attestation dans le litige prud'homal opposant justement le groupe Wane à son ancien directeur du pôle distribution. Un document jugé suffisamment problématique pour remettre en cause l’impartialité de la décision et la pertinence de l’amende infligée au groupe. A l’issue de plusieurs jugements de la Cour de cassation et de la cour d’appel de Paris, l’annulation de la décision du 22 août 2019 était finalement actée. Reste que la plainte initiale devait, pour une “bonne justice”, être traitée. La cour d’appel décidait en juillet 2020 de confier l’affaire à l’autorité métropolitaine de la concurrence à Paris. Mais cette dernière renverra rapidement le dossier à l’expéditeur estimant qu’elle “n’est pas compétente pour connaître des pratiques en Polynésie française”. Nouveau recours qui obligeait la cour d’appel à trouver une solution juridique.
 
Annulation et retour à la case départ
 
Dans un long arrêt daté du 12 mai 2022, la juridiction revient abondamment sur les problèmes de procédure. Elle conclut qu’il existe un “doute raisonnable concernant le respect du principe de séparation entre les organes chargés d'instruire et ceux chargés de juger l'affaire au sein de l'APC et partant sur l'indépendance des services d'instruction dans la conduite de leurs investigations et analyses”. Un constat qui conduit la cour à annuler la notification de griefs adressées aux sociétés du groupe Wane en juin 2018 et le rapport du service d'instruction établi en décembre 2018 et à renvoyer l’affaire à l’APC “aux fins de reprise de l'instruction”. Un choix qui s’explique selon la cour par le fait que le décor a changé.
 
Le décor est planté
 
Une nouvelle présidente de l'APC est en effet en poste depuis juillet 2021 et une nouvelle rapporteure générale depuis juillet 2020. Les membres du collège ont également été changés intégralement. Pour la cour, “la composition de l'APC ayant été substantiellement renouvelée, rien ne s'oppose au renvoi de l'affaire à l'instruction de l'APC, autrement composée”. Une situation idéale vue de Paris qui fait abstraction de l’actualité polynésienne récente. La chambre territoriale des comptes a en effet, dans un rapport publié fin avril, étrillé la gestion de l’association Tahitian Pearl Association of French Polynesia, dirigée par une membre du collège de l’APC. Le rapport très sévère, notamment sur les problèmes de mise en concurrence de l’organisme, comporte des observations qui peuvent faire tache sur un membre du collège censé être “nommé en raison de ses compétences dans les domaines juridique ou économique, et en tenant compte de son niveau de diplôme et d'expérience professionnelle intéressant les questions de concurrence ou de consommation”. Mais aussi et surtout, un conflit ouvert est apparu entre la présidente de l’APC et la rapporteure générale. La première a demandé et obtenu la suspension provisoire de la seconde. Ce contentieux, toujours pendant, est examiné par le tribunal administratif de Papeete. Une sanction qui a conduit la rapporteure générale a évoqué en audience le défaut d’impartialité de la présidente et son immixtion dans le travail du service d’instruction. Un retour à la case départ qui se double donc d’une impression de déjà-vu.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Jeudi 19 Mai 2022 à 16:04 | Lu 4208 fois