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​Ce que Bora Bora doit à Pearl Harbor


Tahiti, le 6 décembre 2022 - Il y a 81 ans, jour pour jour, la marine américaine était bombardée à Pearl Harbor. Deux mois plus tard, l’opération Bobcat était initiée à Bora Bora. De cet épisode de son histoire, l’île tire aujourd’hui une notoriété véhiculée dès la fin des années 1940 par les boys rentrés au pays. Les vestiges de l’opération Bobcat sont désormais restaurés et intégrés dans les circuits touristiques de la Perle du Pacifique.
 
Hier, 7 décembre 1941, un jour qui restera à jamais marqué d'infamie, les États-Unis ont été l'objet d'une attaque brutale et délibérée, lâche et injustifiée […]”, avait martelé le ton grave et déterminé le président Franklin Roosevelt, seul devant un congrès américain galvanisé. La veille, la marine US venait de subir le bombardement et la destruction d’une partie importante de sa flotte, à Pearl Harbor sur l’île de Oahu à Hawaii. Une heure plus tard, les États-Unis déclaraient la guerre au Japon. Un conflit qui ne s’achèverait que quatre ans plus tard avec le bombardement à l’arme nucléaire de Hiroshima et Nagasaki.

Et alors que s’ouvrait ce chapitre noir de l’histoire contemporaine, les Établissements français d’Océanie étaient sur le point d’enter à leur manière dans la Seconde Guerre mondiale. Le 17 février 1942 débutent en effet le débarquements à Bora Bora de plus de quatre mille cinq cents hommes issus d’unités diverses de l’armée américaine, dont des troupes des “Construction Battalions”, les CB, communément appelés Seabees, une unité de génie militaire de l'US Navy. C’est leur premier théâtre d’opération extérieur après le raid de l’aviation japonaise sur Pearl Harbor deux mois plus tôt. L’opération militaire, nom de code de Bobcat, a pour mission l’installation d’un dépôt d’huile lourde et des défenses appropriées pour le ravitaillement des convois en route entre le canal de Panama et l’Australasie, bastion stratégique clé de la riposte alliée à l’agression japonaise.

Les trois jours qui précèdent le débarquement des Américains, des tractations engagées entre le vice-amiral Shafroth et l’administrateur Charles Passard consolident celles entamées secrètement sur un plan diplomatique avec la France Libre avant même l’épisode Pearl Harbor. Ces tractations posent les conditions d’installation pour les quatre années à venir. Cette installation ne sera pas sans impact pour ses populations locales qui entrent, dans le XXe siècle, au grand dam de l’écrivain James Norman Hall qui en fera la trame de son livre Lost Island, publié après-guerre.
 
Sites réhabilités à Bora Bora
 
Car la notoriété de l’île de Bora Bora, aujourd’hui fleuron de l’industrie touristique polynésienne, va se construire avec les boys rentrés au pays. Le temps a depuis fait son œuvre et les vestiges de cette présence militaire américaine tombées en désuétude souffraient de toutes signalétiques et de toutes informations historiques. En cette date d’anniversaire du bombardement de Pearl Harbor, il est utile de rappeler ce pan de l’histoire de la Perle du Pacifique. C’est d’ailleurs le défi que se sont fixés l’association Mémoire Polynésienne, Porinetia Ha’amanao, sous l’impulsion de son président Jean-Christophe Shigetomi, la Fondation Tupuna Tumu, le FVDA et Amex-Ofina en réhabilitant courant 2021 les vestiges de la présence américaine à Bora Bora. Des sites qui, souvent situées sur les hauteurs et dans des domaines privés, n’étaient souvent pas accessibles sans une autorisation de passage de leurs propriétaires et le concours de guides motorisés. Le site de la pointe Ti’ara’a-vahine-i-fitiu’u, à Anau, offrait en revanche une situation physique et de réhabilitation des plus favorables comparée aux autres sites historiques répertoriés de l’île. C’est donc le premier à avoir été réhabilité. Fort de l’accord de ses propriétaires, la batterie de deux canons de marine de 7 pouces de la pointe de Fitiu’u, son poste de tir et ses deux poudrières ont fait l’objet d’un chantier de restauration.

Désormais entièrement nettoyé de la brousse qui l’envahissait et facile d’accès, le site dit du Rocher Noir est aujourd’hui restauré et équipé d’une signalétique avec passerelle numérique. Le visiteur peut y accéder de la route de ceinture après quelques cinq minutes de marche en terrain plus ou moins plat. D’une plateforme sécurisée, il peut alors découvrir l’océan turquoise avec sa ligne de motu sur laquelle se tiennent aujourd’hui cinq établissements de l’hôtellerie classée. Ce site bénéficie aujourd’hui d’une large médiatisation auprès des touristes de passage à Bora Bora, relayée par l’ensemble de ses prestataires touristiques et Tahiti Tourisme.

Bobcat virtuel et à ciel ouvert
 
Le scan d’un premier Qr code au moyen d’un smatphone plonge le visiteur dans l’année 1942 où il découvre en réalité virtuelle le déclenchement de l’opération Bobcat. Le teaser est en anglais avec des sous-titres en français. Il s’appuie sur des images d’archives.
Une dizaine de minutes sont ensuite nécessaires pour gagner les deux autres sites dits du poste de tir et de la batterie. Les deux canons, le poste de tir et les poudrières ont été aussi nettoyées de leurs graffitis. Des informations historiques en trois langues, anglais, français et tahitien y sont aussi désormais présentes sur des panneaux posés sur le poste de tir réhabilité et près de la batterie de canons.
 
Comme pour le site du Rocher Noir, les panneaux se complètent d’une information historique virtuelle en langue anglaise avec des sous-titres en français. Ainsi, le scan du QR Code de la batterie permet au visiteur de mesurer les travaux titanesques entrepris par le corps des Seabees pour transporter les deux pièces d’artillerie de marine sur site et leur installation.
Le scan du Qr Code du poste de tir permet comme la vigie de garde de scruter le ciel
 
pour voir évoluer un Catalina et superviser face à lui l’entraînement des hommes du 13e Coast Artillery. Enfin, un fare pote’e permet aux visiteurs de se reposer à l’abri, selon la saison, du soleil ou de la pluie.
 
L’opération Bobcat appartient désormais fortement à l’histoire de l’île de Bora Bora qui a accueilli en mai 2022 l’opération interarmées Marara. Un exercice militaire en marge duquel la pointe Fitiu’u a été à l’honneur. Enfin, le salon du livre de novembre 2022 a accueilli, dans une version collector, l'ouvrage de Jean-Christophe Shigetomi consacré à cet épisode clé de l'histoire contemporaine de Bora Bora,  Bobcats, les Américains à Bora Bora 1942-1946. Une dernière étape de ce chantier de mémoire reste désormais celle de l'aménagement d’un musée dédié. Le chantier est en cours.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 6 Décembre 2022 à 19:07 | Lu 1731 fois