Tahiti, le 18 mars 2024 - Tahiti Infos s’est procuré le dernier rapport de la Chambre territoriale des comptes au sujet d’Air Tahiti Nui de 2018 à 2022, qui devrait être dévoilé le 3 avril prochain. Un rapport plutôt bienveillant envers la compagnie, contrairement à celui émis en 2013, mais qui pointe en filigrane une politique du Pays parfois peu cohérente.
Second rapport de l’année 2024 pour la Chambre territoriale des comptes (CTC) avec la remise de ses conclusions concernant la compagnie Air Tahiti Nui, unique transporteur intercontinental aérien dont le siège social est installé à Tahiti.
Si la CTC, dans ses conclusions, salue “cette société” qui “constitue une originalité dans le milieu de l’aéronautique commercial”, elle estime que “l’étendue de son réseau international long-courriers vient en contraste avec sa taille limitée (quatre avions)”. Une originalité, “source d’agilité mais aussi de vulnérabilité sur un marché façonné de plus en plus par des groupes dominants mondiaux”.
La raison d’être d’Air Tahiti Nui depuis sa création en 1996 était de favoriser le développement économique de la Polynésie française, en y développant le tourisme. Une action porteuse puisque jusqu’en 2018, “sur un total de dix touristes comptabilisés aux arrivées internationales à l’aéroport de Tahiti, jusqu’à sept ont pu être transportés par ATN”. Ils ne sont pourtant plus que 42,6% aujourd’hui.
Mais depuis l’arrivée de nouveaux transporteurs, la donne est différente. “Les résultats obtenus par ATN sur le tronçon Tahiti-États-Unis ont attiré l’attention de compagnies cherchant des opportunités de développement”, note la CTC. De fait, Air France, puis French bee, United Airlines et d’autres encore se sont saisies de l’opportunité que représente le tronçon, avec l’accord des gouvernements successifs “sans qu’au préalable, une estimation d’impact sur le marché aérien et une évaluation des effets sur la bonne marche d’ATN soient conduites”, note le gendarme financier.
Ces arrivées successives ont mis à mal la compagnie dès 2019. Moins 15,8% du chiffre d’affaires et -6% de coefficient moyen de remplissage par rapport à 2018 pour un déficit global d’exploitation qui s’est creusé de 22% entre les deux exercices, en passant de -1,85 milliard de francs à -2,26 milliards de francs.
Malgré les années Covid, l’offre de sièges avec les nouvelles compagnies entrantes a doublé (+111%), instaurant une guerre commerciale entre les compagnies présentes et empêchant ATN de répercuter l’inflation. Désormais, ATN est concurrencée sur 80% de son réseau et, fait aggravant, “il s’avère que le tronçon entre les États-Unis et Tahiti est historiquement la seule route rentable pour la compagnie”, note la CTC. “Celle-ci permettait de compenser en partie les pertes financières enregistrées sur les autres destinations (Tokyo et Auckland). En partie car même avant la pandémie, elle ne parvenait déjà pas à dégager un excédent d’exploitation global.”
Second rapport de l’année 2024 pour la Chambre territoriale des comptes (CTC) avec la remise de ses conclusions concernant la compagnie Air Tahiti Nui, unique transporteur intercontinental aérien dont le siège social est installé à Tahiti.
Si la CTC, dans ses conclusions, salue “cette société” qui “constitue une originalité dans le milieu de l’aéronautique commercial”, elle estime que “l’étendue de son réseau international long-courriers vient en contraste avec sa taille limitée (quatre avions)”. Une originalité, “source d’agilité mais aussi de vulnérabilité sur un marché façonné de plus en plus par des groupes dominants mondiaux”.
La raison d’être d’Air Tahiti Nui depuis sa création en 1996 était de favoriser le développement économique de la Polynésie française, en y développant le tourisme. Une action porteuse puisque jusqu’en 2018, “sur un total de dix touristes comptabilisés aux arrivées internationales à l’aéroport de Tahiti, jusqu’à sept ont pu être transportés par ATN”. Ils ne sont pourtant plus que 42,6% aujourd’hui.
Mais depuis l’arrivée de nouveaux transporteurs, la donne est différente. “Les résultats obtenus par ATN sur le tronçon Tahiti-États-Unis ont attiré l’attention de compagnies cherchant des opportunités de développement”, note la CTC. De fait, Air France, puis French bee, United Airlines et d’autres encore se sont saisies de l’opportunité que représente le tronçon, avec l’accord des gouvernements successifs “sans qu’au préalable, une estimation d’impact sur le marché aérien et une évaluation des effets sur la bonne marche d’ATN soient conduites”, note le gendarme financier.
Ces arrivées successives ont mis à mal la compagnie dès 2019. Moins 15,8% du chiffre d’affaires et -6% de coefficient moyen de remplissage par rapport à 2018 pour un déficit global d’exploitation qui s’est creusé de 22% entre les deux exercices, en passant de -1,85 milliard de francs à -2,26 milliards de francs.
Malgré les années Covid, l’offre de sièges avec les nouvelles compagnies entrantes a doublé (+111%), instaurant une guerre commerciale entre les compagnies présentes et empêchant ATN de répercuter l’inflation. Désormais, ATN est concurrencée sur 80% de son réseau et, fait aggravant, “il s’avère que le tronçon entre les États-Unis et Tahiti est historiquement la seule route rentable pour la compagnie”, note la CTC. “Celle-ci permettait de compenser en partie les pertes financières enregistrées sur les autres destinations (Tokyo et Auckland). En partie car même avant la pandémie, elle ne parvenait déjà pas à dégager un excédent d’exploitation global.”
Préserver à la fois ATN et la concurrence
Avec plus de concurrence sur le dos, la compagnie au tiare souffre. Les résultats financiers se sont étiolés d’année en année et son modèle économique “est remis en cause”, poursuit le rapport. L’ouverture sur Seattle pour offrir une offre différente de celle de ses concurrents a renforcé par rebond sa dépendance commerciale sur la ligne Tahiti-États-Unis alors que la réouverture récente de la ligne avec le Japon ne garantit aucune réussite. Le Pays est alors pris au piège. Il doit désormais “encourager la concurrence tout en préservant ATN”.
Pour aider la compagnie au tiare, tout en ne verrouillant pas le ciel polynésien en allant à l’encontre du principe de concurrence, la CTC propose au gouvernement de repenser son approche. “Le ciel polynésien ouvert, dans le cadre d’accords internationaux, ne dispense toutefois pas le Pays d’exercer ses compétences de régulation, notamment au travers de clauses statistiques, de façon à préserver la capacité de la compagnie locale à créer de la valeur, ou du moins à pouvoir conserver ses parts de marché en nombre de sièges commercialisés et être en mesure d’incorporer l’inflation, notamment due à l’augmentation forte des prix du carburant.”
Pour aider la compagnie au tiare, tout en ne verrouillant pas le ciel polynésien en allant à l’encontre du principe de concurrence, la CTC propose au gouvernement de repenser son approche. “Le ciel polynésien ouvert, dans le cadre d’accords internationaux, ne dispense toutefois pas le Pays d’exercer ses compétences de régulation, notamment au travers de clauses statistiques, de façon à préserver la capacité de la compagnie locale à créer de la valeur, ou du moins à pouvoir conserver ses parts de marché en nombre de sièges commercialisés et être en mesure d’incorporer l’inflation, notamment due à l’augmentation forte des prix du carburant.”
Les choix du gouvernement pourraient user ATN
“Dans ce contexte général sous tension, ATN est susceptible d’être impactée à nouveau par au moins deux projets structurants annoncés au cours du premier semestre 2023 par le président du gouvernement”, explique dans sa synthèse le rapport de la Chambre territoriale des comptes.
En effet, la possibilité d’ouvrir un aéroport aux Marquises “aurait certainement des conséquences sur les conditions d’exploitation de la compagnie”, estime la CTC qui préconise qu’“il serait de bonne gestion d’intégrer le rôle de la compagnie dans ce projet dès les premières phases d’études”.
Autre souci, la volonté affichée du président Brotherson d’attirer 600 000 touristes par an au Fenua à l’horizon des dix années à venir. La CTC estime dans son rapport qu’ATN serait alors obligée de surdévelopper ses capacités de transport, avec un accompagnement financier du Pays forcément limité par ses propres capacités budgétaires et une impossibilité pour lui d’augmenter son capital dans la société (84,82% alors que le plafond est fixé à 85%). Une vision que ne partageait déjà pas le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) en 2015, préférant s’orienter vers un tourisme plus “confidentiel” visant à privilégier le revenu par touriste et non pas le nombre de touristes lui-même.
Les derniers chiffres disponibles dans le rapport d’activité de 2022 de la compagnie indiquent qu’elle a transporté un total de 387 515 passagers dans l’année, dont 86 390 touristes. Sur un total de 218 710 vacanciers acheminés par l’ensemble des compagnies aériennes à Tahiti, ATN occupe ainsi la première place sur le marché touristique aérien avec 39,5%. Une première place qui masque que plus de 60% des touristes voyagent désormais sur d’autres compagnies.
Avec quatre avions, et des mastodontes économiques face à elle, ce ratio peut-il perdurer en cas de croissance subite du nombre de touristes acheminés ?
En effet, la possibilité d’ouvrir un aéroport aux Marquises “aurait certainement des conséquences sur les conditions d’exploitation de la compagnie”, estime la CTC qui préconise qu’“il serait de bonne gestion d’intégrer le rôle de la compagnie dans ce projet dès les premières phases d’études”.
Autre souci, la volonté affichée du président Brotherson d’attirer 600 000 touristes par an au Fenua à l’horizon des dix années à venir. La CTC estime dans son rapport qu’ATN serait alors obligée de surdévelopper ses capacités de transport, avec un accompagnement financier du Pays forcément limité par ses propres capacités budgétaires et une impossibilité pour lui d’augmenter son capital dans la société (84,82% alors que le plafond est fixé à 85%). Une vision que ne partageait déjà pas le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) en 2015, préférant s’orienter vers un tourisme plus “confidentiel” visant à privilégier le revenu par touriste et non pas le nombre de touristes lui-même.
Les derniers chiffres disponibles dans le rapport d’activité de 2022 de la compagnie indiquent qu’elle a transporté un total de 387 515 passagers dans l’année, dont 86 390 touristes. Sur un total de 218 710 vacanciers acheminés par l’ensemble des compagnies aériennes à Tahiti, ATN occupe ainsi la première place sur le marché touristique aérien avec 39,5%. Une première place qui masque que plus de 60% des touristes voyagent désormais sur d’autres compagnies.
Avec quatre avions, et des mastodontes économiques face à elle, ce ratio peut-il perdurer en cas de croissance subite du nombre de touristes acheminés ?
Le marché asiatique ne décolle pas, faute d’hébergements
Dans son rapport, la Chambre territoriale des comptes (CTC), analysant la stratégie commerciale d’Air Tahiti Nui, met le doigt sur un marché porteur, qui échappe encore et toujours à la Polynésie française, et pour cause. Selon Air Tahiti Nui, “le marché asiatique dépend à plus de 90% de la qualité et de la disponibilité du réceptif : les projets de voyage des clientèles asiatiques se heurteraient aux réservations décidées plus tôt traditionnellement par les visiteurs américains, saturant la capacité d’hébergement. À cet obstacle, s’ajoutent des tarifs défavorables par rapport à d’autres destinations exotiques. Ils renoncent en fin de compte à leur projet de venir visiter la Polynésie française. Ce phénomène d’éviction ne semble pas avoir été anticipé par le Pays.”
Avant de développer l’arrivée des touristes, le Pays serait donc inspiré de relancer la capacité d’hébergement en Polynésie française. Et paradoxalement, cette politique pourrait tuer la compagnie, qui verrait alors les compagnies aériennes concurrentes tenter de se tailler une part du gâteau. “L'existence d'un projet de développement touristique considéré comme essentiel à la croissance de l'économie polynésienne dans son ensemble peut ainsi constituer paradoxalement un frein à l’élaboration par la compagnie aérienne locale d’un projet stratégique viable”, explique la CTC. “Cette situation, pour être évitée, passe nécessairement par la concertation entre les acteurs locaux. (…) La viabilité d’ATN, en tant que société commerciale agissant sur un marché concurrentiel, repose avant tout sur ses performances économiques. Or, la santé économique de la compagnie reste fragile, à tel point qu’elle envisage une recapitalisation à terme pour assurer sa survie.”
Si le président du Pays Moetai Brotherson n’y voit pas là d’inquiétude, répondant à la CTC que l’arrivée de la concurrence permettra à ATN de “repenser son modèle économique et de s’adapter en offrant une bonne qualité de service”, la Chambre met cependant en garde : “Les marges de manœuvre de la compagnie ATN sont des plus étroites pour repenser son modèle économique, notamment à cause de sa taille très réduite en comparaison de ses concurrents directs, et que dès lors le Pays doit assumer pleinement son rôle d’autorité régulatrice du ciel polynésien s’il souhaite la préserver.”
Un demi-milliard par an, le coût de la grève
Déjà atteinte financièrement, Air Tahiti Nui a été touchée par une grève de son personnel naviguant en juin 2023. Une grève qui n’a trouvé son issue qu’avec l’intervention du Pays le 12 juillet.
À l’occasion de la remise du rapport de la Chambre territoriale des comptes, on apprend que la direction a évalué le surcoût direct de la mise en œuvre des accords qui prévoient notamment la revalorisation du salaire minimum garanti des PNC à 280 millions de francs en année pleine, soit 150 millions de francs en 2023. En outre, des mesures d’augmentations collectives ont été convenues pour un coût estimé de 300 millions de francs en année pleine. Le total cumulé atteint en conséquence 580 millions de francs en année pleine.