Tahiti Infos

​4 000 passagers en attente de vol


Tahiti, le 3 octobre 2022 - Le protocole d’accord signé dimanche entre le Pays et les pompiers grévistes, s’il est synonyme de revendications satisfaites, signifie aussi le traitement urgent des passagers bloqués dans les îles et à Tahiti. Un surplus de 3 500 à 4 000 passagers” que la compagnie Air Tahiti tente de résorber d’ici la fin de semaine au moyen de vols supplémentaires, en rappelant son absence de responsabilité dans cette crise.
 
Une grogne succède à l’autre, à l’aéroport de Tahiti-Faa’a. Après celle des pompiers, que le gouvernement a calmé en arrosant la profession, est venue celle des passagers. Ou plutôt ceux qui voudraient l’être. Soit près de 4 000 personnes dont les vols prévus ont été victimes de la grève, au départ ou à destination de Tahiti.
 
L’attente latente
 
L’agence aéroportuaire d’Air Tahiti et le hall attenant ne désemplissait pas, lundi matin, d’îliens désireux de regagner leur pénates, peu avares de critiques envers le transporteur aérien. Dénonçant qu’il n’y ait pas eu d’organisation derrière” la grève, se trouvant bloquée sur Tahiti depuis vendredi”, l’une se désole, nous ne sommes pas prioritaires pour rentrer chez nous”, mais “espère un vol supplémentaire” car je veux rentrer aujourd’hui”, nous n’avons pas de sous pour vivre à Tahiti”, or il n’y a pas de place avant trois semaines” selon elle. Une autre porte ses espoirs sur la persévérance au poste d’attente, il se peut qu’il y ait un vol à 16 heures”. Une troisième cliente déplore le naufrage de ses congés familiaux : On est allé à Air Tahiti pour voir pour nos billets, mais pour cette année nos vacances sont à l’eau. Ça fait huit mois qu’on avait réservé. (…) Tout est décalé, on ne peut plus partir. Les critiques ne manquent pas, à destination de la compagnie domestique plutôt qu’adressées aux grévistes, à qui une cliente en attente lance même un les pompiers, je vous comprends”, avant de réclamer une prise en compte par Air Tahiti des clients prioritaires”. Parmi lesquels elle se classe.
 
Air Tahiti : les ailes du désir
 
Chez Air Tahiti, la crise n’est pas terminée, elle est en cours de traitement. Dans un entretien accordé à Tahiti Infos, le directeur général de la compagnie, Manate Vivish, explique la mécanique de l’après-grève : La difficulté aujourd’hui pour nous, c’est de retrouver nos petits. Parce qu’on ne sait pas où les gens sont précisément. Les agences de voyage ont déplacé des touristes par exemple, qui devaient partir sur un archipel, et qui finalement ont été logés dans un autre archipel pour faire face à la situation. Donc les services de la direction commerciale sont en train de faire le point sur tous ces éléments.”
 
Premier point pour rassurer les clients, “le programme de vol de cette semaine s’exécute normalement. (…) Donc les passagers qui sont sur ces vols qui sont programmés vont pouvoir voyager normalement. Donc notre rôle à nous c’est de voir maintenant les disponibilités qu’il y a sur chacun de ces vols, pour faire en sorte que ces disponibilités soient affectées aux passagers qui sont en souffrance. Et lorsque les vols sont pleins, l’idée c’est de lancer des vols supplémentaires.”
 
L’archipel marquisien fait l’objet d’un traitement spécifique, car “la situation est un peu particulière, parce qu’il s’agit d’un archipel très éloigné, il faut 3h30 pour aller là-bas, donc 3h30 pour revenir, ce qui fait au total 8h à 8h30 d’indisponibilité pour un avion. Ce qui fait que quand un avion est affecté à une rotation aux Marquises, on l’a perdu pour la journée. Il ne peut quasiment rien faire d’autre, alors qu’il y a plein de petites îles qui elles aussi sont en souffrance. Donc pour les Marquises, nous avons dû annuler quatre rotations ce week-end, il y en a une qui a pu se faire parce qu’il y avait une dépouille qui devait être transportée sur Atuona, et nous allons donc rattraper ça dans la mesure du possible, dans les jours qui viennent. Je viens d’apprendre que par exemple nous mettrons deux vols supplémentaires demain (NDLR : mardi) pour faire les Marquises, pour essayer de résorber les passagers en souffrance là-bas.”
 
Le dirigeant d’Air Tahiti tient à rassurer les –très– nombreuses personnes en liste d’attente, ces passagers-là vont être contactés pour la plupart d’entre eux, pour être repositionnés sur des vols sur lesquels nous avons de la disponibilité”. Face aux critiques visant la réactivité du transporteur aérien, Manate Vivish interroge à son tour : Maintenant, est-ce que nous pouvions imaginer qu’ils en sortiraient après deux jours de conflit ? Ce n’était pas évident. Je rappelle que la dernière fois que les pompiers ont fait grève, cela a duré plus de deux semaines.” Non sans oublier de “féliciter les protagonistes pour leur sens des responsabilités et leur capacité à dépasser leurs différends pour arriver à trouver une solution.” ll ne s’agirait pas d’ajouter aux critiques des clients bloqués, celles du gouvernement et du syndicat, fraîchement sortis de conflit.
 
Résorption dans la semaine
 
Air Tahiti mobilise ses équipes depuis ce week-end afin de résoudre la problématique engendrée par la grève des pompiers, aussi son directeur général –qui les remercie abondamment– se veut optimiste. J’espère que d’ici la fin de la semaine nous aurons complètement résorbé ce surplus de passagers qui n’auront pas pu être transportés pendant les deux-trois jours de grève.” Preuve en est, la mise en œuvre de vols supplémentaires : Aujourd’hui (lundi) nous en avons faits quelques-uns sur Huahine, aux Australes aussi, sur Tubuai et Rurutu, parce que nous n’avons pas été en mesure de libérer un avion sur une journée entière pour les Marquises, mais demain (mardi), nous arrivons à trouver un créneau pour les Marquisiens.” Des vols supplémentaires qu’Air Tahiti met en œuvre pour que même la grogne soit passagère.
 

Manate Vivish directeur général d'Air Tahiti : “Nous avons mis des vols supplémentaires”

Que répondez-vous aux critiques sur le manque d’anticipation d’Air Tahiti, dans la gestion après-grève des passagers bloqués ?

“Nous avons des équipes qui sont restées sur le qui-vive tout ce temps-là, avec des messages incessants. Nous avons des systèmes de communication entre nous en cas de crise, en l’occurrence c’était une crise. Nous avons réuni un comité de crise dès vendredi dans la journée, ensuite les équipes ont été quelque part un peu affectées à la gestion de cette crise, tant au niveau commercial, qu’au niveau opérationnel, les équipages, les avions, etc. Tout le monde a coordonné ses actions pour faire en sorte d’offrir le service le plus optimum possible à la clientèle en difficulté. Je profite de cette occasion pour remercier les personnels de la compagnie qui ont œuvré sans relâche durant tout le week-end, de manière à pouvoir faire en sorte que les passagers subissent le désagrément le plus faible possible.”
 
Avez-vous prévu des vols supplémentaires ?

“Oui, nous avons mis des vols supplémentaires pour certains archipels, en fonction des éléments d’information dont nous disposions ce matin. Nous faisons un point durant la journée afin de savoir où se trouvent les passagers, de manière à ne pas non plus lancer des vols inutilement. Parce que faire décoller un avion et se rendre compte qu’il est parti à vide, c’est vraiment dommage compte tenu des coûts de mise en œuvre que ça représente. Donc il faut être parcimonieux là-dessus, et il vaut mieux à la limite prendre un peu son temps, mais être en mesure d’œuvrer utilement.”
 
Des consignes ont-elles été données aux équipes pour le traitement des passagers ?

“Malheureusement, chez Air Tahiti nous sommes confrontés souvent à ce genre de situation, où sans être responsable d’un souci qui peut arriver, nous devons faire face au mécontentement des passagers. Le personnel prend ça avec le plus de diplomatie possible, ils sont entraînés, formés pour ça, et essaient de faire en sorte que les choses se passent bien. (…)”
 
Y a-t-il des pénalités pour les passagers touchés par la grève ?

“Non, toutes les pénalités de modification de dossier ont été écartées. Elles ne seront pas appliquées, parce que bien évidemment là il s’agit d’un évènement extérieur, qui n’était sous le contrôle de personne.”
 
Cette grève représente une perte pour Air Tahiti ?

“Certainement, c’est une situation qui va coûter à la compagnie beaucoup. Mais ce n’est pas la priorité. Ce qui nous importe, c’est de rendre le service, et de faire en sorte que les passagers arrivent le plus tôt possible chez eux.”
 
La grève des pompiers pourrait-elle être suivie d’une grève à Air Tahiti ?

“Il n’y a pour l’instant aucune manifestation de velléité particulière. Mais vous savez que nous approchons de la fin d’année, qu’il y a une poussée très forte de l’indice des prix, que les salariés ont perdu en pouvoir d’achat, nous avons aussi une activité qui a été très soutenue pendant à peu près une année, après deux années de quasi-inactivité ou d’activité très désorganisée. Donc tout ça nous amène à constater que le personnel est un peu en attente, et notre rôle à nous c’est d’ouvrir des voies de dialogue avec les différents représentants, de manière à veiller à faire en sorte que tout ça soit contenu, et que l’on pense surtout d’abord à l’intérêt de notre clientèle qui nous fait vivre. Parce que je rappelle qu’Air Tahiti c’est une société privée, et elle vit grâce aux recettes qu’elle perçoit des passagers qu’elle transporte. Donc c’est grâce à notre clientèle qu’Air Tahiti existe, donc il faut que chacun ait cela à l’esprit et prenne ses responsabilités.”
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun et Antoine Samoyeau le Lundi 3 Octobre 2022 à 21:00 | Lu 2995 fois