TAHITI, le 4 mai 2023 - Le livre “Ruby Moonlight” vient de paraître aux éditions Au vent des îles. Traduit par Mireille Vignol, il est signé Ali Cobby Eckerman. L’autrice, fameuse poète aborigène raconte en vers libres l’impact de la colonisation dans les années 1880. Un texte haletant et poignant.
Ruby, jeune aborigène et unique survivante du massacre de son clan, erre seule dans le bush ne se fiant qu’à la nature et à son instinct. Quand son chemin croise celui de Jack, “ce mince Irlandais trentenaire/au menton piqué de roux”, les deux êtres solitaires s’apprivoisent dans l’environnement raciste et violent de l’Australie du XIXe siècle. Ils s’attachent l’un à l’autre sans se comprendre verbalement, ils ne connaissent pas la langue de l’autre. C’est ainsi que pourrait se résumer le livre intitulé “Ruby Moonlight” de Ali Cobby Eckermann qui vient de paraître chez Au Vent des îles, traduit par Mireille Vignol.
Née en terre Kaurna
Ali Cobby Eckermann est une célèbre poète aborigène issue des peuples Yankunytjatjara et Kokatha. Née en terre Kaurna en 1963, elle appartient à la “génération volée”, celle des enfants d’Australiens aborigènes qui ont été enlevés à leur famille par des agences gouvernementales ou des missions religieuses. Elle fut adoptée alors qu’elle était bébé par la famille Eckermann. À l’âge adulte, elle reprit contact avec sa mère, Audrey, et quatre ans plus tard avec son fils, Jonnie. Après avoir passé plus de trente ans dans le Territoire du Nord, elle réside à présent dans le village de Koolunga, en Australie du Sud, où elle a rénové la vieille épicerie locale pour la transformer en une retraite d’écriture aborigène. Depuis la sortie de son premier recueil de poésie “Little bit long time”, en 2009, elle n’a cessé d’écrire. Ruby Moonlight a été édité en 2012. Il a remporté de prestigieux prix littéraires en Australie et le prix Windham Campbell de l’université de Yale aux États-Unis.
Malgré les apparences, Ruby Moonlight est un roman. Ali Cobby Eckerman a rédigé un texte en vers libres. C’est-à-dire qu’elle propose un poème qui ne présente aucune structure définie. Les vers sont des longueurs variables et peuvent, ou non, être rimés. Le poème en vers libres n’est pas nécessairement constitué de strophes et ne respecte pas un rythme fixe, le nombre de pieds par vers est changeant. De fait, Ruby Moonlight se découpe en paragraphes de diverses longueurs. Il est dépourvu de ponctuation. Les paragraphes sont regroupés par page et détaillent un titre. Dans cet enchaînement de phrases, chaque mot compte, où qu’il soit placé. Le roman est d’une beauté rare, d’une justesse sans faille. “Un don de douce pluie/dégouline du piton rocheux/elle se réfugie sur la terre sèche.” Le texte est singulier, tranchant, touchant, tout à la fois près de la terre et proche de l’âme. Il se lit sans temps ni peine. Au contraire, il file. Il s’échappe, rattrapé par un suspense croissant.
Ruby, jeune aborigène et unique survivante du massacre de son clan, erre seule dans le bush ne se fiant qu’à la nature et à son instinct. Quand son chemin croise celui de Jack, “ce mince Irlandais trentenaire/au menton piqué de roux”, les deux êtres solitaires s’apprivoisent dans l’environnement raciste et violent de l’Australie du XIXe siècle. Ils s’attachent l’un à l’autre sans se comprendre verbalement, ils ne connaissent pas la langue de l’autre. C’est ainsi que pourrait se résumer le livre intitulé “Ruby Moonlight” de Ali Cobby Eckermann qui vient de paraître chez Au Vent des îles, traduit par Mireille Vignol.
Née en terre Kaurna
Ali Cobby Eckermann est une célèbre poète aborigène issue des peuples Yankunytjatjara et Kokatha. Née en terre Kaurna en 1963, elle appartient à la “génération volée”, celle des enfants d’Australiens aborigènes qui ont été enlevés à leur famille par des agences gouvernementales ou des missions religieuses. Elle fut adoptée alors qu’elle était bébé par la famille Eckermann. À l’âge adulte, elle reprit contact avec sa mère, Audrey, et quatre ans plus tard avec son fils, Jonnie. Après avoir passé plus de trente ans dans le Territoire du Nord, elle réside à présent dans le village de Koolunga, en Australie du Sud, où elle a rénové la vieille épicerie locale pour la transformer en une retraite d’écriture aborigène. Depuis la sortie de son premier recueil de poésie “Little bit long time”, en 2009, elle n’a cessé d’écrire. Ruby Moonlight a été édité en 2012. Il a remporté de prestigieux prix littéraires en Australie et le prix Windham Campbell de l’université de Yale aux États-Unis.
Malgré les apparences, Ruby Moonlight est un roman. Ali Cobby Eckerman a rédigé un texte en vers libres. C’est-à-dire qu’elle propose un poème qui ne présente aucune structure définie. Les vers sont des longueurs variables et peuvent, ou non, être rimés. Le poème en vers libres n’est pas nécessairement constitué de strophes et ne respecte pas un rythme fixe, le nombre de pieds par vers est changeant. De fait, Ruby Moonlight se découpe en paragraphes de diverses longueurs. Il est dépourvu de ponctuation. Les paragraphes sont regroupés par page et détaillent un titre. Dans cet enchaînement de phrases, chaque mot compte, où qu’il soit placé. Le roman est d’une beauté rare, d’une justesse sans faille. “Un don de douce pluie/dégouline du piton rocheux/elle se réfugie sur la terre sèche.” Le texte est singulier, tranchant, touchant, tout à la fois près de la terre et proche de l’âme. Il se lit sans temps ni peine. Au contraire, il file. Il s’échappe, rattrapé par un suspense croissant.
La traductrice, Mireille Vignol, a vécu 18 ans en Australie et travaillé pendant 15 ans au sein de l’Australian Broadcasting Corporation. Elle a couvert l’actualité du Pacifique Sud et de nombreux festivals culturels dans la région, présenté et réalisé une émission hebdomadaire d’affaires aborigènes puis de culture océanienne et réalisé Books & Writing, un programme littéraire. Depuis son retour en France en 2002, elle traduit des grands noms de la littérature australienne et océanienne (Kate Grenville, Witi Ihimaera, Kenneth Cook, Epeli Hau’ofa, Anna Funder, Alice Tawhai, Peter Temple, Evie Wyld, Russell Soaba, le poète Peter Bakowski…), des écrivains américains comme Nickolas Butler ou Steve Stern et des auteurs de polar (George Pelecanos, Walter Mosley, Lawrence Block, Roger Smith…).
Elle explique que la première fois qu’elle a lu le texte, elle n’a même pas pensé à la forme. “J'ai été happée par l'histoire, la beauté des images, la sincérité de l'écriture, le rythme de la narration, les rebondissements et la capacité d'espoir dans un environnement d'une nocivité extrême. Ruby Moonlight est un roman.” Selon elle, dans certains romans, “la poésie se niche dans le style et les images, dans celui-ci ; elle se niche en plus dans le format et dans la tension qu'Ali Cobby Eckermann maîtrise si bien. Pour être honnête, ce que j'ai pensé en lisant le texte pour la première fois, c'est que j'avais extrêmement envie (et un peu peur) de le traduire”.
Garder les contrastes de l’écriture
Les difficultés de traduction se trouvaient “dans le rythme et le souffle du texte”. Mireille Vignol a cherché à garder “les contrastes d'écriture, le style parfois lyrique, parfois cru et dur, parfois drôle, tout en maintenant l'harmonie du tout.” Il lui a fallu “camper les personnages de Ruby et de Jack, mais aussi la nature qui joue véritablement le rôle d'un personnage. Comme le texte doit ‘claquer’ à l'oral, il fallait le lire à voix haute, encore et encore, le peaufiner et le ciseler”. Elle confie avoir fait appel à “ses copines à ce stade du travail”, les invitant pour des lectures de sa traduction française à voix haute. “Elles m’ont signalé ce qui accrochait, ce qu'elles avaient du mal à comprendre, ce qui leur semblait lourd ou maladroit. On a continué de malaxer le texte, de se remuer les méninges. Des solutions sont apparues sur le moment ou plus tard, après que le texte s’était reposé dans ma tête.” Et c’est ainsi que, passant en français, le texte a pu garder toute sa vigueur.
Ali Cobby Eckerman écrit sous le titre Tempo : “lever de soleil/passent les jours/coucher de soleil", “les feuilles se transforment/passent les semaines/les étoilent se décalent” et enfin “le soleil s’adoucit/passent les mois/l’air se rafraîchit”. Les livres eux aussi passent, Ruby Moonlight, lui, reste.
Elle explique que la première fois qu’elle a lu le texte, elle n’a même pas pensé à la forme. “J'ai été happée par l'histoire, la beauté des images, la sincérité de l'écriture, le rythme de la narration, les rebondissements et la capacité d'espoir dans un environnement d'une nocivité extrême. Ruby Moonlight est un roman.” Selon elle, dans certains romans, “la poésie se niche dans le style et les images, dans celui-ci ; elle se niche en plus dans le format et dans la tension qu'Ali Cobby Eckermann maîtrise si bien. Pour être honnête, ce que j'ai pensé en lisant le texte pour la première fois, c'est que j'avais extrêmement envie (et un peu peur) de le traduire”.
Garder les contrastes de l’écriture
Les difficultés de traduction se trouvaient “dans le rythme et le souffle du texte”. Mireille Vignol a cherché à garder “les contrastes d'écriture, le style parfois lyrique, parfois cru et dur, parfois drôle, tout en maintenant l'harmonie du tout.” Il lui a fallu “camper les personnages de Ruby et de Jack, mais aussi la nature qui joue véritablement le rôle d'un personnage. Comme le texte doit ‘claquer’ à l'oral, il fallait le lire à voix haute, encore et encore, le peaufiner et le ciseler”. Elle confie avoir fait appel à “ses copines à ce stade du travail”, les invitant pour des lectures de sa traduction française à voix haute. “Elles m’ont signalé ce qui accrochait, ce qu'elles avaient du mal à comprendre, ce qui leur semblait lourd ou maladroit. On a continué de malaxer le texte, de se remuer les méninges. Des solutions sont apparues sur le moment ou plus tard, après que le texte s’était reposé dans ma tête.” Et c’est ainsi que, passant en français, le texte a pu garder toute sa vigueur.
Ali Cobby Eckerman écrit sous le titre Tempo : “lever de soleil/passent les jours/coucher de soleil", “les feuilles se transforment/passent les semaines/les étoilent se décalent” et enfin “le soleil s’adoucit/passent les mois/l’air se rafraîchit”. Les livres eux aussi passent, Ruby Moonlight, lui, reste.