Tahiti Infos

Vernaudon, Pomare et Tefaatau devant la justice pour Radio Bleue


Vernaudon, Pomare et Tefaatau devant la justice pour Radio Bleue
PAPEETE, le 17 janvier 2017 - Mardi, le tribunal correctionnel de Papeete a étudié le dossier de l'affaire Radio Bleue dans une ambiance particulièrement tendue. Le parquet a requis un an de prison ferme et 10 millions de francs d'amende à l'encontre d'Émile Vernaudon, le maire de Mahina de l'époque.

C'est lors d'une audience particulièrement tendue qu'Émile Vernaudon, Joinville Pomare et Gilles Tefaatau étaient jugés pour faux et usages de faux, abus de confiance et détournement de fonds publics pour des faits commis entre 2002 et 2008 dans l'affaire de la radio communale de Mahina Radio Bleue.

Le procureur de la République a requis contre Gilles Tefaatau, directeur de Radio Bleue entre 2003 et 2004, quatre mois de prison avec sursis simple et une amende d'un million de francs. Le représentant du parquet a par ailleurs requis six mois de prison ferme et 5 millions de francs d'amende à l'encontre de Joinville Pomare et enfin un an de prison ferme et 10 millions de francs d'amende à l'encontre d'Émile Vernaudon, le maire de Mahina de l'époque.

Alors qu'Émile Vernaudon s'insurgeait du traitement qui lui a été infligé par la justice, "je suis le seul politique à avoir payé ! Et là on veut encore m'envoyer en prison. Non ! Je dis non ! Ça ne va plus se passer comme ça", Joinville Pomare et Clément Pito ont été à deux doigts d'en venir aux mains devant les juges et le procureur de la République. Enfin, la "complaisance" de l'État et un "dysfonctionnement" des institutions qui ont mené à cette situation n'ont pas manqué d'être pointés du doigt par les différents acteurs de la défense.

A la suite d'un rapport de la Chambre territoriale des Comptes, en 2009, la justice avait ouvert une information judiciaire pour enquêter sur les ressources financières accordées par la commune de Mahina à Radio Bleue. Tout comme la commune de Pirae avec Radio Maohi, La CTC reconnaissait cette radio de Mahina comme un organe de propagande politique lié au Ai’a Api, le parti d’Émile Vernaudon.

L’instruction a mis en évidence des versements sans convention de la municipalité à l’association PIP Radio Bleue de 40 millions Fcfp en 2005 et 2006, 35 millions Fcfp en 2007 et 21 millions Fcfp en 2008.

Ainsi, la commune de Mahina représentée par Me Toudji dénonce des hommes politiques qui font fi du cadre légal : "Il ressort de ce dossier un contexte de l'époque qui était un contexte où manifestement la fin justifiait les moyens et où le combat politique qui était mené a pu mener certains hommes politiques, certains élus, à considérer que les fonds publics dont ils avaient la disposition en cette qualité d'élus de la République pouvaient leur servir également pour leurs combats politiques." L'avocate ajoute : "Je rappelle, quand même, que dans ce dossier les comptes qui étaient produits de l'association qui recevaient des subventions publiques ne faisaient pas apparaitre en tant que telles les sommes qui étaient versées à la fois à M. Tafaatau et à la fois à M. Pomare et qu'au moment où la chambre territoriale des comptes a indiqué qu'elle allait lancer un audit de situation de l'association, c'est à ce moment-là que l'on a créé de toutes pièces des conventions de prestations de services qui ne correspondaient à strictement aucune réalité. Ce qui montre bien qu'on avait conscience à l'époque déjà que la façon de fonctionner ne correspondait pas à quelque chose d'admissible."

De son côté, le conseil de Joinville Pomare, Me Lau, pointe du doigt un acte citoyen qui ne peut pas être sanctionné par un retrait des droits civiques, "concernant les peines requises, peut-on être coupable d'avoir fait acte de citoyenneté pour mettre fin à un système mafieux ? Cette question méritait d'être posée. " Il ajoute par ailleurs, "M. Pomare l'a bien dit -A l'époque nous avions un but mettre fin à un système politique corrompu, un système politique mafieux-, pour lui c'était de la légitime défense. La radio était un des moyens utilisés pour mettre fin à ce système là et d'ailleurs ce moyens les autres factions politiques l'utilisaient, c'est ce que faisaient Radio Maohi et Radio Tefana. Il n'est pas interdit d'utiliser des fonds publics dans une radio, comme l'a expliqué mon confrère il n'y a rien qui dit dans le dossier que c'était une radio politique. Cette radio avait un programme il y avait de la musique, des informations communales et effectivement une radio politique. Est-ce que vous pensez que Radio Tefana n'avait pas d'émission politique ? Est-ce que Radio Maohi n'avait pas d'émission politique ? Personnellement je ne vois pas ce qu'on peut reprocher à M. Pomare dans cette affaire d'autant plus qu'il avait signé un contrat de prestation de service et il devait être payé. "

De son côté, le conseil d'Émile Vernaudon, Me Desarcis, parle d'un "dysfonctionnement institutionnel généralisé autour de la commune de Mahina". "Il n'y a pas eu enrichissement personnel", "Radio Bleue n'était pas une radio uniquement politique, c'était une radio qui avait la coloration politique de son maire. La coloration, je dis bien, pas la couleur. Elle faisait par ailleurs son travail d'information sur les services communaux et son travail d'information plus général de la population polynésienne", par ailleurs l'avocat de l'ancien maire de Mahina poursuit sa plaidoirie : "M. Vernaudon n'a jamais essayé de contourner quelque règle que ce soit pour gaver Radio Bleue d'argent public. Il a fait comme faisaient tous les maires qui avaient une radio. M. Vernaudon n'a jamais eu l'intention de détourner quoi que ce soit, il ne savait même pas qu'il était en train de le faire et personne qui aurait dû le lui dire, ne l'a fait. Alors même qu'ils se sont posé la question. La commune de Mahina revenait avec des lettres du Haut-commissaire, mais elle n'a jamais été interpellée à ce sujet."

Le parquet de son côté n'en revient pas. "J'ai un peu la tête qui tourne. Si j'ai bien compris, tout le monde faisait pareil, les uns, les autres, les autres radios… et les bras m'en tombent un peu", indique même le procureur. Le délibéré du tribunal correctionnel est, quant à lui, prévu pour le 28 mars 2017.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Mardi 17 Janvier 2017 à 18:25 | Lu 3604 fois