Tahiti, le 27 janvier 2021 - Une enquête sur "la formation initiale des enseignants en contexte de confinement" en Outre-mer fait état de stratégies de formation à distance souvent "improvisées à la hâte" engendrant des "disparités", une "surcharge de travail" et de "hauts niveaux d’insatisfaction et de stress chez les jeunes enseignants", sauf en Polynésie, où les étudiants moins nombreux, sont mieux préservés.
Fermeture des écoles, télétravail du personnel, virtualisation de la formation et des relations avec les familles des élèves : si le déclenchement du plan national de réponse à la Covid s’est accompagné de la mise en œuvre de la continuité pédagogique, le dispositif a rapidement montré ses limites, "voire renforcé des traitements inégalitaires" épingle un rapport sur la formation initiale des fonctionnaires stagiaires en Outre-mer.
Le rapport pointe notamment "la faible prise en compte des spécificités locales dans le cadre de la mise en place de la réponse nationale à la Covid-19" avec des "conséquences importantes pour la formation et le recrutement du personnel de l’Éducation nationale."
Vécu, perceptions et attitudes en contexte de confinement : cette enquête signée par trois universités (l'université de Polynésie française, l'université de Nouvelle-Calédonie et l'université des Antilles) s'intéresse "aux conditions de formation et de validation du diplôme nécessaire à la titularisation des étudiants ayant le statut de fonctionnaires stagiaires."
Six aspects de leur vécu en particulier ont été interrogés : la possession de matériel informatique, l’accès aux ressources numériques, les conditions matérielles pendant le confinement, les interactions éducatives, le bien-être et le sentiment d’insécurité.
Formation et autoformation "parfois improvisées"
Il en ressort que les stratégies de formation à distance, "souvent improvisées à la hâte", n’ont pas pu résoudre le "manque de moyens techniques et économiques dont souffrent les communautés les plus marginalisées et géographiquement éloignées". La situation a vraisemblablement engendré une "surcharge de travail" et de "hauts niveaux d’insatisfaction et de stress" chez les jeunes enseignants d’outre-mer.
Dans ce contexte critique, qui a imposé "des modes de formation et d’autoformation parfois improvisés", les disparités entre étudiants sont indiscutables. Les auteurs de l’enquête se demandent ainsi légitimement si cette stratégie "tout à distance (…) n’accentue pas les inégalités d’accès aux diplômes et à la formation." Une réalité mise en exergue par plusieurs enquêtes récentes, pointant du doigt "l’impact de la fracture numérique."
Difficulté d’accès à Internet
D’un point de vue matériel, cependant, les Polynésiens ne sont pas en reste. Les stagiaires sont tous dotés en ordinateur (98,2%). Pour une courte moitié d’entre eux en revanche (47,2%), la qualité de la connexion Internet n’est pas au rendez-vous. "Le problème est caractéristique de l’insuffisance des infrastructures pour une couverture Internet haut débit pour tous les habitants des différentes îles" indique le rapport.
Ce qui est particulièrement vrai en saison d’examens, les étudiants étant nombreux à se connecter sur la plateforme "Moodle exams", particulièrement sollicitée en ces temps de crise sanitaire. Or, selon le rapport, seulement 55,8% des enseignants stagiaires accèdent sans problème à Moodle avec leur propre matériel et seulement 63% des enquêtés ont accès sans aucune difficulté à leur messagerie.
"Un chiffre qui laisse penser à une certaine détresse (..) chez ces stagiaires pour qui l’année de titularisation demande un travail conséquent et une actualisation incessante des savoirs" indique le rapport. De quoi établir une corrélation entre "la difficulté d’accès à une connexion Internet et le fait de se sentir plus stressé par le confinement".
Des enseignants stagiaires rémunérés
Mais c’est plus "l’impossibilité de travailler isolé" qui augmente la part de stress des Polynésiens. "Lorsque l’on partage un logement, la présence d’autres membres du foyer interfère dans le déroulement de son travail", poursuit l’enquête. Les résultats indiquent ainsi que 37,6% des stagiaires polynésiens ne peuvent pas s’isoler au cours de la journée.
Globalement, un fort niveau de stress ressort des données de l’enquête. De manière générale, le taux d’étudiants apeurés s’élève à 63%, avec une particularité sur les territoires du Pacifique, sauf en Polynésie où les enseignants stagiaires - professeurs à mi-temps d’un côté, étudiants de l’autre - semblent plus "détendus" qu’ailleurs. "Ce qui est très intéressant, c’est qu’ils n’ont pas du tout le même ressenti qu’en métropole, commente Rodica Ailincai, professeur en Sciences de l'éducation, et co-auteur de l’étude. Ils ont même bien vécu le confinement, ce qui les dérangeait ce n’étaient pas les cours à distance, c’étaient leurs enfants, leurs parents, leurs grands-parents, ou faire les courses".
Le fait qu’ils soient rémunérés en Master 2 et qu’ils disposent d’une bonne formation numérique change aussi la donne selon la chercheuse. "Ils ont les outils, ils sont aisés, et ils sont bien chez eux" ajoute Rodica. Pas de fracture numérique pour eux donc, mais pour beaucoup d’autres étudiants en revanche si.
"On peut faire l’hypothèse qu’ici, le manque d’informations et parfois la communication d’informations contradictoires de la part de l’administration centrale ont conduit à accentuer les peurs déjà présentes, conclut cependant le rapport. Finalement, le numérique permet effectivement de limiter certaines contraintes qui pèsent sur les apprentissages, mais il ne s’agit que d’un outil et jamais d’une solution. (…) La pédagogie reste toujours plus importante que la technologie."
Fermeture des écoles, télétravail du personnel, virtualisation de la formation et des relations avec les familles des élèves : si le déclenchement du plan national de réponse à la Covid s’est accompagné de la mise en œuvre de la continuité pédagogique, le dispositif a rapidement montré ses limites, "voire renforcé des traitements inégalitaires" épingle un rapport sur la formation initiale des fonctionnaires stagiaires en Outre-mer.
Le rapport pointe notamment "la faible prise en compte des spécificités locales dans le cadre de la mise en place de la réponse nationale à la Covid-19" avec des "conséquences importantes pour la formation et le recrutement du personnel de l’Éducation nationale."
Vécu, perceptions et attitudes en contexte de confinement : cette enquête signée par trois universités (l'université de Polynésie française, l'université de Nouvelle-Calédonie et l'université des Antilles) s'intéresse "aux conditions de formation et de validation du diplôme nécessaire à la titularisation des étudiants ayant le statut de fonctionnaires stagiaires."
Six aspects de leur vécu en particulier ont été interrogés : la possession de matériel informatique, l’accès aux ressources numériques, les conditions matérielles pendant le confinement, les interactions éducatives, le bien-être et le sentiment d’insécurité.
Formation et autoformation "parfois improvisées"
Il en ressort que les stratégies de formation à distance, "souvent improvisées à la hâte", n’ont pas pu résoudre le "manque de moyens techniques et économiques dont souffrent les communautés les plus marginalisées et géographiquement éloignées". La situation a vraisemblablement engendré une "surcharge de travail" et de "hauts niveaux d’insatisfaction et de stress" chez les jeunes enseignants d’outre-mer.
Dans ce contexte critique, qui a imposé "des modes de formation et d’autoformation parfois improvisés", les disparités entre étudiants sont indiscutables. Les auteurs de l’enquête se demandent ainsi légitimement si cette stratégie "tout à distance (…) n’accentue pas les inégalités d’accès aux diplômes et à la formation." Une réalité mise en exergue par plusieurs enquêtes récentes, pointant du doigt "l’impact de la fracture numérique."
Difficulté d’accès à Internet
D’un point de vue matériel, cependant, les Polynésiens ne sont pas en reste. Les stagiaires sont tous dotés en ordinateur (98,2%). Pour une courte moitié d’entre eux en revanche (47,2%), la qualité de la connexion Internet n’est pas au rendez-vous. "Le problème est caractéristique de l’insuffisance des infrastructures pour une couverture Internet haut débit pour tous les habitants des différentes îles" indique le rapport.
Ce qui est particulièrement vrai en saison d’examens, les étudiants étant nombreux à se connecter sur la plateforme "Moodle exams", particulièrement sollicitée en ces temps de crise sanitaire. Or, selon le rapport, seulement 55,8% des enseignants stagiaires accèdent sans problème à Moodle avec leur propre matériel et seulement 63% des enquêtés ont accès sans aucune difficulté à leur messagerie.
"Un chiffre qui laisse penser à une certaine détresse (..) chez ces stagiaires pour qui l’année de titularisation demande un travail conséquent et une actualisation incessante des savoirs" indique le rapport. De quoi établir une corrélation entre "la difficulté d’accès à une connexion Internet et le fait de se sentir plus stressé par le confinement".
Des enseignants stagiaires rémunérés
Mais c’est plus "l’impossibilité de travailler isolé" qui augmente la part de stress des Polynésiens. "Lorsque l’on partage un logement, la présence d’autres membres du foyer interfère dans le déroulement de son travail", poursuit l’enquête. Les résultats indiquent ainsi que 37,6% des stagiaires polynésiens ne peuvent pas s’isoler au cours de la journée.
Globalement, un fort niveau de stress ressort des données de l’enquête. De manière générale, le taux d’étudiants apeurés s’élève à 63%, avec une particularité sur les territoires du Pacifique, sauf en Polynésie où les enseignants stagiaires - professeurs à mi-temps d’un côté, étudiants de l’autre - semblent plus "détendus" qu’ailleurs. "Ce qui est très intéressant, c’est qu’ils n’ont pas du tout le même ressenti qu’en métropole, commente Rodica Ailincai, professeur en Sciences de l'éducation, et co-auteur de l’étude. Ils ont même bien vécu le confinement, ce qui les dérangeait ce n’étaient pas les cours à distance, c’étaient leurs enfants, leurs parents, leurs grands-parents, ou faire les courses".
Le fait qu’ils soient rémunérés en Master 2 et qu’ils disposent d’une bonne formation numérique change aussi la donne selon la chercheuse. "Ils ont les outils, ils sont aisés, et ils sont bien chez eux" ajoute Rodica. Pas de fracture numérique pour eux donc, mais pour beaucoup d’autres étudiants en revanche si.
"On peut faire l’hypothèse qu’ici, le manque d’informations et parfois la communication d’informations contradictoires de la part de l’administration centrale ont conduit à accentuer les peurs déjà présentes, conclut cependant le rapport. Finalement, le numérique permet effectivement de limiter certaines contraintes qui pèsent sur les apprentissages, mais il ne s’agit que d’un outil et jamais d’une solution. (…) La pédagogie reste toujours plus importante que la technologie."